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Le monde selon Delphine Ernotte

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22 juillet 2023

Temps de lecture : 4 minutes
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Le monde selon Delphine Ernotte

Temps de lecture : 4 minutes

Le 5 juillet 2023, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, était auditionnée à l’Assemblée nationale par la Commission des finances. Au cours de cette audition, Ernotte a passé en revue les défis qui attendent le service public, puis a sorti cette phrase qui a fait couler beaucoup d’encre où elle affirme que France Télévisions représente la France « telle que l’on veut qu’elle soit » et non telle qu’elle est. Alors comment la France doit-elle être selon Delphine Ernotte ? Petite piqûre de rappel.

Ernotte veut construire le réel non le décrire

Tout d’abord, quelques con­sid­éra­tions déon­tologiques. Vouloir représen­ter la France telle qu’elle est, en somme décrire le réel, con­stitue nor­male­ment l’un des fon­da­men­taux de l’information. Naturelle­ment, selon l’angle d’attaque de telle ou telle rédac­tion, cer­tains aspects seront plus évo­qués que d’autres. L’OJIM, par exem­ple, fait un tra­vail de cri­tique de médias tels qu’ils sont, pas tels qu’il les aimerait. Posons quelques ques­tions à Madame Ernotte. Ce pro­jet de représen­ta­tion, qui ne cor­re­spond qu’à la vision d’une minorité représen­tée par une coterie libéral lib­er­taire, influ­ence t’il les actu­al­ités mis­es en avant dans les jour­naux ? Un fait d’actualité pour­rait-il par exem­ple être mis au sec­ond plan pou­vant stig­ma­tis­er des minorités ?

Mais de projet s’agit-il ?

Si ce n’est pas le réel qui est visé, quelle est donc cette France que veu­lent Ernotte et ses com­pères ? Dans sa déc­la­ra­tion, la prési­dente de France Télévi­sions se félicite d’avoir mon­té le taux de femmes experts à 50 %, atteignant le seuil paritaire.

Les autres chantiers de Madame Ernotte sont d’inclure plus de diver­sité eth­nique et sociale, plus de hand­i­capés et plus de jeunes dans le ser­vice pub­lic. Mal­heureuse­ment, sans sta­tis­tiques eth­niques, il va être com­pliqué de met­tre en place con­crète­ment cette diver­sité eth­nique, comme le souligne Del­phine Ernotte elle-même.

En bref, la France de France Télévi­sions, c’est une France métis­sée, où hommes et femmes sont représen­tés à égal­ité, et au détri­ment de l’homme blanc de plus de 50 ans qu’avait bro­cardé la prési­dente du groupe en prenant ses fonc­tions. Depuis son arrivée, des anciens du groupe ont été poussés vers la sor­tie. Par­mi eux David Pujadas, Julien Lep­ers, mais aus­si Patrick Sébastien. Ce dernier cas illus­tre d’ailleurs quelle idée Ernotte se fait de ce qui est « pop­u­laire ». Dans son audi­tion, elle déplore que le ser­vice pub­lic ne donne pas assez de vision aux tranch­es pop­u­laires et en donne trop aux class­es supérieures. Au même moment, Del­phine Ernotte licen­cie Patrick Sébastien, incar­na­tion même de l’animateur pop­u­laire, dont les émis­sions de var­iétés fai­saient de bonnes audi­ences, capa­bles de rivalis­er avec TF1 un same­di soir. Pour quel motif ? Trop pop­u­laire, com­prenez trop fran­chouil­lard. Une con­tra­dic­tion appar­ente, mais pour Madame Ernotte, les class­es dites pop­u­laires sont sans doute les mêmes que celles qui ont semé le chaos dans nos rues après la mort de Nahel. Un choix idéologique et eth­nique donc, qui fait per­dre de l’audience à France 2, mais que C8 a récupéré en red­if­fu­sant les anciens épisodes du Plus grand cabaret du monde, faisant un joli score au niveau des parts de marché.

Un service public fantasmé par LFI

Autre grand moment de cette audi­tion, lorsqu’Éric Coquer­el de LFI a souligné que « le ser­vice pub­lic est la garantie de l’indépendance des jour­nal­istes, du plu­ral­isme, de la garantie de con­sid­ér­er que le pub­lic doit servir à l’émancipation intel­lectuelle ». Une belle envolée lyrique qui représente le ser­vice pub­lic tel qu’on voudrait qu’il soit, pas tel qu’il est. En effet ce serait oubli­er la présence de Patrick « liste noire » Cohen sur les ondes du ser­vice pub­lic. En 2014, l’animateur à une excla­ma­tion d’une con­sœur, « mais enfin on peut penser ce que l’on veut ! » avait répon­du posé­ment « non ».

Voir aus­si : Patrick Cohen, portrait

La véri­ta­ble éman­ci­pa­tion intel­lectuelle, c’est savoir repér­er quand on cherche à nous faire avaler des couleu­vres. Comme dans La Fab­rique du men­songe à pro­pos de l’affaire Lola, tor­dant le cou à la réal­ité afin de voir un fait divers médi­atisé non pas à cause de sa bar­barie, mais à cause de l’extrême droite (sic).

Cette audi­tion aura ain­si per­mis à la prési­dente de France Télévi­sions d’affirmer une chose con­statée depuis longtemps : le ser­vice pub­lic sert une idéolo­gie, celle d’un monde métis­sé, au lieu de servir son pub­lic, le con­tribuable. Ce dernier, grâce à la rede­vance ou ce qui l’a rem­placé, per­met à des présen­ta­teurs, chroniqueurs et reporters de lui expli­quer que pour une bonne part, il est un odieux mâle blanc à éliminer.

Voir aus­si : Del­phine Ernotte, portrait

Vidéo : Delphine Ernotte : le grand ménage contre les mâles blancs