Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Pierre Haski ou la récompense pour services à venir

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

18 septembre 2018

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Pierre Haski ou la récompense pour services à venir

Pierre Haski ou la récompense pour services à venir

Temps de lecture : 7 minutes

Dans le monde des médias libéraux culturels, les positions se gagnent à force de pensée conforme. Une médaille en forme de rente de situation, sur France Inter, c’est ce qui vient d’arriver à Pierre Haski.

Après 27 ans à offici­er à la même heure et après qu’il soit devenu une sorte de gourou du « bien penser » en matière de géopoli­tique, faisant enten­dre sa voix chaque matin sur la radio la plus écoutée des libéraux cul­turels, France Inter, le départ de Bernard Guet­ta était de nature à provo­quer des « ouf ! » de soulage­ment. Et sans doute est-ce le cas. Le quidam aux pré­ten­tions jour­nal­is­tiques n’avait jamais véri­ta­ble­ment tro­qué sa mitre gauchisante rad­i­cale, dev­enue ten­dance bobo, con­tre une cas­quette de déon­tolo­gie. L’OJIM a déjà exposé le mode de pen­sée et le par­cours du mil­i­tant issu du trot­skysme cul­turel, auquel l’État a étrange­ment con­fié les clés de l’analyse géopoli­tique offi­cielle par média pub­lic inter­posé. Bernard Guet­ta quit­tant France Inter, cela pou­vait génér­er l’espoir d’une voix géopoli­tique un peu autre…

La France Inter se donne au soldat Haski

Un petit sol­dat en rem­place donc un autre, Pierre Has­ki, choisi par la direc­trice Lau­rence Bloch. Les deux se con­nais­sent assez bien pour pou­voir recom­mencer à tra­vailler ensem­ble, s’étant fréquen­tés en une époque pas si loin­taine où ils étaient jour­nal­istes en Afrique, Pierre Has­ki, c’est l’arrivée d’un his­torique de Libéra­tion à France Inter, Libéra­tion où il a émargé de 1981 à 2007. Tout juste sor­ti des écoles de jour­nal­isme bien pen­santes offi­cielles. De quoi vous mar­quer un cerveau au fer tou­jours rouge. Ce qui est le cas, du gros rouge post 68 même, que Pierre Has­ki a pour­suivi en co-fon­dant et écrivant dans Rue 89, tout en étant élu à la prési­dence de Reporters sans fron­tières en 2017. Les Européennes approcheraient-elles tant pour qu’il faille médi­a­tique­ment tout encadr­er ain­si ? Peut-être… Gar­dons à l’esprit que le pure play­er de Pierre Has­ki, Rue 89, hébergé à L’Obs, a été financé par Math­ieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre Bergé, et même très sou­vent ren­floué par les mêmes puisqu’il n’a jamais été à l’équilibre. Un Rue 89 qui pra­tique donc le libéral­isme cul­turel dans les bras de L’Obs, ce qui donne par­fois ceci. Mais bon… les médias ont les amis et les employés ou sta­giaires qu’ils veu­lent, même s’ils font un peu peur ici et là.

Quelle est cette Église bâtie sur ce Pierre ?

Un peu la même que celle qui existât 27 ans durant sur le compte en banque de Bernard Guet­ta, l’église de la sainte bien pen­sance « intériste » libérale cul­turelle mati­nale. Pierre pour­suit l’œuvre de son prédécesseur. Deux exemples :

Le 10 septembre 2018, petit Pierre pense que « Le modèle suédois se brise sur la peur des migrants ».

Pas le drame, pas la cat­a­stro­phe inhu­maine etc, non, la « peur », celle des petits blancs, blonds aux yeux clairs de Suède. Que nous dit Pierre ? Les récentes élec­tions ayant vu « l’extrême droite » (une droite, en fait) gag­n­er beau­coup de suf­frages « con­stituent un choc ». Cela « vient bris­er l’image idyllique d’un pays qui a longtemps sem­blé exem­plaire. Exem­plaire, il l’a sûre­ment été en 2015 en accueil­lant plus de migrants que n’importe quel autre pays européen par rap­port à sa pop­u­la­tion », ce qui ne l’a pas empêché de con­serv­er forte crois­sance et chô­mage au plus bas (comme quoi, les migrants, hein…). Et pour­tant, il y a ce score « spec­tac­u­laire de l’extrême droite ». Cela mon­tre que « la ques­tion de l’accueil des migrants est d’abord iden­ti­taire (sic) dans un pays qui était autre­fois d’une homogénéité cul­turelle absolue et qui s’est trans­for­mé en l’espace de moins d’une généra­tion en une société mul­ti­cul­turelle ». Has­ki : « La Suède ne ressem­ble plus à son mythe », « les erre­ments européens de la dernière décen­nie ont fini d’ébranler les cer­ti­tudes ». Les « démoc­rates de Suède » ? À l’origine, « un grou­pus­cule néo nazi ». Il est cer­tain que si le chef du PCF actuel était invité par Pierre Has­ki, ce dernier indi­querait que le PCF était autre­fois un par­ti stal­in­ien ayant col­laboré au meurtre de masse sovié­tique. Non ? Main­tenant, ils sont « nation­al­istes » (c’est la guerre, cela, a dit Macron il y a peu). En Suède, c’est donc un « élec­tro­choc ». Cette « extrême droite » gag­n­era si les par­tis poli­tiques « tra­di­tion­nels » ne trou­vent pas les bonnes répons­es, dit petit Pierre. Par con­tre, ce qu’il ne dit pas, c’est que la sit­u­a­tion qui paraît l’embêter est le résul­tat des poli­tiques menées par ces mêmes par­tis, à l’échelle de l’Europe, poli­tiques menées aus­si en suiv­ant l’idéologie de tous les Pierre Has­ki du continent.

Le 13 septembre 2018, petit Pierre s’intéresse à Viktor Orban

Où l’on par­le, comme tou­jours finale­ment sur France Inter, de « l’extrême droite ». Pierre Has­ki démarre en trombe : « C’est la fin de l’impunité pour le pre­mier min­istre hon­grois et chef des illibéraux en Europe » (petit Pierre a son dic­tio­n­naire du lan­gage macronien en per­ma­nence sous le coude). « Le déclenche­ment d’une procé­dure con­tre la Hon­grie est véri­ta­ble­ment his­torique » (tré­mo­los jubi­la­toires dans la voix). Pourquoi ? Car « cela fait longtemps que la Hon­grie mul­ti­plie les atteintes à la jus­tice, à la presse, à la société civile, et défend des posi­tions xéno­phobes sans que l’UE ne réagisse ». Ce qui est intéres­sant dans cette affir­ma­tion, c’est que juste­ment, l’UE ouvre une procé­dure pour voir si tout cela a lieu. Pour­tant, dans l’esprit de Pierre Has­ki, l’ouverture d’une enquête sem­ble val­oir con­damna­tion… Il n’y a pas de pré­somp­tion d’innocence pour la Hon­grie, dans la bouche de petit Pierre, une pré­somp­tion qui est pour­tant un des socles de l’État de droit. Si nous étions un Pierre Has­ki, nous en con­clu­ri­ons cer­taine­ment que le chroniqueur est coupable d’atteinte au socle qu’est l’État de droit, rien qu’en ouvrant une dis­cus­sion à ce sujet. Le libéral­isme cul­turel est cette posi­tion qui con­naît déjà toutes les répons­es (morales) avant de pos­er les ques­tions. Sans le vouloir, Pierre Has­ki indique la rai­son de la procé­dure : « elle prend tout son sens à 9 mois des élec­tions européennes ». …les citoyens avaient com­pris. De crainte de per­dre quelques priv­ilèges, nos libéraux cul­turels européens enquê­tent ici, veu­lent blo­quer des fonds là, entre autres manœu­vres évidem­ment respectueuses de l’idéal démoc­ra­tique. C’est que Merkel, explique Has­ki, voudrait qu’un bavarois mem­bre du PPE devi­enne le nou­veau patron de la Com­mis­sion européenne, alors évidem­ment il con­vient qu’Orban aille voir un peu hors PPE si l’herbe est plus bleue… Et ce que dame Angela (et fis­ton Emmanuel) veu­lent est par nature pour notre bien à tous. La procé­dure, du coup ? Une « rup­ture lourde de sens alors que les forces pop­ulistes et d’extrême droite se sen­tent pouss­er des ailes à tra­vers l’Europe ». Pourquoi ? Orban « s’était attaqué à Merkel puis à Macron », dans l’été, et a été vu en train de dis­cuter avec Salvi­ni, alors évidem­ment… « Orban est donc repoussé à l’extrême droite de l’échiquier, auquel il appar­tient en réalité ».

Voilà une sacrée chronique de géopoli­tique ! Toute en nuances et en finesse, avec un bon gros brin de mil­i­tance. Comme avec Bernard Guet­ta avant, per­son­ne n’apprend rien sur ce qui se passe dans le monde ; par con­tre, cha­cun a droit à son ser­mon quo­ti­di­en con­tre les méchants dia­blotins pop­ulistes ou rad­i­cale­ment de droite, autrement dit con­tre ceux qui ne pensent pas comme Pierre Has­ki ou Nico­las Demor­and . Comme Pierre Has­ki fait une fix­ette sur les fake news (des pop­ulistes, bien enten­du) et réflé­chit à com­ment les éradi­quer, ce sera cer­taine­ment plus sim­ple en étant dans un des don­jons du système.La cam­pagne menée offi­cielle­ment par Guet­ta pour le « Oui » au référen­dum sur le Traité de Lis­bonne, chaque matin sur France Inter, avait été remar­quée. Il devrait en être de même avec Pierre Has­ki en vue des européennes de 2019. Les appareils se lèvent tous pour l’Europe libérale lib­er­taire ! Hop, En Marche toute !

Crédit pho­to : Actu­aLit­té via Wikimédia