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Quand Médiapart déclare sa haine de l’hétérosexualité

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13 décembre 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Quand Médiapart déclare sa haine de l’hétérosexualité

Temps de lecture : 6 minutes

Toutes les deux semaines, le média de Plenel publie une chronique signée de la plume du « philosophe » activiste LGBT trans Paul B. Preciado. Celle du 30 novembre 2020 montre à quel point la confusion gagne les esprits.

Le 30 novem­bre 2020, Pre­ci­a­do pub­lie donc la chronique 1/20 d’une série inti­t­ulée « Hypothèse révo­lu­tion » et titrée « L’hétérosexualité est dan­gereuse ». Ce n’est pas humoris­tique ou ironique : c’est un arti­cle extrême­ment sérieux. Son auteur s’appelait autre­fois Beat­riz et, out­re les gen­res, veut détru­ire toute forme de nor­ma­tiv­ité. Ses axes de pen­sée tour­nent autour de ce qui intéresse les humains depuis l’origine des temps : la sex­u­al­ité. Ver­sant « trans­gres­sion » LGBT pour Pre­ci­a­do qui n’a pas encore com­pris que les sex­u­al­ités dites minori­taires et le mil­i­tan­tisme en leur faveur ne sont plus trans­gres­sion mais en réal­ité nor­ma­tives et son partout.

C’est le professeur d’université de vos enfants…

Bien sûr, un peu à l’image d’un arbi­tre roumain, nous sommes oblig­és de dire « le trans » pour désign­er Pre­ci­a­do. Non par homo­pho­bie mais sim­ple­ment parce que c’est ain­si qu’il se désigne sans cesse, de façon mil­i­tante, et que la meilleure façon de respecter l’homme est de respecter son iden­tité – du moins celle qu’il annonce. Paul ex-Beat­riz Pre­ci­a­do est donc « trans ». À part cela ? Il est né en 1970 à Bur­gos, en Espagne. Aujourd’hui fémin­iste, queer, trans­genre et pro-sexe, il fut d’abord « les­bi­enne » et « gouine trans » et s’affirme « trans in between non opéré ». Le « B » en somme. En tout cas, c’est obses­sion­nel pour qui con­sulte ses notices biographiques. Il a aus­si été en cou­ple avec l’écrivain Vir­ginie Despentes. On n’entre pas dans les locaux de Médi­a­part comme cela, il y a quelques épreuves à subir.
Mais… à part cela ?

L’animal est philosophe. On le décou­vre une fois écartés les mon­ceaux d’information rel­a­tives à sa sex­u­al­ité. Il est chercheur asso­cié au cen­tre de recherche sur la danse de l’université Paris VIII. Il a pub­lié qua­tre livres, le plus récent chez Gras­set. C’est pour cela que Médi­a­part le présente comme philosophe.

Il a aus­si appelé les femmes à ne plus accepter d’être con­sid­érées comme des « utérus repro­duc­tifs », à pra­ti­quer l’abstinence, l’homosexualité, la mas­tur­ba­tion, la sodomie, le fétichisme, la coprophagie, la zoophilie, tout ce qui peut éviter l’hydre hétéro­sex­uelle et le mâle qui va avec. L’homme injecterait du « sperme nation­al catholique » dans les vagins.

Vis­i­ble­ment, c’est dans l’air du temps : la/le philosophe est devenu (e- ou pas e ?) pro­fesseur à l’université Prince­ton de New York. Avoir les bonnes habi­tudes ouvre donc les bonnes portes.

…qui le dit : l’hétérosexualité serait dangereuse

Pourquoi donc ? L’article de Médi­a­part éclaire notre lanterne :

À cause des « fémini­cides ». Un voca­ble qui s’impose de plus en plus mal­gré son out­rance : qu’il y ait géno­cide des femmes mérit­erait d’être doc­u­men­té. À moins de réécrire la déf­i­ni­tion du mot géno­cide. Pour l’auteur, les « fémini­cides » auraient lieu « dans le cadre des rela­tions hétéro­sex­uelles ». Voilà ! La solu­tion à tous les prob­lèmes humains : de l’homosexualité partout et il n’y aura plus de meurtres dans les cou­ples… C’est l’homme qui est dan­gereux. Surtout quand il est blanc et hétérosexuel.

Un exem­ple de style et de pro­pos est utile :

« Tout d’abord : être un corps iden­ti­fié comme « femme » sur la planète Terre en 2020 est une posi­tion poli­tique à haut risque. Et je dis « posi­tion poli­tique » et non posi­tion anatomique car il n’y a rien, empirique­ment par­lant, qui per­me­tte d’établir une dif­férence sub­stantielle entre hommes et femmes. » 

La vio­lence subie par les femmes proviendrait de leur « posi­tion poli­tique sub­al­terne vis-vis de l’homme hétéro-patri­ar­cal ». Nous seri­ons donc non pas dans des démoc­ra­ties mais dans des « machocraties ». Il s’agit d’un « con­texte nécro-sexo-poli­tique » (oui, oui, c’est de la philosophie).

Mais en fait… le souci ne vient pas de la vio­lence des hommes car « si tous les hommes étaient vio­lents, alors sept hommes mour­raient chaque jour aux mains de leur amant, com­pagnon ou petit ami dans les rela­tions homo­sex­uelles. » Le souci vient de l’hétérosexualité : c’est la cause de la vio­lence mas­cu­line. Les hommes tuent parce que l’hétérosexualité con­duirait au meurtre. C’est le philosophe Pre­ci­a­do de Prince­ton qui l’écrit (vous pou­vez encore chang­er la des­ti­na­tion Eras­mus de votre rejeton).

Abolition de la famille

Du coup, si l’on ose écrire, que pro­pose Pre­ci­a­do ? De ne plus revendi­quer le mariage homo ou d’autres choses de cet ordre mais plutôt de réclamer « l’abolition du mariage hétéro­sex­uel ». Et comme, selon lui, les vio­lences faites aux enfants sont aus­si liées à l’hétérosexualité, il faudrait penser à « l’abolition de la famille ».

Comme ce genre d’idées s’enseigne dans les amphithéâtres en France et en Europe, dans le cadre des études de genre et post-colo­niales, que cela irrigue les milieux mil­i­tants jeunes de gauche et plus générale­ment toute la jeunesse d’Europe de l’ouest tant elles sont présentes dans son envi­ron­nement, rien de mieux qu’une cita­tion pour com­pren­dre de quoi l’on par­le à vos enfants :

« Ce sont les hommes cis qui doivent main­tenant ini­ti­er un proces­sus de dési­den­ti­fi­ca­tion cri­tique par rap­port à leurs pro­pres posi­tions de pou­voir dans l’hétérosexualité nor­ma­tive. Autrement dit, il faut dépa­tri­ar­calis­er et décolonis­er l’hétérosexualité. (…) J’imagine que ce que je dis ne sus­cite pas un ent­hou­si­asme immé­di­at par­mi les mass­es, mais il est néces­saire de se con­fron­ter col­lec­tive­ment aux con­séquences de l’héritage nécrop­oli­tique du patri­ar­cat. Seule la dépa­tri­ar­cal­i­sa­tion de l’hétérosexualité per­me­t­tra la redis­tri­b­u­tion des posi­tions de pou­voir, seule la déshétéro­sex­u­al­i­sa­tion des rela­tions ren­dra pos­si­ble l’émancipation non seule­ment des femmes, mais aus­si et para­doxale­ment, des hommes. En atten­dant, chaque femme devrait avoir une arme, je vais dire plutôt un livre, une généalo­gie, un poème, un per­ro­quet, un cyborg… et savoir s’en servir. Il n’y a pas de temps à per­dre. La révo­lu­tion a déjà commencé. »

Pre­ci­a­do est sérieux, il pense ce qu’il écrit. Médi­a­part est sérieux en le pub­liant. Der­rière le pro­jet métapoli­tique de la gauche intel­lectuelle con­tem­po­raine, celle dont les clones obti­en­nent l’immense majorité des postes uni­ver­si­taires, ce sont ces idées qui sont en marche. Leur vocab­u­laire rap­pellera les mots vides de réal­ité de l’époque sovié­tique aux plus anciens des lecteurs de l’OJIM. Et pen­dant ce (même) temps-là, Médi­a­part n’a de cesse de lut­ter con­tre la pré­ten­due islam­o­pho­bie et de défendre un islam où juste­ment cela frappe fort sur les femmes, par tous les moyens. Mais cela ne paraît pas intéress­er Pre­ci­a­do, ni Médi­a­part.

Voir notre arti­cle repris de Pierre Péan sur la méth­ode Medi­a­part et notre por­trait d’Edwy Plenel.

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