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Disparition d’Émile : une bien accablante « journaliste » fait le procès de la famille

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4 septembre 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Disparition d’Émile : une bien accablante « journaliste » fait le procès de la famille

Temps de lecture : 5 minutes

C’est un moment particulièrement abject, qui s’est déroulé sur le plateau de BFMTV le 29 août 2023. Interrogée sur la disparition du jeune Émile survenue au Haut-Vernet il y a près d’un mois, la « journaliste » de Libération Bernadette Sauvaget a accablé encore un peu plus la famille, dont elle a fait le procès en “catholicisme-extrême droitier”.

Sur le plateau de BFMTV, Olivi­er Tru­chot revient sur l’entretien que la famille du jeune garçon dis­paru a don­né à Famille chré­ti­enne. Qual­i­fi­ant les par­ents de celui-ci de cou­ple « très pieux », le présen­ta­teur souligne com­ment celui-ci a « choisi la presse catholique car [il] avait peur d’être moqué, ridi­culisé ». Et d’interroger Bernadette Sauvaget, jour­nal­iste de Libéra­tion pour analyser led­it entretien.

Une analyse volontairement politique

« Ils ont choisi un titre catholique, […] plutôt proche de leurs con­vic­tions », dira d’abord Sauvaget. Apparem­ment attachée au rite tra­di­tion­nel de l’Église catholique, la famille aurait donc souhaité s’exprimer dans un jour­nal « proches de leurs con­vic­tions », et non relatif à leur foi ? C’est parce qu’ils voulaient par­ler de cette épreuve en qual­ité de cou­ple, de famille catholique que les par­ents d’Émile se sont rap­prochés du média dirigé par Samuel Pru­vot, comme ce dernier l’a racon­té. Évo­quer des « con­vic­tions » reve­nait dès les pre­miers mots de son dis­cours à ori­en­ter la suite de son analyse vers un biais poli­tique, alors même que le jour­nal Famille chré­ti­enne se situe plutôt dans la droite mod­érée sur l’échiquier poli­tique et ne fig­ure pas par­mi les média catholique attachés à la liturgie traditionnelle.

« Ils dis­ent que leur foi a été car­i­caturée. […] J’ai pas eu ce sen­ti­ment. »

Bernadette Sauvaget a ensuite regret­té que les par­ents du jeune garçon aient déploré que leur « foi [ait] été car­i­caturée ». Et la « jour­nal­iste » d’affirmer qu’à la lec­ture de plusieurs arti­cles, elle n’en « a[vait] pas eu le sentiment ».

Prenons un bref échan­til­lon des arti­cles parus à la suite de la dis­pari­tion : une glo­rieuse (sic) presse fémi­nine relaie ici la thèse (elle-même relayée par Ouest-France), selon laque­lle le jeune garçon, qui, on cite : « aurait pu dis­paraître lors d’une messe noire. [Une théorie] dans la droite lignée des rumeurs per­sis­tantes sur la famille du petit garçon », se dédouane le tor­chon. Pas plus ami­caux, les pro­pos rap­portés dans Paris Match (repris par Gala), qui évoque la famille d’Émile comme des per­son­nes « trop calmes […] trop maîtres de leurs émo­tions » et « sec­taires ». Guère plus sym­pa­thiques, les témoignages visant à fustiger l’attitude du père de famille lors des battues, tout en rap­pelant au détour de l’article les engage­ments poli­tiques passés de celui-ci. L’échantillon n’est hélas, pas exhaustif…

Politique et religieux : une liaison exaltée

« Il y a un cer­tain malaise autour de leurs con­vic­tions catholiques car ce ne sont pas des catholiques ordi­naires mal­gré tout, d’ailleurs ils le recon­nais­sent », a ensuite débal­lé la jour­nal­iste d’un âge avancé, et d’ajouter « Ils sont liés à des organ­i­sa­tions catholiques que l’on peut qual­i­fi­er d’extrême-droite. »

Liant oppor­tuné­ment deux élé­ments pour­tant dis­tincts (l’attachement de la famille à une forme liturgique tra­di­tion­nelle et les con­vic­tions poli­tiques de celle-ci), cette asser­tion témoigne d’abord de la mécon­nais­sance crasse des jour­nal­istes sur les ques­tions ayant trait aux sub­til­ités des litur­gies chré­ti­ennes. La jour­nal­iste évo­quera la fig­ure de « Bernard Antony », qual­i­fié de « grande fig­ure de l’extrême-droite catholique ». Se référ­er au prési­dent de l’Alliance générale con­tre le racisme et pour le respect de l’identité française et chré­ti­enne (AGRIF), âgé de 79 ans, sem­ble par ailleurs indi­quer les archives assez anci­ennes dont dis­pose Mme Sauvaget (Bernard Antony a quit­té le Front Nation­al au début des années 2000).

À la recherche du sensationnel

Cette asser­tion témoigne par ailleurs de l’absence de lim­ites de cer­tains jour­nal­istes lorsque sont évo­quées des per­son­nes appar­tenant à une famille de pen­sée — en l’occurrence, la droite nation­al­iste ou iden­ti­taire – sys­té­ma­tique­ment car­i­caturée pour sa ligne en faveur de la préférence française. En l’occurrence, le « Bas­tion social » (asso­ci­a­tion pointée du doigt parce qu’elle a fait l’objet d’une dis­so­lu­tion poli­tique) auquel aurait appartenu le père du jeune garçon, avait pour objet dans ses statuts « de venir en aide aux seuls dému­nis de nation­al­ité française »…L’appartenance passée du père de famille au mou­ve­ment de l’Action française il y a plusieurs décen­nies n’apportait en out­re pas grand-chose à l’affaire.

Qui est Bernadette Sauvaget ?

Bernadette Sauvaget fut un con­tribu­teur de Réforme, jour­nal protes­tant d’actualité. Dirigé depuis 2022 par Jean-Marie de Bourqueney, pas­teur appar­tenant à une frange libérale des Églis­es réfor­mées, Réforme sem­ble incar­n­er une frange du protes­tantisme qui par déf­i­ni­tion con­stitue un « courant con­tes­ta­teur de la tra­di­tion dont le but est de for­muler une pen­sée adap­tée à la moder­nité. » Si la ligne édi­to­ri­ale de cet heb­do­madaire sem­ble donc assez peu com­pat­i­ble avec un catholi­cisme tra­di­tion­nel, la con­tri­bu­tion régulière de Bernadette Sauvaget au quo­ti­di­en Libéra­tion laisse par ailleurs peu de doutes pour l’affection qu’elle porte à ces mou­ve­ments. Tirant à boulets rouges sur toute fig­ure diocé­saine vague­ment con­ser­va­trice (voir les arti­cles : Messe en latin et évangéli­sa­tion : Dominique Rey, l’évêque réac qui embar­rasse le Vat­i­can ou Quand l’évêque de Nan­terre Matthieu Rougé par­ticipe à une uni­ver­sité d’été d’extrême droite), elle abor­de l’Église catholique presque exclu­sive­ment sous l’angle des scan­dales, à l’exception des arti­cles qu’elle rédi­ge sur le pape François dont elle sem­ble saluer l’action.

Il est des épisodes de mau­vaise foi qui prê­tent, au sein d’une caste médi­a­tique sujette à la ver­sa­til­ité de l’information con­tin­ue, à sourire. La grav­ité des pro­pos de Mme Sauvaget, qui sem­ble oubli­er l’épreuve à laque­lle est soumise une famille qui a vu son enfant dis­paraître depuis plus d’un mois et qui trou­ve judi­cieux, en bon « expert » de plateaux auto­proclamé, d’en faire le procès, n’en fait pas partie.