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Mediacités, l’investigation locale à œillères

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13 mars 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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Mediacités, l’investigation locale à œillères

Temps de lecture : 5 minutes

Mediacités est un média web d’investigation locale. Il s’est fixé pour mission de mener des enquêtes sur des sujets concernant les métropoles de Nantes, Lille, Lyon et Toulouse. Il complète ainsi la presse quotidienne régionale (PQR) plutôt consacrée à l’actualité qu’à l’investigation. Or, dans ce domaine, l’honnêteté journalistique est presque plus importante que dans le journalisme d’actualité, tant une enquête à charge peut être nocive, quelle que soit par ailleurs la véracité de ses accusations. Jetons un coup d’œil.

Mediacités, Médiapart au capital

Les fon­da­teurs de Mediac­ités, déclaré au Greffe du Tri­bunal de Com­merce de Paris en octo­bre 2016, ont souhaité bâtir un média qui réponde à « l’esprit de trans­parence, de fia­bil­ité et d’indépendance d’une entre­prise de presse digne de ce nom ». Son cap­i­tal est détenu pour moitié (56%) par ses fon­da­teurs, à 40% par des investis­seurs et à 4% par la Sociétés des Amis de Mediac­ités, qui compte 75 socié­taires et per­met, selon Mediac­ités, « une forme d’actionnariat pop­u­laire de presse. » « Cha­cun est, à sa mesure, co-pro­priétaire de Mediac­ités» Il existe donc plusieurs façons de soutenir le média : le don sim­ple, puis, entre 200 et 5 000 euros, l’investissement dans la Société des Amis de Mediac­ités, et enfin, au-dessus de 5 000 euros, l’investissement direct au cap­i­tal. Mediac­ités pré­cise que ses quar­ante action­naires « parta­gent nos valeurs », ce qui est une pré­ci­sion peu courante. Quant à savoir de quoi sont faites ces valeurs, peut-être la présence de Medi­a­part par­mi les action­naires peut-elle en don­ner une idée.

Des ambitions nobles en affiche

Mediac­ités garan­tit son indépen­dance totale à l’égard de ses action­naires et des dif­férents pou­voirs, qu’ils soient « publics, poli­tiques, économiques, idéologiques et religieux », esti­mant que c’est là « la con­di­tion indis­pens­able à une infor­ma­tion crédi­ble et de qual­ité. » On ne saurait au reste lui don­ner tort. Un jour­nal­iste qui ne s’autorise que cer­tains sujets ou angles pour éviter de froiss­er manque à une par­tie de son devoir d’informer. Gageons en souri­ant que cette affir­ma­tion est sincère, et que Mediac­ités ne dit jamais que ce dont ses jour­nal­istes très engagés sont con­va­in­cus. Ajou­tons que, étant don­né que selon les mêmes engage­ments, « aucun texte ne peut être imposé à sa rédac­tion », Mediac­ités sou­tient tous les textes présents sur son site. Cela englobe les tri­bunes, ce qui n’est pas for­cé­ment évi­dent. Bien des médias se déga­gent de toute respon­s­abil­ités con­cer­nant ce type de contenu.

Des tribunes immigrationnistes à sens unique

Fin févri­er 2024, Mediac­ités pub­li­ait une tri­bune inti­t­ulée « Met­tre fin à la chas­se aux mineurs isolés », et signée notam­ment par La Cimade, le Sec­ours Catholique, La France Insoumise, le CCFD, la CGT, EELV, Médecins du Monde, Sol­idaires. Cette tri­bune demandait aux pou­voirs publics « de pren­dre en charge ces jeunes étrangers isolés dont la minorité est con­testée par le con­seil départe­men­tal. » Au nom du « droit incon­di­tion­nel à un héberge­ment d’urgence », les sig­nataires deman­dent la fin de la « chas­se aux mineurs isolés », et l’ouverture d’un dis­posi­tif d’aide admin­is­tra­tive, juridique et matérielle. La tri­bune se con­clut par l’exigence suiv­ante : « Un loge­ment et des papiers pour toutes et tous. » Si les tri­bunes n’engagent pas néces­saire­ment les rédac­tions, force est de con­stater que chez Mediac­ités, celles qui con­cer­nent les « mineurs isolés » sont en sys­té­ma­tique­ment leur faveur. Pour­tant, selon sa charte, Mediac­ités « s’engage à pro­duire une infor­ma­tion de qual­ité, véri­fiée, indépen­dante, engagée mais non par­ti­sane. » Que les tri­bunes soient par­ti­sanes, c’est assez nor­mal. Mais pourquoi vont-elles tou­jours dans le même sens ? Mediac­ités ne reçoit-il que celles-là, ou refuse-t-il les autres ? Sans doute les deux.

Des enquêtes orientées

Il y aurait pour­tant bien des ques­tions pro­pres à l’enquête locale sur ce sujet : les mineurs isolés ont‑ils bien l’âge qu’ils pré­ten­dent ? Com­bi­en coûte leur entre­tien aux munic­i­pal­ités con­cernées ? Quelles sont les con­séquences de leur héberge­ment d’urgence pour les util­isa­teurs des lieux réqui­si­tion­nés, qu’il s’agisse d’écoles, de gym­nas­es, de lieux cul­turels ? Autant de sujets qu’un média d’investigation pour­rait traiter, et sur lequel il serait même atten­du, car ils con­cer­nent directe­ment les locaux, qui voient les­dits mineurs isolés dans leurs rues et ne peu­vent prof­iter nor­male­ment des gym­nas­es payés par leurs impôts. Pour­tant, ces sujets, Mediac­ités les oublie.

Vive les éoliennes !

Cette par­tial­ité, on la retrou­ve au reste dans toutes les enquêtes. Prenons les éoli­ennes. On trou­ve plusieurs papiers regret­tant le sabor­dage des sub­ven­tions. Il serait intéres­sant de se pencher sur les critères d’attribution de ces dernières et la façon dont les pro­mo­teurs prof­i­tent de l’argent des con­tribuables, mais non. Il ne s’agit que de veiller à ce que les éoli­ennes en reçoivent leur part, quelle que soit la ges­tion qu’elles en font. Quant aux con­séquences large­ment doc­u­men­tées des éoli­ennes sur la bio­di­ver­sité, Mediac­ités en par­le, il faut le recon­naître. Pour con­fron­ter, sans analyse jour­nal­is­tique, les argu­ments des pro­mo­teurs avec ceux des défenseurs des oiseaux ou des riverains opposés aux pro­jets. La charte du média se réfère pour­tant aux oblig­a­tions du jour­nal­iste qui « exam­ine avec rigueur et vig­i­lance cri­tique les infor­ma­tions, doc­u­ments, images, sons et pris­es de posi­tion qu’il col­lecte ou qui lui parvi­en­nent. » Où sont l’examen et la vig­i­lance, quand il ne s’agit que de retranscrire ?

Mediac­ités, aujourd’hui présent dans qua­tre grandes villes français­es, a les moyens de men­er ses recherch­es à sens unique. Et pourquoi pas un « Médi­av­illes » con­ser­va­teur qui ferait un pen­dant utile ?