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Attentat islamiste à Rambouillet : un scandale d’État, les médias regardent ailleurs

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3 mai 2021

Temps de lecture : 4 minutes
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Attentat islamiste à Rambouillet : un scandale d’État, les médias regardent ailleurs

Temps de lecture : 4 minutes

Peu après l’attentat contre une employée du commissariat de police de Rambouillet le 23 avril, les médias de grand chemin ont multiplié les analyses psychologisantes des causes du geste meurtrier de son auteur, un Tunisien récemment régularisé. Mais certains faits ont été passés sous silence par l’immense majorité d’entre eux, alors qu’ils constituent potentiellement un scandale d’État.

Des explications psychologisantes

Le 23 avril 2021, un tunisien s’est intro­duit dans le com­mis­sari­at de police de Ram­bouil­let et a assené plusieurs coups de couteau à une fonc­tion­naire désar­mée au cri de « Allah Akbar ». Cet atten­tat vient à la suite de nom­breux autres, la France étant selon un rap­port réal­isé par Fon­dapol en 2019 par­ti­c­ulière­ment exposée au ter­ror­isme islamiste.

Dans ce con­texte, la recherche des caus­es de ce type d’acte a une impor­tance cap­i­tale. Après l’attentat à Ram­bouil­let le 23 avril, les recherch­es menées par les médias de grand chemin se sont presque exclu­sive­ment con­cen­trées sur la piste psychologique.

L’Agence Inter­na­tionale de Presse Coranique nous informe le 25 avril que « l’assaillant était suivi par un psy­chi­a­tre ». Le même jour, Libéra­tion nous con­firme grâce notam­ment à l’aide de l’AFP que « l’assaillant n’allait pas bien avant son voy­age en Tunisie pour le ramadan ». RTL nous apprend le 27 avril que « des images pédo­pornographiques (ont été ) retrou­vées dans le télé­phone de l’auteur de l’attentat ». Selon Le Figaro le 23 avril que « l’assaillant, Jamel G., (est) un tunisien rad­i­cal­isé pen­dant le con­fine­ment » (quand même). Mais 20 min­utes, nous informe aus­sitôt « l’assaillant Jamel G. n’avait pas été détec­té comme por­teur de men­aces ».

L’affaire sem­ble pliée : ce jeune Tunisien s’est certes rad­i­cal­isé pen­dant le con­fine­ment, mais il était frag­ile psy­chologique­ment. Dif­fi­cile dans ces con­di­tions, voire impos­si­ble de prévenir ce genre d’actes. D’ailleurs, Le Monde qual­i­fie le Tunisien fraiche­ment régu­lar­isé comme de l’un de ces nom­breux « ter­ror­istes isolés, sans affil­i­a­tion et indé­tecta­bles ».

Des fins limiers continuent le travail à peine esquissé

Quelques jour­nal­istes ne se sont pas lim­ités à répéter les habituels pon­cifs que l’on sert à chaque atten­tat : un ter­ror­iste au pro­fil frag­ile, un geste imprévis­i­ble, etc. Et surtout, évi­tons de faire l’amalgame avec l’immigration.

Un jour­nal­iste du site MondAfrique a rapi­de­ment mené une enquête assez fouil­lée sur le ter­ror­iste tunisien. On apprend dans l’article écrit par Nico­las Beau et mis en ligne le 26 avril que Jamel G n’est pas le loup soli­taire si sou­vent décrit.

Pre­mière révéla­tion édi­fi­ante : « Lors de son arrivée sur le ter­ri­toire français en 2009, le jeune tunisien rejoint Mohamed Lahouaiej Bouh­lel, instal­lé à Nice depuis cinq ans et qui sera l’auteur du ter­ri­ble atten­tat de 2016 (86 morts) ».

Autre fait trou­blant : Jamel G. aurait été endoc­triné par un imam salafiste, Bechir Ben Has­sen, qui a sévi quelques années en France avant de revenir en Tunisie. « Une cer­ti­tude, Jamel Gorch­ene, citoyen tunisien, en pinçait pour « Al-Kara­ma » et ses prédi­ca­teurs réac­tion­naires ».

Mohamed Lahouaiej Bouh­lel et Jamel G ont un point com­mun : ils sont orig­i­naires de la ville de M’Sakem en Tunisie, une ville dont un imam aurait, dix jours avant le triple meurtre à la basilique Notre Dame de l’As­somp­tion, dif­fusé une vidéo sur Face­book prêchant la décap­i­ta­tion de tous ceux qui offensent le prophète Mahomet.

Nico­las Beau souligne qu’« une coopéra­tion entre ser­vices de sécu­rité tunisien et français aurait évité utile­ment quelques drames ! De cet échec, per­son­ne ne veut par­ler ».

Mais les révéla­tions acca­blantes pour les autorités français­es qui ont régu­lar­isé Jamel G. ne s’arrêtent pas là. Le jour­nal Mar­i­anne nous apprend sur Twit­ter que, « après la mort de Samuel Paty, l’égorgeur de Ram­bouil­let écrit sur Face­book : « ô, les musul­mans, main­tenant nous allons répon­dre aux insultes de la France et de Macron con­tre notre prophète Mahomet ». Et le jour­nal­iste de Mar­i­anne de con­clure de façon édi­fi­ante : « Deux mois plus tard, il obte­nait sa carte de séjour, d’une durée d’un an ».

Le 30 avril, cet acte ter­ror­iste n’était déjà plus en une des médias et était tout au plus évo­qué à l’occasion de l’enterrement de la fonc­tion­naire de police assas­s­inée. Le scan­dale d’Etat n’aura pas lieu. Les médias de grand chemin sont déjà passés à autre chose.