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Statistiques ethniques, mixité et JDD : Delphine Ernotte à l’Assemblée nationale

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10 juillet 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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Statistiques ethniques, mixité et JDD : Delphine Ernotte à l’Assemblée nationale

Temps de lecture : 8 minutes

Le 5 juillet, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, était reçue à la commission des finances. Proposée dans l’octave du rapport d’information des affaires culturelles et de l’éducation (Jean-Jacques Gaultier) sur l’avenir de l’audiovisuel public, l’audition tendait à mettre en lumière les « multiples défis » auxquels France Télévisions est confronté. Où l’on apprend que France Télévisions veut « représenter la France telle que l’on veut qu’elle soit ». Mais qui est ce « on » ?

« Nous sommes chanceux en France [où l’] audio­vi­suel pub­lic se porte bien ». Au pupitre de la salle de la com­mis­sion des affaires cul­turelles et de l’éducation, Del­phine Ernotte, PDG de France Télévi­sions, se mon­tre con­fi­ante. Inter­rogée à la Com­mis­sion des finances sur les défis aux­quels sont con­fron­tés l’institution, Ernotte s’est dit sat­is­faite du « niveau de con­fi­ance, d’attachement extrême­ment élevé » des Français à France Télévi­sions, applaud­is­sant le fait que « chaque jour un Français sur deux regarde nos pro­grammes [et que] huit Français sur dix regar­dent ceux-ci dans la semaine ». « Pre­mier groupe audio­vi­suel en France », France Télévi­sions fait, pour son PDG, ferait face à de nom­breuses problématiques.

France Télévisions et le respect de la souveraineté

En pre­mier lieu, la ques­tion de la sou­veraineté de l’information. Avec un tiers de son offre (et 40 % du bud­get investi) con­sacrée à l’information, France Télévi­sions est une source d’information impor­tante, qu’elle désigne comme un pili­er solide face à la dés­in­for­ma­tion. S’inquiétant de la général­i­sa­tion de l’intelligence arti­fi­cielle généra­tive, Ernotte regrette égale­ment la mon­tée de la « part de l’ingérence étrangère » qu’elle juge en pro­grès. « Je pré­side l’Union européenne de radio-télévi­sion et j’ai à ce titre fait un voy­age à Kiev pour soutenir mes col­lègues ukrainiens — que nous soutenons avec des pro­grammes et matériels, expli­quera-t-elle. Dans un pays en guerre, l’information, la maîtrise de cette infor­ma­tion est le sujet numéro un ». Ce con­stat soulève la ques­tion de la défense de la sou­veraineté française, et par­al­lèle­ment la ques­tion de l’information véhiculée par les réseaux soci­aux – aux mains des Améri­cains et des Chi­nois. « Dans ce paysage com­pliqué, argu­mentera-t-elle, le ser­vice pub­lic reste une bous­sole, et notam­ment le fait que nous sommes ancrés dans les ter­ri­toires. Nous avons 9 antennes ultra-marines, 24 antennes régionales dans l’hexagone. […] C’est plus de la moitié de nos effec­tives, régions et out­re-mer. Nous avons accéléré cette décen­tral­i­sa­tion ces dernières années. […] L’information sur la 3 sera à la ren­trée entière­ment locale et régionale. Cela répond à une attente du pub­lic ».

Vient ensuite la ques­tion de la créa­tion, deux­ième pili­er de l’offre de France Télévi­sions, qui com­prend notam­ment les pro­grammes sportifs. « Point fort pour rassem­bler les gens de manière pos­i­tive, selon Ernotte, ces pro­grammes génèrent des « prob­lèmes de droits sportifs », avec des pro­grammes « payant[s] [notam­ment pour] les matchs du soir sur Ama­zon. On observe une sorte de pri­vati­sa­tion des droits sportifs. Nous essayons de préserv­er l’action du ser­vice pub­lic sur cette ques­tion », a‑t-elle indiqué. Affir­mant l’importance des indus­tries cul­turelles européennes, Ernotte souligne que « France Télévi­sions représente 50 % des investisse­ments dans la créa­tion. Ça représente 60 000 employés en équiv­a­lent temps plein. » Enfin, Ernotte se réjouit que 7 mil­lions de Français regar­dent un film de ciné­ma par semaine sur France Télévi­sions – quoique Canal + reste le pre­mier investis­seur dans le ciné­ma, que chaque mois, 10 mil­lions regar­dent une pièce de théâtre, un opéra, un con­cert de hip-hop… et que cette insti­tu­tion assure « une forme de con­ti­nu­ité ter­ri­to­ri­ale et cul­turelle ».

France Télévisions et le défi technologique

En ter­mes tech­nologiques, le défi est selon Ernotte « assez immense ». « A 21h, [ce sont] 27 mil­lions de Français sont en direct sur un pro­gramme TV. 4,5 mil­lions regar­dent un pro­gramme d’une plate­forme [type YouTube]. [Ils sont] 4,2 mil­lions der­rière un réseau social ou dif­fu­sion de con­tenus. Quand on veut par­ler à beau­coup de monde, la puis­sance de la télévi­sion est encore extra­or­di­naire ». Pour autant, Del­phine Ernotte s’interroge sur les com­porte­ments de la tranche d’âge 15–25 ans, qui se tour­nent de manière égale vers les réseaux soci­aux et les plate­formes de con­tenus que devant la télévi­sion. C’est pour cette rai­son que France Télévi­sions a dou­blé son bud­get sur le numérique à l’occasion de son plan de 2018.

Une autre prob­lé­ma­tique en matière tech­nique se pose : la maîtrise de la don­née, la per­son­nal­i­sa­tion des con­tenus et, surtout, l’investissement sur l’ensemble des envi­ron­nements tech­nologiques, c’est-à-dire des inter­faces des dif­férents opéra­teurs télé­phoniques, téléviseurs, etc. La mul­ti­pli­ca­tion des investisse­ments qu’une telle pro­liféra­tion engen­dre appa­raît comme un prob­lème majeur pour la PDG de France Télévi­sions.

Les prévisions financières de France Télévisions

Face à la sup­pres­sion de la rede­vance audio­vi­suelle, la prési­dente, qui entend trou­ver un mode de finance­ment pérenne, a fait savoir que l’affectation d’une part de la TVA con­sti­tu­ait un bon com­pro­mis entre une budgéti­sa­tion pure et sim­ple et une taxe affec­tée. Elle s’est félic­ité des économies réal­isées par l’institution qu’elle gère : « La trans­for­ma­tion de l’entreprise n’a pas été mod­este », a‑t-elle assuré. L’institution a dû baiss­er en euro con­stant d’à peu près 160 mil­lions en net en même temps qu’elle aug­men­tait ses investisse­ments numériques, dans le domaine de la créa­tion et qu’elle devait faire face à l’inflation. Au total, 400 mil­lions d’euros d’économies ont été réal­isés sur la struc­ture, notam­ment par l’intermédiaire de la baisse des effec­tifs (1000 ETP / an). Une « baisse de 10 % des effec­tifs en 5 ans avec une activ­ité qui croît » qu’elle juge inédite.  Le bud­get a égale­ment fait l’objet d’une diminu­tion en matière de dépens­es sur les pro­grammes. « Au glob­al, en euro con­stant, France Télévi­sions coûte 500 mil­lions d’euros de moins à la col­lec­tiv­ité », s’est-elle félicitée.

Quel avenir pour France Télévisions ?

En ce qui con­cerne les per­spec­tives futures de France Télévi­sions, Del­phine Ernotte entend pro­pos­er des investisse­ment tant tech­nologiques (investisse­ment dans l’IA avec généra­tion de sous-titrages de paroles en direct sur France Info notam­ment), humains (développe­ment des réseaux locaux). Elle insiste égale­ment sur la néces­sité d’investir dans les pro­grammes liés à la jeunesse, insin­u­ant que les récentes émeutes des ban­lieues souf­frent de ce manque. (« Il faut qu’on mette en œuvre des pro­grammes spé­ci­fiques pour ces jeunes gens. Les derniers évène­ments en sont le témoin ».) Les dif­fi­cultés finan­cières qu’elle va ren­con­tr­er en ce sens sont pointés du doigt, du fait de l’inflation.

Concentration dans les médias et mixité : les échanges avec la commission

À l’occasion des échanges avec les députés, le prési­dent de la Com­mis­sion des finances, M. Coquer­el, n’a pas hésité à revenir sur ses pro­pres inquié­tudes sur « les con­cen­tra­tions » dans les médias, dont il a rap­pelé qu’elle était une « préoc­cu­pa­tion du Con­seil Nation­al de la Résis­tance » ; étril­lant le « cas » récent du JDD, le député LFI a souligné que le « ser­vice pub­lic est la garantie [de] l’indépendance des jour­nal­istes, [du] plu­ral­isme, [de] la garantie de con­sid­ér­er que le pub­lic doit servir à l’émancipation intel­lectuelle, per­son­ne d’autre ne peut l’assurer que le ser­vice pub­lic. […] Je tiens à ce que vous ayez les moyens budgé­taires d’assurer vos missions ».

Sur la ges­tion de l’entreprise, Del­phine Ernotte a réaf­fir­mé sa volon­té de « mutu­alis­er des investisse­ments sur le numérique » avec Radio France notam­ment. Face aux rup­tures tech­nologiques en accéléra­tion, « l’IA généra­tive va entraîn­er la révo­lu­tion des métiers ». Le PDG de France Télévi­sions a fait part de sa « volon­té de s’approprier ces tech­nolo­gies et de créer un code éthique sur l’utilisation de ces tech­nolo­gies ». Elle s’est égale­ment félic­itée du fait que les comptes de France Télévi­sions sont à l’équilibre depuis 8 ans.

Ernotte veut « représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit »

Enfin, inter­rogée par plusieurs députés, Del­phine Ernotte est rev­enue sur la représen­ta­tion des Français sur ses antennes. « Je tiens à dire qu’on ne représente pas la France telle qu’elle est car si on représen­tait la France telle qu’elle est on aurait tou­jours 5 % de femmes dans les expertes. Mais on essaie de représen­ter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit. Sur la mix­ité par exem­ple […], a souligné le PDG avant de se féliciter : « On est passés de 25 % de femmes expertes sur nos plateaux à 50 % de femmes expertes. Et on essaie de main­tenir ce taux. Ce qui n’est pas simple ! ». 

Elle a égale­ment fait part d’un nou­v­el objec­tif : « cal­culer le taux de prise de parole des femmes par rap­port à celui des hommes », indi­quant que l’INA le fai­sait déjà. « Le ser­vice pub­lic est assez exem­plaire sur le sujet », s’est-elle encore félic­itée. Con­cer­nant les caté­gories sociales, les dif­férentes orig­ines, du hand­i­cap, elle a indiqué que « même si on pro­gresse on a encore du chemin à faire. Sur le hand­i­cap, depuis plusieurs années, on fait très atten­tion pour le sport » (présen­ta­tion de l’handisport, séries sur le hand­i­cap). Sur les caté­gories sociales, elle a con­cédé qu’on était « trop à représen­ter les caté­gories sociales élevées et pas assez pop­u­laires ». Enfin, ironique­ment, elle a déploré que France Télévi­sions ne puis­sent procéder à des sta­tis­tiques eth­niques. « Sur les orig­ines, on pro­gresse, mais à l’inverse de la compt­abil­i­sa­tion des femmes, on n’a pas le droit de décompter les dif­férents signes de diver­sité, ce qui ne nous aide pas ».

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