Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Libération contre Valeurs actuelles : le ridicule de l’été !

28 août 2018

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Libération contre Valeurs actuelles : le ridicule de l’été !

Libération contre Valeurs actuelles : le ridicule de l’été !

Temps de lecture : 7 minutes

Le 30 juillet 2018, Libération a voulu donner des gages à son lectorat vieillissant, et inquiet des progrès des populismes, en tirant à boulets (rouges) sur Valeurs Actuelles. Résultat ? Le ridicule ne tue plus mais il demeure ridicule. Comme souvent Libération.

Dans un arti­cle paru le 30 juil­let 2018, la jour­nal­iste de Libéra­tion Vir­ginie Bloch-Lainé, par ailleurs (et comme il se pra­tique en ces milieux) habituée de France Cul­ture, s’attaque à l’hebdomadaire (des méchants, dans son esprit), Valeurs Actuelles. Elle recon­naît assez naïve­ment ne l’avoir jamais lu avant, sans doute à l’instar de tous ses col­lègues ou presque du monde médi­a­tique de boboland. C’est dans Libéra­tion. La rédac­tion de l’hebdomadaire visé répond quant à elle le 1er août 2018.

La grande peur de la bien-pensante

Vir­ginie Bloch-Lainé a donc décidé de se faire des fris­sons au cœur de l’été. Elle a lu Valeurs Actuelles, elle s’est en quelque sorte encanail­lée. En effet, l’hebdomadaire claire­ment de droite (mot déjà sul­fureux en lui-même du côté de Libéra­tion et de France Cul­ture), ne manque pas de lecteurs, lesquels ne passent pas sou­vent dans les bureaux des arrondisse­ments du cen­tre de Paris. Encore moins depuis que la ville est élec­torale­ment En Marche. Que nous « apprend » cet article ?

  • Que lire Valeurs Actuelles durant cinq semaines néces­sit­erait de « tenir le coup », car ce serait l’hebdomadaire « de la droite ultra » « prop­ice » aux « déra­pages ». Lesquels ? Pra­ti­quer « la glo­ri­fi­ca­tion de la France », du « gaspillage de l’argent pub­lic » ou de « l’essor de l’islamisme ». Le lecteur se dit que madame Bloch-Lainé devrait tout de même sor­tir un peu des locaux de Radio France si elle pense vrai­ment que ces thèmes sont « ultra » ou des « déra­pages ».
  • Que tout jour­nal­iste de boboland se doit à des pas­sages oblig­és, à com­mencer par l’acte de foi nar­cis­sique et égo­cen­tré. C’est ain­si que Vir­ginie Bloch-Lainé sem­ble penser néces­saire de par­ler (d’entrée de jeu) de sa vie privée au peu­ple des lecteurs de Libéra­tion:

« Le mag­a­zine sort le jeu­di et coûte 4,90 euros. Mon fils ado­les­cent me donne un con­seil depuis la cui­sine, sa pièce de prédilec­tion dans cette péri­ode de tran­si­tion de sa vie : m’abonner en ligne pour réduire le prix au numéro. Il ajoute que je béné­ficierais sûre­ment ain­si d’une newslet­ter quo­ti­di­enne, gra­tu­ite, qui pimenterait mon arti­cle de scoops — des scoops aux yeux de Valeurs actuelles. C’est un bon plan. Je me rends sur le site de l’hebdo qui pro­pose un kit regroupant l’abonnement «lib­erté» et la «let­tre quo­ti­di­enne». Je dois pay­er 58,80 euros, mais je ne com­prends pas si je peux sus­pendre le tout quand je le souhaite. Ne prenons pas de risque. J’abandonne. »

La lecture faite par la journaliste est ensuite rythmée par les semaines

Semaine 1 : la jour­nal­iste de France Cul­ture invitée dans Libéra­tion sem­ble choquée par une cou­ver­ture sem­blant sup­pos­er que l’euro aurait une respon­s­abil­ité dans la dette publique de la France. Plus éton­nant, elle affirme ne pas « con­naître l’existence » de Sonia Mabrouk, ce qui indique un degré d’attention à sa prochaine (jour­nal­iste) de faible inten­sité. C’est à un entre­tien auquel est con­viée Sonia Mabrouk, laque­lle est par ailleurs auteur de livres. Son dernier roman a paru en 2018. Vir­ginie Bloch-Lainé sem­ble con­sid­ér­er que ne pas con­naître Sonia Mabrouk, dont elle ne partage évidem­ment pas, social-libéral­isme oblige, les idées sur l’Islam est un argu­ment por­teur. C’est surtout un révéla­teur de l’ambiance intel­lectuelle du monde des médias libéraux lib­er­taires : on joue encore avec des mal­abars. L’attaque (pré­ten­dre ne pas con­naître) a tout de la vin­dicte ado­les­cente de niveau qua­trième de col­lège. Vir­ginie Bloch-Lainé trou­ve aus­si que l’entretien accordé au mag­a­zine par « Robert O’Neill, le tueur de ben Laden » (il est en soit révéla­teur de con­sid­ér­er que cet homme est un « tueur ») est de « niveau CP ». Pourquoi ? L’homme qui nous a débar­rassés d’un ter­ror­iste assas­sin de masse d’innocents a été oublié par les amis de Vir­ginie Bloch-Lainé (la côte Est clin­toni­en­no-oba­mani­enne des Etats-Unis) et est proche de Trump. Sa vision du monde ne compte donc aucune­ment. Elle ne saurait être que bête.

Semaine 2 : Vir­ginie Bloch-Lainé est hor­ri­fiée. Pour elle, la cou­ver­ture est « épou­vantable ». Cette semaine-là, Valeurs Actuelles titre sur Soros, « Le mil­liar­daire qui com­plote con­tre la France ». Elle voit là une manière jour­nal­is­tique digne des années 30 (évidem­ment) et de l’antisémitisme de l’époque (for­cé­ment). Valeurs Actuelles lui appa­raît comme un mag­a­zine de type com­plo­tiste. À ses yeux, ce dossier pra­ti­querait la déla­tion. Avec de telles per­son­nes dans les médias d’État, nul doute que la diver­sité des opin­ions a du souci à se faire. Pourquoi ? Il est dif­fi­cile de dénon­cer ce que cha­cun sait déjà : le pro­jet d’open soci­ety de Soros pour la France et l’Europe n’est pas caché et nom­bre de médias ont pub­lié à ce pro­pos. Qui suit réelle­ment l’actualité sait que le mil­liar­daire inter­vient beau­coup dans la vie poli­tique du con­ti­nent, au point que le gou­verne­ment hon­grois s’est attaché à lim­iter son influ­ence sur son ter­ri­toire. L’OJIM, par con­tre, n’a pas sou­venir d’une inter­ven­tion de madame Bloch-Lainé au sujet des numéros de Libéra­tion qui dia­bolisent Steve Ban­non, comme ici (un titre qui ne sent évidem­ment pas ses années 30…).

Semaine 3 : telle­ment « choquée » par le numéro de la semaine 2, Vir­ginie Bloch-Lainé n’a pas la force de lire celui de la semaine 3.

Semaine 4 : il y a un dossier sur les ban­lieues mais Vir­ginie Bloch-Lainé se « dis­pense de sa lec­ture ». Elle pense trou­ver un arti­cle « moins obses­sion­nel », feuil­lette, lit un arti­cle con­sacré à l’Angola. Un bon arti­cle dit-elle mais… après avoir cher­ché dans les archives de Libéra­tion, elle trou­ve la même chose parue six mois aupar­a­vant… C’est ain­si : dans l’esprit des jour­nal­istes du genre de cette dame, il y a le vrai jour­nal­isme (la gauche sociale libérale) et le faux jour­nal­isme (la presse qui n’est pas de gauche sociale libérale). Il ne lui serait pas venu à l’idée d’aller voir si son Libéra­tion du jour ne repre­nait pas des infor­ma­tions parue dans Valeurs Actuelles six mois aupar­a­vant (évidem­ment).

Semaine 5 : elle est gâtée ! Mar­i­on Maréchal et Serge Das­sault en Une ! Le pire, vu depuis les stu­dios sub­ven­tion­nés de Radio France et la salle de rédac­tion sous per­fu­sion de Libéra­tion. Vir­ginie Bloch-Lainé ne lit pas, nous l’avions dev­iné mais elle le pré­cise : elle « feuil­lette ». Un peu comme avec la pen­sée et les idées, il faudrait avoir le courage de faire plus qu’effeuiller la pen­sée pour aller vers des con­cep­tions moins binaires du monde, mais cela n’entrerait pas dans la poli­tique édi­to­ri­ale de Libéra­tion. En plus, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles ose évo­quer le référen­dum irlandais sur l’avortement sans « respir­er l’enthousiasme » (con­tre ce résul­tat évidemment).

La con­clu­sion per­met de situer le lieu de la grande peur de la bien-pen­sante, peur qui sem­ble de plus en plus partagée dans les médias officiels :

« Valeurs actuelles a des obses­sions. Dans l’ordre et sans exhaus­tiv­ité : glo­ri­fi­er la France, cri­ti­quer Emmanuel Macron, se plain­dre du gaspillage de l’argent pub­lic et nous alert­er sur l’essor de l’islamisme. Je ter­mine ce test sans me livr­er à l’exégèse de l’entretien avec Mar­i­on Maréchal, je vous l’épargne, mais selon eux, avec elle, on est sur la bonne voie. Rien à redire à sa vision du monde. En févri­er 2016, Libéra­tion enquê­tait sur Valeurs actuelles et se demandait pour quel can­di­dat roulait le jour­nal. Un an et demi plus tard, le doute n’est plus actuel. L’hebdomadaire espère 200 000 lecteurs par numéro d’ici 2020. »

L’ensemble suinte la pen­sée unique et l’incapacité à accepter la sim­ple exis­tence d’une pen­sée autre que la sienne, le tout au nom de ce qui serait Bien par nature : en par­ti­c­uli­er, tout sauf Valeurs Actuelles. Que pense ce mag­a­zine de la lec­ture de la jour­nal­iste salariée par l’État du côté de Radio France ?

La réponse de Valeurs Actuelles

Elle est signée de la rédac­tion et s’annonce ironique: « On n’a pas eu le temps de tester Libéra­tion ». L’ensemble peut se lire ici : la réponse de Valeurs Actuelles à Libéra­tion.

Drôle, sou­vent caus­tique, Libéra­tion reçoit une heure de colle. Nous lais­sons nos lecteurs juger plus avant de la réponse. Reste main­tenant pour Vir­ginie Bloch-Lainé à se cul­tiv­er un peu, his­toire que sa plume ressem­ble à quelque chose de pen­sant le monde pour ce qu’il est : un lieu de complexité.