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Mineurs étrangers : pédale douce et bons sentiments dans les médias dominants

22 mars 2018

Temps de lecture : 8 minutes
Accueil | Pascal Houzelot | Mineurs étrangers : pédale douce et bons sentiments dans les médias dominants

Mineurs étrangers : pédale douce et bons sentiments dans les médias dominants

22 mars 2018

Temps de lecture : 8 minutes

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Dans la place qui est accordée aux différents sujets d’actualité dans les médias, il en est un qui pourrait remporter la palme de la discrétion, eu égard à son ampleur : celui de l’explosion du nombre d’arrivées de mineurs étrangers sur le territoire français. Une mise en perspective sur la couverture médiatique de ce phénomène s’imposait.

Dans ce pre­mier trimestre de l’année 2018, les Con­seils départe­men­taux en charge de l’accueil des mineurs isolés font le bilan de leurs actions de l’année 2017. Aucun départe­ment ne sem­ble épargné par l’arrivée de dizaines de mil­liers de clan­des­tins qui se présen­tent comme mineurs, et sont à ce titre pris en charge par les col­lec­tiv­ités. L’angle du traite­ment de ce sujet est étroite­ment lié à la voca­tion du média : actu­al­ité locale, nationale, média d’opinion. Revue de presse.

L’arrivée de jeunes clandestins dans les médias locaux, organisation et soutien

Le 19 févri­er, La Dépêche titre un arti­cle sur les pro­pos d’un représen­tant d’une asso­ci­a­tion pro- migrants : « Des mineurs étrangers (sont) privés de leurs droits majeurs ». Le quo­ti­di­en con­state le 16 mars que « leur nom­bre explose pour l’aide sociale à l’en­fance ». « Le con­seil départe­men­tal de Haute-Garonne peine à solu­tion­ner l’af­flux con­stant de jeunes migrants ». « Rares sont ceux qui dis­posent de papiers d’i­den­tité ». L’article dépasse le seul cadre du départe­ment : « En 2010 en France, le nom­bre de mineurs migrants con­fiés aux départe­ments était de 4 000. L’an dernier, leur nom­bre a aug­men­té de 85 % pour dépass­er 25 000 jeunes pris en charge. Cer­taines éval­u­a­tions par­lent même de près de 50 000 jeunes migrants arrivés depuis 2017 sur le ter­ri­toire ». « Selon le Sénat, le chiffre de 40 000 mineurs non accom­pa­g­nés est envis­agé pour 2018 ».

Dans le sud-est, La Provence titre sur « le Vau­cluse en ter­rain miné ». Une bénév­ole de Réseau Édu­ca­tion Sans Fron­tière inter­rogée juge par­fois « arbi­traires » les éval­u­a­tions menées par l’Aide sociale à l’en­fance (ASE) du Vau­cluse. 100% radio con­state que « le nom­bre de jeunes migrants ne cesse d’aug­menter dans le Tarn ».  « Tous les lieux d’accueil du départe­ment sont sat­urés ».

Sud-Ouest se fait l’écho d’ « un rassem­ble­ment de sou­tien à deux jeunes migrants guinéens » à Bay­onne quand Ouest-France cou­vre le 28 févri­er une « man­i­fes­ta­tion con­tre l’ex­pul­sion d’un mineur » ivoirien à Vannes…qui rassem­ble 14 per­son­nes sur la photo.

La couverture des médias nationaux, soutien et organisation

La Croix con­sacre plusieurs arti­cles sur le sujet. Le 12 mars, le quo­ti­di­en s’interroge « quelle solu­tion pour les mineurs migrants ? ». La ques­tion cen­trale sem­ble être « qui, de l’État ou des départe­ments, doit s’occuper des jeunes migrants qui se dis­ent mineurs pen­dant la phase de l’évaluation de leur âge ? ». « Les départe­ments ne cessent d’alerter sur l’explosion des coûts qu’ils sup­por­t­ent, estimés à un mil­liard d’euros en 2016. Selon le rap­port Doineau, 71 % des Mineurs Non Accom­pa­g­nés vien­nent d’Afrique, en par­ti­c­uli­er d’Afrique de l’Ouest fran­coph­o­ne, où ils fuient la pau­vreté et le manque de per­spec­tive d’avenir ».

Libéra­tion évoque le 12 mars un col­lec­tif dont l’objectif est de per­me­t­tre aux clan­des­tins mineurs de pass­er la fron­tière fran­co-ital­i­enne : « (…) com­posé d’associations et d’avocats français et ital­iens, (le col­lec­tif) s’est ren­du à la fron­tière fran­co-ital­i­enne de Men­ton pour observ­er et dénon­cer le refoule­ment illé­gal des étrangers souhai­tant pénétr­er en France. Ils ont obtenu gain de cause devant le tri­bunal admin­is­tratif. “Désor­mais, ils dor­ment à l’hôtel !” dit fière­ment l’avocate niçoise spé­cial­isée dans le droit d’asile ». Le 8 mars, le quo­ti­di­en pub­lie un arti­cle de l’AFP sur « deux scé­nar­ios pour répon­dre à la crise » liée à l’augmentation du nom­bre de pris­es en charge de mineurs isolés étrangers. Ras­surez-vous, aucune mesure restric­tive n’est envis­agée, seul le niveau (Etat, Départe­ment) de prise en charge fait débat.

L’Obs inter­roge un respon­s­able de Médecins Sans Fron­tières : « Tout est fait pour prou­ver que les mineurs étrangers isolés sont majeurs ». « L’Etat, avec sa poli­tique migra­toire répres­sive, n’est pas bien­veil­lant à l’égard des mineurs étrangers isolés ».

Même reg­istre sur France Info qui inter­viewe le prési­dent du Départe­ment de Seine-Saint-Denis : « Nous tirons la son­nette d’alarme depuis des mois ». « Quand les mineurs étrangers isolés arrivent sur nos ter­ri­toires, nous voulons faire un tra­vail de qual­ité. Ils doivent être pro­tégés. La France a pris des engage­ments inter­na­tionaux ».

Le Monde estime que le sujet est « une affaire européenne qui ne s’arrête pas à la majorité » : « l’examen com­para­tif dans les pays voisins de la France mon­tre que tous sont con­cernés par cette ques­tion du fait de sa crois­sance rapi­de et de son ampleur ». « La mis­sion recom­mande que l’Etat et les départe­ments (…) enga­gent une réflex­ion con­jointe (…) sur l’adaptation de la prise en charge, de l’admission à l’Aide sociale à l’enfance jusqu’à l’accompagnement des jeunes majeurs ».

Les médias (minoritaires) qui élargissent le cadre de réflexion

Lim­iter l’accueil de jeunes clan­des­tins à un prob­lème stricte­ment human­i­taire fait l’impasse sur d’autres dimen­sions, notam­ment juridiques, finan­cières, démo­graphiques, etc. Cer­tains médias élar­gis­sent le champ de la réflexion.

Le coût financier : Le Figaro indi­quait le 16 févri­er que « les col­lec­tiv­ités esti­ment que la fac­ture pour­rait attein­dre 1,5 mil­liard dans six mois, alors qu’elle était éval­uée à 1 mil­liard en sep­tem­bre dernier ». Dans Le Figaro du 14 sep­tem­bre 2017, le prési­dent de l’Assem­blée des départe­ments de France (ADF) esti­mait que « pour chaque départe­ment, cela représente env­i­ron 50 000 euros par an et par indi­vidu en moyenne ». Chiffre revu à la hausse (60 000 euros par jeune par an) dans une inter­view à France 3 Régions. Sur le site Polemia, une esti­ma­tion aboutit, sur la base de 42 000 Mineurs Non Accom­pa­g­nés pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance en 2018 « à un coût (…) de 3 Mil­liards d’euros en 2018 ». Aucun média ne souligne le car­ac­tère « open bar » de ces dépens­es alors que, con­cer­nant les dépens­es néces­saires pour garan­tir un accueil décent de nos ainés dans nom­bre de maisons de retraite, la Min­istre de la san­té indi­quait à un jour­nal­iste de 20 Min­utes que « la France n’avait ni ” les moyens budgé­taires” ni “les ressources humaines” ».

La minorité en ques­tion : Le pro­cureur de Bobigny le con­fi­ait au Figaro : « L’un des grands prob­lèmes que nous ren­con­trons en ce qui con­cerne les mineurs isolés, c’est que ces per­son­nes peu­vent être éval­uées plusieurs fois à mesure qu’elles changent de départe­ment. Il arrive même qu’ils soient dans cer­tains départe­ments con­sid­érés comme majeurs ». Une logique de guichet vers celui qui con­clu­ra à la minorité en quelque sorte…. Europe 1 évoque le 22 févri­er un rap­port du Sénat pub­lié en juin 2017 selon lequel 39% des « mineurs étrangers » ont été à l’issue d’une éval­u­a­tion con­sid­érés comme majeurs. L’expression « jeune clan­des­tin » sem­blerait plus adéquate ?

La mis­ère ou la crois­sance comme moteur au départ ? Causeur souligne que la récente crois­sance économique des pays sub­sa­hariens accélère les départs, « des par­en­tèles africaines se coti­sant pour financer les départs ». « L’émigration est con­sid­érée comme une fil­ière économique à part entière ».

L’appel d’air en ques­tion : Le site d’information Breizh Info indique que « les départe­ments ne cessent d’ouvrir de nou­veaux lieux, l’afflux d’immigrés ne taris­sant pas. La pres­sion des asso­ci­a­tions, l’aide finan­cière et loca­tive apportée par l’État, con­tribuent sans aucun doute à cet afflux incon­trôlé de jeunes migrants. Un phénomène que les pays d’Europe cen­trale ont quant à eux su éviter ».

Dans une inter­view au Figaro le 16 sep­tem­bre, le Prési­dent de l’Assemblée des départe­ments de France indique avoir noté que « ces jeunes arrivent en France via des réseaux de passeurs. Ils se présen­tent avec des fich­es plas­ti­fiées déjà prêtes, con­tenant les noms et les numéros de télé­phone de nos tra­vailleurs soci­aux ». Le Télé­gramme indique qu’« être mineur étranger et isolé (sans famille) per­met une prise en charge totale et automa­tique par les Départe­ments. Et un mineur est inex­pulsable et peut plus facile­ment obtenir un titre de séjour à sa majorité ». Une ten­dance qui ne devrait pas fléchir à l’écoute de la démo­graphe Michèle Trib­al­at. Celle-ci affirme au Figaro que le pro­jet de Loi sur l’asile prévoit d’« éten­dre le regroupe­ment famil­ial auprès des réfugiés mineurs. Elle crédi­bilise le pro­jet de familles qui envoient leur grand garçon, en éclaireur, essay­er de trou­ver un avenir meilleur en Europe ».

Effet d’éviction : Le Prési­dent du départe­ment du Nord affirme au micro de RMC ne plus avoir les moyens d’accueillir de jeunes nordistes « car pri­or­ité est don­née aux mineurs non accom­pa­g­nés étrangers », « qui arrivent à rai­son de 100 par semaine ».

L’aide sociale à l’enfance : L’accueil incon­di­tion­nel à tout mineur pré­sumé arrivé en France n’est pra­tique­ment pas ques­tion­né dans les médias. C’est au détour d’une émis­sion sur la radio RMC qu’un jour­nal­iste évoque la loi en Grande Bre­tagne où les migrants mineurs ne béné­fi­cient pas d’un accueil incon­di­tion­nel comme en France mais doivent, pour rester sur le ter­ri­toire, béné­fici­er du statut de réfugié.

L’angle pure­ment human­i­taire adop­té par de nom­breux médias dans le traite­ment de ce sujet est sin­gulière­ment restric­tif. La fig­ure de l’enfant vul­nérable et sans pro­tec­tion ne saurait souf­frir de nuances. Sans par­ler de l’avis des autochtones.

Pho­to : migrants en Macé­doine, juil­let 2015. Crédits : Domaine pub­lic

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