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Reporters sans frontières contre les fake news et pour la censure

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13 octobre 2021

Temps de lecture : 5 minutes
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Reporters sans frontières contre les fake news et pour la censure

Temps de lecture : 5 minutes

Créer un « Giec » anti-fake news… C’est la nouvelle lubie de l’ONG Reporters sans frontières et d’un petit groupe d’États. L’association fondée en 1985 à l’initiative de Robert Ménard, Emilien Jubineau, Jacques Molénat et Rémy Loury s’éloigne ainsi de plus en plus de son objet historique : défendre la liberté de la presse et les journalistes pour finalement devenir le porte-flingue d’une vision peu pluraliste de l’information.

Une structure pour « informer » sur l’information

En prenant mod­èle sur le Giec, le Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat, RSF entend pub­li­er des rap­ports et des recom­man­da­tions aux États sur les ques­tions ayant trait à la lib­erté d’opinion et d’expression. Le but est de sen­si­bilis­er les États dans la lutte con­tre la dif­fu­sion de fauss­es infor­ma­tions (fake news) et de « nour­rir la réflex­ion des élus du monde entier » avec, à la clef, un som­met tous les deux ans. Pour met­tre en musique ces agapes inter­na­tionales, un organ­isme inter­na­tion­al de veille pour lut­ter con­tre l’information pour­rait voir le jour. Son objec­tif sera dou­ble : faire vivre l’ONG en lui don­nant une caisse de réso­nance tous les deux ans et ten­ter d’influencer les « élus du monde entier » dans la manière d’appréhender l’information. Qu’on se ras­sure, le monde entier se résume pour le moment à quelques dizaines d’États, 43 en tout (les États-Unis, la Chine et la Russie ayant refusé).

Un sommet new yorkais sur l’information et la démocratie.

Le 24 sep­tem­bre 2021, RSF par­tic­i­pait ain­si au Som­met min­istériel pour l’information et la démoc­ra­tie lors duquel le min­istre des Affaires étrangère français Jean-Yves le Dri­an et l’ONG ont réu­ni, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, les États mem­bres du Parte­nar­i­at pour l’information et la démocratie.

Lors de cette ren­con­tre, les par­ties prenantes, éta­tiques et « organ­i­sa­tions indépen­dantes de la société civile » ont fait un con­stat con­joint de « manip­u­la­tions de l’information partout dans le monde ». Un con­stat étof­fé d’une cri­tique des réseaux soci­aux, réseaux qui por­tent certes régulière­ment le débat au niveau du caniveau mais qui con­stituent surtout un lieu de lib­erté d’expression qui dérange cer­taines élites médi­a­tiques et poli­tiques établies. Les travaux présen­tés par la diplo­matie française sont d’ailleurs assez inquié­tants car il est ques­tion notam­ment de « régu­la­tion des con­tenus » pour lut­ter con­tre « fléau des infodémies ». RSF s’inscrit par­faite­ment dans cette démarche puisque l’ONG avait fondé en mars 2020 « l’observatoire 19 » trai­tant du Covid-19 et de l’information avec un prisme sou­vent très antichinois.

Coup médiatique pour ONG à la dérive

Très remuante dans la nou­velle croisade des démoc­ra­ties occi­den­tales con­tre la dés­in­for­ma­tion, RSF tente de se redonner un ver­nis insti­tu­tion­nel alors que l’association a sou­vent été mise sous le feu des pro­jecteurs pour des sujets étrangers à ses statuts. Ain­si l’actuel secré­taire général de RSF, Christophe Deloire, serait à l’origine selon le Canard Enchaîné d’un man­age­ment bru­tal et ayant entraîné des départs et licen­ciements mais aus­si un mal-être chez les salariés. Pour une asso­ci­a­tion qui fait de la dénon­ci­a­tion des chefs d’États con­sid­érés comme dic­ta­teurs son cheval de bataille, de tels com­porte­ments peu­vent éton­ner.  L’association a d’ailleurs eu du mal à s’affirmer depuis le début du quin­quen­nat Macron et son long silence face à la loi sécu­rité glob­ale et son arti­cle 24 (sur la dif­fu­sion « malveil­lante » d’image de forces de police) lui a valu de sérieuses remon­trances.

Voir aus­si : Infox : RSF, la paille et la poutre

RSF, une vision très occidentaliste de la liberté de la presse

Le repo­si­tion­nement de Reporters sans fron­tières dans la lutte con­tre les « fake news » peut éton­ner à pre­mière vue mais sem­ble accom­plir ce qui est dans l’ADN de cette struc­ture, à savoir une ONG au ser­vice d’une vision très occi­den­tale du jour­nal­isme et des médias. Tout d’abord l’association peut cri­ti­quer des médias étrangers (russ­es, chi­nois, kaza­khs…) en rai­son de leur influ­ence éta­tique ; elle a pour­tant elle-même béné­fi­cié de finance­ments de la part de l’État français et de l’Union Européenne. Ajoutez à cela un peu de finance­ment améri­cain de type néo­cons et vous aurez une asso­ci­a­tion qui sera plus à même de s’agacer pour quelques tweet com­plo­tistes que des atteintes graves à la lib­erté d’expression dans des pays occidentaux.

À l’instar de Wash­ing­ton, l’ONG s’était mon­trée volon­tiers hos­tile au Venezuela de Chavez en 2002, mais se gar­dait bien d’expliquer trois ans plus tôt que l’OTAN avait tué quinze jour­nal­istes en Yougoslavie soit 25 % du total pour l’exercice 1999. Cet aligne­ment sur les posi­tions atlantistes avait d’ailleurs été détri­coté par Jean-Luc Mélen­chon en 2008 alors qu’il était Séna­teur de l’Essonne dans un entre­tien accordé au Parisien. Aujourd’hui, le com­bat améri­cain se déplace sur le ter­rain de la Chine… Un ter­rain que foule allè­gre­ment RSF qui ne manque jamais une occa­sion d’égratigner Pékin… Tout en prenant la défense de la sacro­sainte et atlantiste BBC qui se rêve en leader mon­di­al de la lutte con­tre la dés­in­for­ma­tion.

La continuité de l’inutilité

À l’affût de petits coups médi­a­tiques, RSF présente un prisme occi­den­tal­iste évi­dent et toute sa com­mu­ni­ca­tion s’articule autour du dén­i­gre­ment de chefs d’État non alignés sur la poli­tique améri­caine comme la cam­pagne choc de 2013 où fig­u­raient les chefs d’État syriens, chi­nois, russe, nord-coréen et iranien faisant un doigt/bras d’honneur à la lib­erté de la presse.

Une obses­sion du petit coup médi­a­tique et de la rente asso­cia­tive qui sem­ble inhérente au fonc­tion­nement de Reporters sans fron­tières aujourd’hui présidée par un cer­tain Pierre Has­ki passé notam­ment par Libéra­tion. Hier adepte des « coups » l’association pour­rait finale­ment se can­ton­ner désor­mais à un rôle de spé­cial­iste « check news » inter­na­tion­al, avec le finance­ment des États occi­den­taux amis… et dans leur intérêt.