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De la France Interdite à l’islamisation des banlieues, le fantasme devenu réalité décrit par des journalistes

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19 octobre 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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De la France Interdite à l’islamisation des banlieues, le fantasme devenu réalité décrit par des journalistes

Temps de lecture : 6 minutes

Le 17 octobre 2018, sort un livre écrit par des étudiants en journalisme, traitant de l’islamisation d’une partie des habitants du département de Seine-Saint-Denis. Si les constats réalisés sur le terrain par les apprentis journalistes sont intéressants et argumentés, ils ne viennent que confirmer de nombreuses investigations réalisées ces dernières années. Illustration.

« No go zones »

En 2015, la chaine améri­caine Fox News con­sacrait un reportage aux « no go-zones » à Paris. Ce reportage était en de nom­breux points car­i­cat­ur­al et s’appuyait sur des don­nées inex­actes. Cela a amené nom­bre de médias français à écarter le sujet d’un revers de main dédaigneux. Il aura cepen­dant eu au moins un mérite : celui de s’interroger sur l’existence de par­ties du ter­ri­toire français sous l’emprise de l’islamisme, ces « endroits où l’on ne va pas », tra­duc­tion lit­térale de « no go zones ».

D’autres travaux d’investigation de ter­rain plus rigoureux ont été réal­isés depuis plusieurs années. Nous en présen­tons quelques uns.

En 2002 parait chez Pluriel l’ouvrage col­lec­tif « Les ter­ri­toires per­dus de la République ». A par­tir de l’exercice quo­ti­di­en de leur méti­er, des pro­fesseurs de l’enseignement sec­ondaire de la région parisi­enne dressent le con­stat d’une décrépi­tude des valeurs répub­li­caines et d’une offen­sive islamiste dans cer­tains quartiers.

En 2016, Géral­dine Smith pub­lie chez Stock le livre « Rue Jean Pierre Tim­baud, une vie de famille entre bobos et bar­bus ». Son auteur, une jour­nal­iste, a selon Mar­i­anne enquêté « sur l’is­lami­sa­tion du quarti­er où elle a habité, celui de la rue Jean-Pierre-Tim­baud, dans le XIe arrondisse­ment de Paris ». Un réc­it au quo­ti­di­en tout en nuance sur la con­fronta­tion d’idéaux libéraux-lib­er­taires à la réal­ité d’un quarti­er en pleine trans­for­ma­tion. Le livre se ter­mine par un con­stat d’échec et le départ de la famille du quartier.

Trappes, Saint-Denis, Sevran

En 2017 aux édi­tions du Tou­can, le jour­nal­iste Alexan­dre Mendel pub­lie une enquête inti­t­ulée « Par­ti­tion », un livre accrédi­tant « l’émergence de fron­tières invis­i­bles qui divisent le ter­ri­toire, géo­graphique­ment et cul­turelle­ment ». Il écrit notam­ment : « À Trappes, Saint-Denis, ou encore Sevran, la mix­ité n’est plus la règle, elle est l’exception. On enferme ses enfants dans des écoles coraniques, où on leur apprend, à coups de hadiths, à haïr l’Occident et à ne vénér­er que l’islam des ancêtres. On ne se marie plus que religieuse­ment, on vit sa polyg­a­mie, on répudie les femmes, dans le dos de la République. La présen­ta­tion de ce livre lors de sa sor­tie n’a pas dépassé le cer­cle des médias dits de droite, à l’image du sort réservé à « La France inter­dite », véri­ta­ble­ment ostracisé par les médias main­stream mal­gré des ventes déjà con­séquentes.

La même année parait chez Albin Michel, un ouvrage col­lec­tif inti­t­ulé « Une France soumise ». Alors que « Les Ter­ri­toires per­dus de la République » pointait le com­mu­nau­tarisme dans des écoles de ban­lieue, les auteurs du livre font le con­stat que ce sont main­tenant de véri­ta­bles ter­ri­toires qui vivent en cir­cuit fer­mé. « Cette enquête révèle le fos­sé exis­tant entre une par­tie des élites médi­a­tiques et la masse du peu­ple français, class­es moyennes et pop­u­laires con­fon­dues. Le dis­cours for­maté des élites appa­rait de moins en moins audi­ble » affirme un de ses auteurs.

Le Monde comme Le Figaro

En févri­er 2018, deux jour­nal­istes du Monde, Ari­ane Chemin et Raphaëlle Bac­qué, font selon L’Express, dans le livre « La com­mu­nauté » (Albin Michel), « un réc­it implaca­ble de la manière dont la com­mune de Trappes (Yve­lines) est passée en un demi-siè­cle des “cocos” aux “bar­bus” ».

En mars 2018, un reporter du Figaro, Manon Quérouil-Bruneel, racon­te dans « La Part du ghet­to » (Fayard) le quo­ti­di­en d’une cité de Seine Saint Denis. Reli­gion, drogue, pros­ti­tu­tion, petits trafics et grand ban­ditisme, immi­gra­tion con­tin­ue, les aspects les plus som­bres de la ban­lieue sont passés en revue. Au tour­nant des années 1990, « le mythe du bon immi­gré a fait long feu. La reli­gion est pro­gres­sive­ment dev­enue un éten­dard, une cuirasse iden­ti­taire qui a fait vol­er en éclats le « vivre-ensem­ble ».

En juil­let 2018, un rap­port séna­to­r­i­al pointe le développe­ment du salafisme en France. Le nom­bre d’adeptes de ce courant rig­oriste de l’islam — 40 à 60 000 — ne ferait qu’augmenter. Des séna­teurs relèvent l’existence de « zones ghet­toïsées», nous apprend RT France.

En sep­tem­bre 2018, un rap­port de 617 pages de l’Institut Mon­taigne dresse le con­stat de l’expansion de l’islamisme en France. L’auteur du rap­port pub­lié par le think tank libéral estime que « la sépa­ra­tion devient viable ». « C’est toute la vie quo­ti­di­enne qui est peut être « halal­isée », et qui con­naît une pro­gres­sive cod­i­fi­ca­tion : des normes religieuses sont appliquées à l’alimentation, aux vête­ments et à toutes les pra­tiques sociales, qui ont pour objec­tif une coupure nette avec le reste du monde ».

La grande frayeur de Gérard Davet : « donner raison à Zemmour »

Le 17 octo­bre 2018 paraît chez Fayard le livre « Inch’al­lah, l’islamisation à vis­age décou­vert », écrit par 5 étu­di­ants au Cen­tre de For­ma­tion du Jour­nal­isme et « coor­don­né » par Gérard Dav­et et Fab­rice Lhomme. Le 15 octo­bre, les reporters du Monde vien­nent présen­ter sur France Inter leur livre sur « l’islamisation de la ban­lieue ».

Inter­rogé par Nico­las Demor­and et Léa Salamé, Fab­rice Lhomme affirme : « il y a une volon­té dans une petite par­tie des musul­mans (…) pour que l’islam en Seine Saint Denis et ailleurs, devi­enne la norme sociale dans la vie publique ».

En réac­tion à un audi­teur en ligne qui affirme : « J’ai l’impression d’entendre Zem­mour », Gérard Dav­et estime que « c’est effec­tive­ment le dan­ger, nous on amène des faits, rien que des faits ». Léa Salamé com­mente : « des faits qui ressem­blent aus­si à ceux que relate Eric Zem­mour quand on lit le sui­cide français ». Gérard Dav­et perd pied et botte rapi­de­ment en touche en indi­quant que « le livre four­mille de révéla­tions, de chiffres impor­tants qui mon­trent que quelque chose se passe ».

Une préoc­cu­pa­tion des deux coor­don­na­teurs de l’enquête con­stitue le sous-titre de l’émission sur le site de France Inter : « il ne faut pas laiss­er ces ques­tions [de l’is­lami­sa­tion] aux extrêmes ».

Gérard Dav­et ajoute : « Le sujet est com­pléte­ment pol­lué par les batailles idéologiques. Vous avez des gens qui par­lent de ça sans arrêt (…). Ils se sai­sis­sent de ce sujet Ils vous bal­an­cent des choses avec des clichés incroy­ables. Ils ne con­nais­sent pas le ter­rain ».

Si effec­tive­ment, « quelque chose se passe », nos deux reporters n’en oublient pas pour autant de décern­er des labels d’honorabilité. Il y aurait d’une part les enquê­teurs de ter­rain, dotés d’une légitim­ité que leur con­fér­erait leur statut, et de l’autre les politi­ciens « des extrêmes », qui n’auraient aucune légitim­ité à par­ler de ce phénomène en pleine expan­sion, et encore moins à vouloir le traiter.

Pour­tant, l’abondante pro­duc­tion édi­to­ri­ale à ce sujet ne sem­ble en rien frein­er l’expansion du rad­i­cal­isme islamique et du séparatisme religieux. Ce qui rap­pelle hum­ble­ment que les jour­nal­istes sont là avant tout pour rap­porter la réal­ité comme l’a fait Lau­rent Ober­tone dans son ouvrage La France Inter­dite (Ring), large­ment boy­cotté par les médias.

Crédit pho­to : Maya-Anaïs Yataghène via Wiki­me­dia (cc)