Le chroniqueur de Fox News Tucker Carlson, nous l’avions dit dans ces colonnes, est la bête noire de l’establishment bipartisan, autant que l’espoir présidentiel de certains républicains trumpiens. Il est probablement, avec Victor Davis Hansen, du Hoover Institute, le seul homme « de droite » qui dialectise comme un homme de gauche. Et ça marche.
Une audience historique
Le 30 juin, la nouvelle tombait : Carlson pulvérisait les records (historiques) du câble pour le trimestre qui se clôturait : plus de 4 millions de téléspectateurs quotidiens. Du jamais vu, d’autant qu’une fois de plus Fox News était soumis au chantage publicitaire pour les propos « choquants » du chroniqueur sur les activistes du mouvement Black Lives Matter.
Et, dans la foulée, plusieurs organes de presse, caressaient l’idée d’un Carlson candidat à l’élection présidentielle de 2024.
Il y a quelque chose de Nietzschéen chez Carlson : plus on l’attaque, plus il se renforce.
Il a été le seul, dès le début, à s’insurger contre le coup d’État en douceur lancé par la coalition des postmodernes-déconstructeurs d’Obama avec les impérialistes postsoviétiques du lobby militaro-industriel. Au point qu’il fut accusé d’être lui aussi un porteur d’eau de Poutine. Son domicile a déjà été attaqué par des manifestants d’extrême-gauche, terrorisant sa famille alors qu’il était sur les ondes.
Mais surtout, le journaliste a une vision du monde, comme Hansen, fondée sur l’histoire et la philosophie européennes. Ce qui l’a rendu capable, à longueur de chroniques quotidiennes, de translater dans le langage bourgeois des « classes moyennes supérieures » les messages révolutionnaires de Trump, le premier candidat moderne décidé à congédier cet establishment qui triche avec la confiance des électeurs des deux partis.
Pro-Trump, ma non troppo
Pire encore pour ses adversaires, Carlson aime d’avantage le Trumpisme que Trump. Il n’a jamais hésité, poliment mais fermement, à critiquer ce dernier, voire à le tirer des griffes des néoconservateurs quand il le fallait. L’on peut même dire que c’est Carlson qui a évité un bain de sang en Iran, lorsqu’il a pris son téléphone pour dire à Trump, qui avait déjà donné l’ordre de bombarder des cibles iraniennes après une « provocation », de revenir en arrière. Ce qui avait ulcéré le maintenant célèbre John Bolton, et le reste des Folamour qui pullulent autour du pouvoir.
Carlson se bat chaque soir contre le tribalisme et le communautarisme en reprenant à son compte les préceptes de Martin Luther King, contre la police de la pensée orchestrée par le grand capital ivre des industries technétroniques, contre la lâcheté et l’inculture des républicains, potiches des donateurs, qui n’ont pas idée qu’ils sont aujourd’hui confrontés à un processus révolutionnaire fondamental, digne non pas de la Révolution américaine de 1776, celle des propriétaires terriens, mais de la Révolution de 1789.
Il n’est donc pas étonnant que Carlson représente chaque soir une sorte de bouée herméneutique, porteuse de sens, décodant les apparences, que ce soit sur la pandémie du Covid-19 et l’hydroxychloroquine, la politique étrangère, la crise universitaire, et surtout sur la misère profonde des classes moyennes américaine, financière et psychologique, n’hésitant pas à complimenter un ouvrage d’Élizabeth Warren, bien vite oublié par cette dernière, ou à s’attaquer au capitalisme.
Il n’est pas étonnant non plus, au moment où Trump semble se chercher face à un électorat partagé entre la peur de mourir et celle de crever de faim. Trump tombe dans le piège de se présenter comme un républicain classique, autrement dit ne sachant pas quelle contre-offensive mener et bien des républicains, à coté de ceux qui souhaitent la fin de Trump, craignent son prochain échec.
Il y va donc de l’avenir du programme MGA (Make America Great Again). Une reprise de flambeau serait possible avec Carlson. C’est une idée reprise également par le site de Forbes.
Trois hypothèses
Qu’y voir? Trois hypothèses :
- Certains malicieux voudraient créer une rupture entre Trump et Carlson, Trump ne supportant pas (et sa fille) qu’on lui fasse de l’ombre. Steve Bannon avait été ainsi promu par les médias avec le résultat que l’on sait.
- C’est une façon de convaincre les gens instruits de ne pas voter pour Trump, leur offrant de lâcher la proie pour l’ombre, et d’accréditer par ailleurs l’idée que les dirigeants républicains pensent que Trump va perdre.
- Ou bien c’est un moyen de tirer le tapis sous les pieds de l’ambitieuse Nicky Haley qui se profile comme la relève du parti militaro-industriel et donc la fée du retour à l’impérialisme-postsoviétique du bon vieux bushisme. Carlson l’a récemment égratignée.
Reste que les 4 millions de fidèles chaque soir collés à leur écran représentent une force de frappe à ne pas négliger. À suivre…
Voir également notre article sur les rapports de force politique aux États-Unis.