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Brut dans la tourmente

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10 novembre 2022

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Brut dans la tourmente

Brut dans la tourmente

Temps de lecture : 4 minutes

Alors qu’il connaissait un essor sans cesse confirmé, le média Brut semble ressentir les premiers vertiges d’une décroissance brutale. Entre la fin de ses grands projets et la quête d’une nouvelle rentabilité, retour sur l’érosion de la start-up destinée au jeune public.

« L’accès au cap­i­tal est restreint à cause de l’état des marchés ». Le con­stat opéré par le cofon­da­teur de Brut, Guil­laume Lacroix n’a rien de ras­sur­ant : le média, qui s’adresse à une tranche d’âge affleu­rant les quinze – trente-cinq ans perd un à un ses paris de renou­velle­ment et mise sur un retour rapi­de de la rentabil­ité pour rebondir.

L’échec de la transformation en plate-forme en ligne

C’est d’abord la ten­ta­tive de lancer sa pro­pre plate-forme de stream­ing qui sem­ble net­te­ment com­pro­mise : alors qu’elle mis­ait sur un suc­cès d’un créneau déjà occupé par des plate­formes améri­caines, la direc­trice générale adjointe mis­sion­née pour s’occuper des nou­velles activ­ités du média ne pour­ra pas compter sur les « mil­lions d’abonnés » qu’elle espérait regrouper. Si la direc­tion du média évoque le chiffre de 350 000 abon­nés, cer­taines sources dressent plutôt la som­bre per­spec­tive des 80 000 abon­nements. Se plaig­nant de la nature très coû­teuse des séries et de la qual­ité médiocre du choix ciné­matographique, Lacroix espère, dix-huit mois après le lance­ment du pro­jet, le métamorphoser.

Les stratégies du rebondissement

Pour rebondir, Guil­laume Lacroix entend appren­dre de ses erreurs. Ter­minées, donc, les séries très onéreuses mal­gré leur con­tenu aus­si résol­u­ment pro­gres­siste que le média, à l’image de cette série espag­nole (Veneno) décrivant la vie d’une per­son­nal­ité trans­genre nationale. Clap de fin aus­si pour le ciné­ma, qui ne trou­vera pas sa place dans la nou­velle appli­ca­tion mobile qui doit voir le jour d’ici la fin de l’année et qui devra regrouper les vidéos de Brut, Brut.live et BrutX. « L’investissement, explique Lacroix, nous a per­mis d’identifier ce qui ne mar­chait pas auprès du pub­lic ». Assuré­ment : après avoir dépen­sé plusieurs dizaines de mil­lions d’euros – sur les 109 mil­lions obtenus en trois lev­ées de fonds, le goût du pub­lic sera mieux identifié !

L’autre per­spec­tive pour se renou­vel­er ? S’appuyer sur les con­tenus de mar­ques (soit 60 % du chiffre d’affaires) et diver­si­fi­er la nature des pro­duits ven­dus via la plate-forme Brut Shop (avec l’immixtion de la mar­que Car­refour dans les parte­nar­i­ats). Une ligne qui sem­ble déplaire à cer­tains jour­nal­istes de Brut, dont l’un con­fi­ait au Monde au début du mois de novem­bre : « Entre la volon­té édi­to­ri­ale d’être « Brut, le média qui change le monde » et le fait qu’on se retrou­ve à par­ler avec des mar­ques de luxe, de voitures, etc., il y a un sen­ti­ment de contradiction ».

Néan­moins, face à un « mod­èle économique [qui] reste encore trop flou, il est temps de le rationnalis­er », souligne un cadre du média.

Voir aus­si : Brut de brut, le média social libéral lib­er­taire à succès

La rationalisation selon Brut : licenciements à gogo et fermeture d’antenne

La ratio­nal­i­sa­tion selon Brut ? Des licen­ciements à tours de bras : dans l’antenne new-yorkaise du média, ils seraient un tiers des quar­ante col­lab­o­ra­teurs à s’être vu remerci­er, après avoir décou­vert les rumeurs de licen­ciements dans la presse. Les huit employés de l’officine mex­i­caine ont égale­ment faire leurs adieux à la fin du mois de juil­let. Des per­spec­tives menaçantes plan­eraient enfin sur les antennes indi­ennes. En dépit de ses valeurs sup­posées « human­istes » et « pro­gres­sistes », le média sem­ble par ailleurs entretenir des dif­fi­cultés de com­mu­ni­ca­tion : con­vo­ca­tions pour licen­ciement par visio­con­férence après la décou­verte des rumeurs dans la presse, dés­ac­ti­va­tion immé­di­ate des canaux de mes­sageries internes à l’entreprise… Et pour les employés restant, la réal­i­sa­tion de con­tenus édi­to­ri­al­isés sem­ble de plus en plus laiss­er place à des for­mats très courts inspirés des Reels de Face­book, tan­dis que les influ­enceurs parais­sent occu­per une place prépondérante (avec le ser­vice Brut.creators).

En dépit d’audiences impor­tantes (500 mil­lions de spec­ta­teurs touchés men­su­elle­ment dans près de cent pays, dont 15 mil­lions en France), Brut se remet­tra-t-il de la lourde crise qu’il tra­verse ? D’une cohérence con­testable, sa ligne édi­to­ri­ale s’en trou­vera quoiqu’il en soit affectée !

Voir aus­si : Brut, info­gra­phie