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Nicolas Demorand quitte un Libé en pleine crise

13 février 2014

Temps de lecture : 4 minutes
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Nicolas Demorand quitte un Libé en pleine crise

Temps de lecture : 4 minutes

« J’ai décidé de démissionner de ma fonction de directeur et de quitter Libération. » C’est ainsi que, au journal Le Monde, Nicolas Demorand a annoncé la nouvelle que tous attendaient.

Directeur de Libé depuis mars 2011, ses rela­tions avec la rédac­tion n’ont été qu’en se dégradant au fil des années. Avec des action­naires qui refusent d’investir et des ventes qui s’effondrent, la sit­u­a­tion économique du jour­nal n’est guère meilleure. C’est dans ce con­texte que Nico­las Demor­and a pris la déci­sion de quit­ter ses fonc­tions. Une déci­sion « d’abord dic­tée par la sit­u­a­tion de ces derniers jours. Libéra­tion vit désor­mais une crise ouverte, je cristallise une par­tie des débats et j’es­time qu’il est de ma respon­s­abil­ité de patron de redonner des marges de manœu­vre et de négo­ci­a­tion aux dif­férentes par­ties. J’e­spère que mon départ per­me­t­tra aux uns et aux autres de retrou­ver la voie du dialogue. »

« J’ai été con­fron­té, pen­dant mes trois ans passés à Libéra­tion, à des crises sévères, mais c’est la pre­mière fois qu’il m’ap­pa­raît clair que je dois bouger », a‑t-il con­fié. Et celui-ci de décrire ses con­di­tions de tra­vail depuis son arrivée : « J’ai décou­vert, en arrivant, que mon boulot serait de chercher de l’ar­gent tous les jours. » Chose qu’il a eu du mal à entre­pren­dre, selon lui à cause d’une cer­taine réti­cence de l’équipe et des action­naires à entre­pren­dre une muta­tion numérique. « J’ai fait ce que j’ai pu avec les moyens que j’avais », a‑t-il ajouté.

Con­cer­nant les pro­jets fous de Bruno Ledoux, réseau social » ouvert au pub­lic, Nico­las Demor­and a rel­a­tivisé : « Les diver­si­fi­ca­tions sont aujour­d’hui néces­saires dans la presse écrite, qui ne peut plus vivre seule. Mais elles ne peu­vent se faire qu’au­tour d’un jour­nal et d’un site puis­sants. Les activ­ités périphériques doivent être au ser­vice de la pro­duc­tion de jour­nal­isme de qual­ité. C’est dans ces con­di­tions que j’avais évo­qué l’idée d’ou­vrir notre bâti­ment au pub­lic, en y con­ser­vant sur place la rédac­tion. » Mais cela n’aura fait qu’empirer la sit­u­a­tion et raviv­er les ten­sions. « Je m’en vais en espérant que ce départ prof­it­era à l’équipe de Libé et à ce jour­nal irrem­plaçable », con­clut-il.

Par ailleurs, le quo­ti­di­en chercherait à con­tracter un prêt auprès de l’État pour se relancer. Ce même Bruno Ledoux, l’un des prin­ci­paux action­naires de Libéra­tion, a dit mer­cre­di avoir demandé un prêt à Bercy pour ren­flouer le jour­nal. « Ils n’ont pas dit non », a‑t-il expliqué à l’AFP. Ce scé­nario prendrait égale­ment en compte un petit apport des action­naires, estimé à 2 mil­lions d’euros. Mais le gou­verne­ment sem­ble réti­cent. Aurélie Fil­ip­pet­ti, min­istre de la Cul­ture, a d’ailleurs estimé que 

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le gou­verne­ment ne pou­vait pas « sub­stituer à l’actionnaire, qui devrait faire des investisse­ments sup­plé­men­taires pour per­me­t­tre la tran­si­tion numérique de ce jour­nal ».

Enfin, une soix­an­taine d’artistes bien-à-gauche ont signé une péti­tion pour sauver Libéra­tion de ses turpi­tudes. Par­mi les sig­nataires fig­urent de nom­breux cinéastes dont Lau­rent Can­tet, les frères Dar­d­enne, Agnès Var­da, Agnès Jaoui, Robert Guédigu­ian, Léos Carax, Bruno Poda­ly­dès, Pas­cale Fer­ran, Valérie Donzel­li, le met­teur en scène et acteur Vin­cent Macaigne, des acteurs comme Jerémie Elka­ïm, Frédérique Bel et Vir­ginie Ledoyen, ou encore le cinéaste et dessi­na­teur de bande dess­inée Riad Satouf, le chanteur Alex Beau­pain, ain­si que le doc­teur Irène Fra­chon qui a révélé le scan­dale du Médiator.

« Libéra­tion est un con­tre-pou­voir décisif (sic) aux pou­voirs poli­tiques et au libéral­isme ambiant (…) Alors que ces jour­nal­istes sont aujour­d’hui en lutte con­tre un plan de redresse­ment absurde des action­naires qui cherchent à moné­tis­er la mar­que au risque de vider le jour­nal de son con­tenu, nous sommes à leurs côtés », indique notam­ment la péti­tion. « Nous ne voulons ni d’un restau­rant, ni d’un espace cul­turel, ni d’un plateau télé, ni d’un bar, ni d’un incu­ba­teur de start-up, nous voulons notre jour­nal tous les matins », con­clu­ent les sig­nataires, appor­tant ain­si leur sou­tien aux jour­nal­istes, en guerre ouverte con­tre les plans de trans­for­ma­tion mijotés par la direc­tion.

Voir également notre portrait de Nicolas Demorand, notre infographie de Libération et notre dossier : 40 ans de Libération, des maos aux bobos

Pho­to © Matthieu Riegler, CC-BY

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