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Violences urbaines à Toulouse : autopsie médiatique d’un fait divers

21 avril 2018

Temps de lecture : 5 minutes
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Violences urbaines à Toulouse : autopsie médiatique d’un fait divers

Temps de lecture : 5 minutes

Tout a commencé par l’interpellation d’une femme en niqab le 15 avril 2018 dans un quartier « sensible » à Toulouse. Il n’en fallait pas plus pour déclencher des violences urbaines qui allaient durer plusieurs nuits. Pour expliquer cet embrasement, au moins trois versions sont en présence. Nous revenons sur ces événements et la façon dont ils ont été relatés dans les médias et les réseaux sociaux.

Version mainstream

France Info donne le 16 avril à 12h15 une ver­sion des faits large­ment partagée dans les médias : « une femme en voile inté­gral qui util­i­sait des équipements sportifs sur place » a fait l’objet d’un con­trôle d’i­den­tité par la police. « Mais la per­son­ne con­cernée n’a présen­té qu’une pho­to­copie de mau­vaise qual­ité de sa carte nationale d’i­den­tité et a refusé de retir­er son voile pour mon­tr­er son vis­age aux policiers qui la con­trôlaient. Devant l’in­sis­tance des policiers, la femme se serait mise à crier. Elle a alors été inter­pel­lée et placée dans le véhicule de police. C’est à ce moment qu’une trentaine de per­son­nes s’en sont pris­es aux policiers, notam­ment en leur jetant des pro­jec­tiles. (…). Une vidéo cir­cu­lait lun­di sur les réseaux soci­aux dénonçant les méth­odes de la police et où l’on voit des policiers cein­tur­er et pla­quer au sol la femme qui se rebel­lait ».

Version « radio cité »

Une alerte Twit­ter cap­tée par le site Fdes­ouche fait état d’une agres­sion con­tre « une sœur » : « Alerte #Toulouse La police mal­traite, jette par terre, s’as­soie sur elle et hum­i­lie une sœur qui porte le niqab. Rien ne jus­ti­fie cette vio­lence dis­pro­por­tion­née. Il faut se mobilis­er et que ces humil­i­a­tions islam­o­phobes cessent ». Ce mes­sage est com­plété par une vidéo mise en ligne qui sera rapi­de­ment bien référencée dans les moteurs de recherche dès le 16 avril. Répon­dant au nom de « Dérad­i­cal­i­sa­tion des médias », l’auteur et /ou le con­tribu­teur de cette vidéo reste anonyme et ne donne aucune pré­ci­sion sur celle-ci : date, heures, lieu, per­son­nes impliquées, etc.

Version « élargissons le cadre »

En juil­let 2017, LCI relatait une fusil­lade à Toulouse ayant causé un mort dont l’auteur était caché …sous un niqab. Pour expli­quer l’embrasement du quarti­er toulou­sain, de nom­breux médias font égale­ment état d’un traf­ic de drogue dans le quarti­er gêné par la police et de l’émoi sus­cité par le décès en prison d’un jeune issu du quartier.

Une enquête du CNRS

Selon une récente enquête du CNRS réal­isée dans des quartiers dits sen­si­bles, présen­tée notam­ment par le jour­nal La Croix, « l’adhésion à la rad­i­cal­ité religieuse et à la vio­lence » con­cern­erait une frange impor­tante de jeunes musul­mans de ban­lieue. La défi­ance vis-à-vis des médias serait égale­ment impor­tante : « inter­rogés sur le 11 sep­tem­bre 2001, seuls un tiers des élèves rejet­tent totale­ment l’af­fir­ma­tion selon laque­lle cet atten­tat a été organ­isé par la CIA ». Dans ce cadre, des doc­u­ments « bruts » comme un tweet et une vidéo dif­fusée sur les médias soci­aux estampil­lés « com­mu­nau­taires » auront plus de crédit auprès de cer­tains jeunes que les infor­ma­tions véhiculées par les médias main­stream. L’information « com­mu­nau­taire » se résume dans ce cas à son expres­sion la plus sim­ple : une musul­mane s’est fait malmen­er lors d’un con­trôle de police. C’est ce que 20 Min­utes résume : « Sur les réseaux soci­aux, des habi­tants déplorent la méth­ode mus­clée employée ».

Niqab, victimisation et respect de la loi

Le site Media presse info repro­duit le 16 avril à 16 heures le procès-ver­bal de l’interpellation de la femme en niqab. Il y est indiqué qu’«  inter­pel­lée, elle se met­tait alors à crier ameu­tant les badauds et les inci­tant à s’en pren­dre physique­ment aux policiers ». Alors que France Info et l’ensemble des médias main­stream indiquent que la femme inter­pel­lée se serait mise à crier, le doc­u­ment offi­ciel de la Police fait état d’un appel à agress­er les policiers. Pourquoi cette pré­ci­sion impor­tante ne fig­ure-t-elle pas dans les arti­cles au sujet de l’interpellation ?

Plus glob­ale­ment, il a été observé à plusieurs repris­es (Argen­teuil, Trappes, Mar­seille, etc…) que des femmes por­tant le niqab dans les quartiers adop­taient une véri­ta­ble stratégie (en se rebel­lant et en ameu­tant les pas­sants) visant à ren­dre impos­si­ble leur con­trôle et le respect de la loi pro­hibant la cou­ver­ture du visage.

Les jour­nal­istes ne sont- ils pas passés à côté de l’essentiel ? Une expli­ca­tion sim­ple — et sans aucun doute majeure — n’a pas été évo­quée dans les médias main­stream : la loi ne règne plus dans de nom­breuses cités. En par­ti­c­uli­er, la loi inter­dis­ant de cacher son vis­age n’est pas appliquée et les femmes qui por­tent un niqab ont une stratégie impa­ra­ble de vic­tim­i­sa­tion pour déjouer les con­trôles de la police. Cela a été le cas dimanche 15 avril. Mais cette expli­ca­tion a le défaut de « stig­ma­tis­er » et de met­tre en lumière une « par­ti­tion » que l’ancien prési­dent F. Hol­lande avait annon­cé dans un instant de lucid­ité. « Com­ment peut-on éviter la par­ti­tion ? Car c’est quand même ça qui est en train de se pro­duire : la par­ti­tion.»…

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