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Brut : quarante millions de trop ?

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11 avril 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Brut : quarante millions de trop ?

Brut : quarante millions de trop ?

Temps de lecture : 4 minutes

Est-ce un nouveau sursaut pour Brut ? Alors qu’il faisait face, en novembre dernier, à des difficultés concédées par la direction, le média vient de lever 40 millions d’euros. Retour sur les visages derrière cette nouvelle opération de levée de fonds.

Deux nouveaux visages au capital

Après avoir racheté le frag­ile La Provence (et Corse Matin), le groupe CMA CGM vient au sec­ours de Brut. La branche média de cette insti­tu­tion, aux mains de l’armateur fran­co-libanais Rodolphe Saadé, est dirigée depuis mars 2023 par le jour­nal­iste Lau­rent Guimi­er. Inscrite à hau­teur de 10,25 % au cap­i­tal du groupe M6, elle est égale­ment mon­tée au cap­i­tal de Brut. Cette immer­sion dans l’entreprise du mil­liar­daire, qui a vu sa for­tune per­son­nelle bondir de 600 % au lende­main de la crise san­i­taire, « ne boule­verse[rait] pas les grands équili­bres du cap­i­tal » à en croire Guil­laume Lacroix, cofon­da­teur de Brut. Est-ce parce qu’il pour­rait se voir con­tester, s’il venait à pren­dre le con­trôle d’un groupe de télévi­sion comme M6, les autori­sa­tions de dif­fu­sion des antennes (attribuées par l’Arcom au début du mois de mai) que le mil­liar­daire s’est replié sur le média en ligne ?

L’autre nou­v­el arrivant à mon­ter au cap­i­tal n’est autre que l’américain Moon­Pay, start-up fondée en 2019, dev­enue un impor­tant four­nisseur de ser­vices financiers en ligne. S’imposant sur le marché des cryp­tomon­naies, l’entreprise ne cache pas ses ambi­tions expan­sion­nistes, notam­ment à l’international.

Les autres action­naires per­sis­tent égale­ment : déjà au cap­i­tal de M6, groupe sur lequel il avait, comme son « enne­mi » Rodolphe Saadé essayé de met­tre la main, Xavier Niel remet la main au pot pour Brut. C’est d’ailleurs du tan­dem Saadé-Niel que serait par­tie cette volon­té d’investir 40 mil­lions dans le média, alors même que Daniel Kretinsky for­mu­lait de son côté une autre propo­si­tion. De même, le financier sup­posé de la cam­pagne de Joe Biden, James Mur­doch, comme le déten­teur du Point François Pin­ault, auraient accep­té de réin­ve­stir dans cette plate­forme qui touche un pub­lic entre les 20 et 35 ans.

Un petit monde bien con­nu des médias et dont le fon­da­teur de Brut, Guil­laume Lacroix, félicite l’action : « Dans une péri­ode où l’ac­cès au finance­ment est lim­ité, nous sommes fiers d’avoir des investis­seurs qui croient en la robustesse de notre mod­èle » , a‑t-il fait savoir au Figaro.

Voir aus­si : Brut, info­gra­phie

Redynamiser Brut

Les dirigeants et fon­da­teurs de Brut n’en démor­dent pas : « Cette qua­trième lev­ée de fonds depuis nos débuts en 2016 est pour nous celle de la matu­rité ». Après avoir levé 10 mil­lions d’euros en 2018, env­i­ron 36,6 mil­lions en 2019 et 63 mil­lions d’euros en 2021, Brut totalise depuis son lance­ment il y a sept ans près de 149 mil­lions d’euros réu­nis. L’enjeu ? Être béné­fi­ci­aires d’ici à la fin de l’année 2023, ce qui con­stituerait selon Guil­laume Lacroix « une étape impor­tante pour garan­tir notre indépen­dance ». Une indépen­dance appuyée par des action­naires qui, pour l’un sou­tient ouverte­ment Emmanuel Macron, pour un autre Joe Biden, garan­tis­sant quoiqu’il en soit au média une révérence des arcanes poli­tiques dites « mainstream ».

Sans sour­ciller, Lacroix aspire au suc­cès inter­na­tion­al alors même que les antennes new-yorkaises, indi­ennes et mex­i­caines fai­saient face en novem­bre à de prompts licen­ciements. « Brut en France est rentable depuis des années. Nous auri­ons pu décider de nous con­tenter d’être un cham­pi­on nation­al, mais nous avons fait le pari de devenir un cham­pi­on mon­di­al », assure au Figaro son fon­da­teur. Et com­ment faire ? S’appuyer sur la pub­lic­ité et les con­tenus de mar­ques (« brand con­tent ») qui représente plus de la moitié des revenus du média (60 %). Quitte à se renier ? « Entre la volon­té édi­to­ri­ale d’être “Brut, le média qui change le monde” et le fait qu’on se retrou­ve à par­ler avec des mar­ques de luxe, de voitures, etc., il y a un sen­ti­ment de con­tra­dic­tion », soulig­nait il y a quelques mois un jour­nal­iste de Brut gar­dant l’anonymat. Un con­stat que ne partage pas Guil­laume Lacroix, qui ne pense pas « qu’il puisse y avoir un rejet de ce type de con­tenus de la part de notre com­mu­nauté. […] Les jeunes généra­tions détes­tent la pub­lic­ité mais adorent les mar­ques. » Formel, celui qui voulait (mod­este­ment) faire de Brut le « pre­mier média social au monde » n’y voit ain­si aucune con­tra­dic­tion avec ce mod­èle de finance­ment par les mar­ques et sa volon­té de « […] con­tin­uer à être précurseur sur des sujets de société, comme nous l’avions été à l’époque déjà sur les sujets autour de la san­té men­tale des jeunes, le cli­mat, les droits des femmes »…