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Médias de grand chemin, quand il s’agit de « leur » liberté d’expression, « ils » sont unanimes

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30 septembre 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Médias de grand chemin, quand il s’agit de « leur » liberté d’expression, « ils » sont unanimes

Temps de lecture : 6 minutes

Qui sont ces « ils » ? Le 23 septembre 2020, une centaine de médias officiels français signait une tribune en « Une » de Charlie Hebdo. Le 25 septembre suivant, Ali H, venu d’Islamabad et dont bien des observateurs se demandent ce qu’il faisait sur le territoire français, attaquait une agence de communication à Paris, dans la rue où se trouvaient les bureaux de Charlie Hebdo lors de l’attentat de 2015 ayant coûté la vie à une grande partie de la rédaction. Il croyait, dit-il, attaquer cet hebdomadaire. Cette conjonction d’événements conduit l’OJIM a jeter un œil sur les réactions des médias durant les jours ayant séparé les deux événements : comment les médias officiels ont-ils présenté la tribune publiée le 23 septembre et signée par nombre d’entre eux ?

L’OJIM s’est déjà penché sur deux aspects de cette affaire :

Les principaux médias français officiels unanimes pour saluer la tribune

  • Pour France Inter : « C’est his­torique, des médias sig­nent une tri­bune pour la lib­erté d’expression ». Dont France Inter juste­ment.
  • Pour RMC (sig­nataire) : « Char­lie Heb­do de nou­veau men­acé : une cen­taine de médias appel­lent à se mobiliser »
  • Pour France 24 (France Télévi­sions est sig­nataire) : « Char­lie Heb­do : une rédac­tion sous men­ace permanente »
  • Pour Europe 1 (sig­nataire ET dont la rédac­tion à fait un procès d’intention poli­tique à son nou­veau respon­s­able du ser­vice poli­tique Louis de Raguenel, lors de sa nom­i­na­tion offi­cial­isée début sep­tem­bre 2020, au pré­texte qu’il tra­vail­lait avant pour… Valeurs Actuelles) : « L’objectif est de rap­pel­er l’une des valeurs fon­da­men­tales de notre démoc­ra­tie, la lib­erté d’expression». Louis de Raguenel a dû apprécier.
  • Pour Le Figaro (sig­nataire) : la par­tic­i­pa­tion se fait « en sol­i­dar­ité » avec Char­lie Heb­do. Le quo­ti­di­en pub­lie sim­ple­ment la tri­bune, sans spé­ci­fi­er que plusieurs de ses chroniqueurs, Eric Zem­mour ou Ivan Rioufol par exem­ple, sont régulière­ment pris à par­tie du fait de l’usage de leur lib­erté d’opinion et d’expression.
  • Pour Le Huff­post : c’est une tri­bune « En sou­tien à Char­lie Heb­do men­acé par Al-Qaï­da ». Le média pré­cise : « Bien que la sig­na­ture du Huff­Postnait pas été sol­lic­itée dans un pre­mier temps, la rédac­tion sasso­cie à la démarche et nous pub­lions à notre tour cette let­tre ouverte ce mer­cre­di 23 septembre. » 
  • Pour France Soir : bien que non sol­lic­ité, lui aus­si, le média « s’associe sans réserve à cet appel »
  • Pour LCI (sig­nataire) : c’est aus­si une ques­tion de défense de la lib­erté et de sol­i­dar­ité avec Char­lie Heb­do.
  • Pour La Croix (seul média chré­tien sol­lic­ité et sig­nataire) : c’est « Une lib­erté indivisible »
  • Pour 20Minutes : « Atten­tats de jan­vi­er : « Char­lie Heb­do» et une cen­taine de médias lan­cent un appel pour la lib­erté d’expression ». Le média pub­lie la tribune.
  • Pour Le Jour­nal du Dimanche (sig­nataire) : « Les médias français se mobilisent pour la lib­erté d’expression ».
  • Pour GQ (sig­nataire) : c’est une tri­bune « en faveur de la lib­erté d’expression »
  • Pour RTL (sig­nataire) il en va de même et le texte est donc diffusé
  • Pour BFMTV (sig­nataire), idem.
  • Pour Le Monde (sig­nataire) : c’est un appel « inédit ».

La liste est sans fin ou presque : sig­nataires ou non, Les Échos, L’Opinion, Le Mouv’, France bleu, L’Humanité, tout le monde veut en être et, pour que cela fasse bien le tour de France, toute la presse régionale et départe­men­tale, d’un intérêt jour­nal­is­tique et intel­lectuel sou­vent de faible ampli­tude, appar­tenant à fort peu de pro­prié­taires, a été mobilisée.

La Tri­bune est donc partout, dans toute la France. Elle est aus­si dif­fusée mas­sive­ment sur les réseaux soci­aux, en par­ti­c­uli­er par un # dédié. Est-elle lue par les français véri­ta­bles, ceux qui ont autre chose à faire que de regarder ou lire les petites polémiques quo­ti­di­ennes entre les médias ? Pas cer­tain. Comme elle passe sur TF1(sig­nataire) et BFMTV (sig­nataire), il est prob­a­ble que nom­bre de Français en auront au moins enten­du parler.

Elle est partout ou presque, puisqu’elle émane de L’alliance de la presse d’information qui représente 300 jour­naux. Un tiers de ses mem­bres a donc signé.

Tous les médias pré-cités dis­ent la même chose : face aux men­aces portées con­tre la lib­erté d’expression par « des organ­i­sa­tions ter­ror­istes inter­na­tionales » (leur prin­ci­pale car­ac­téris­tique, d’être musul­mane n’est pas indiquée) et des États faisant « pres­sion sur des jour­nal­istes français « coupables » d’avoir pub­lié des arti­cles cri­tiques », la tri­bune demande une sorte de mobil­i­sa­tion générale : « Nous avons besoin de vous. De votre mobil­i­sa­tion. Du rem­part de vos con­sciences. Il faut que les enne­mis de la lib­erté com­pren­nent que nous sommes tous ensem­ble leurs adver­saires réso­lus, quelles que soient par ailleurs nos dif­férences dopin­ion ou de croy­ances. Citoyens, élus locaux, respon­s­ables poli­tiques, jour­nal­istes, mil­i­tants de tous les par­tis et de toutes les asso­ci­a­tions, plus que jamais dans cette époque incer­taine, nous devons réu­nir nos forces pour chas­s­er la peur et faire tri­om­pher notre amour inde­struc­tible de la Lib­erté. »

Il sem­ble que la mobil­i­sa­tion ait été trop lente pour que le papi­er et les écrans empêchent l’attentat du 25 sep­tem­bre 2020.

Les auteurs de la tribune choisissent qui ou qui n’est pas un média

Un élé­ment qui saute aux yeux est l’absence de nom­breux médias, non appelés à sign­er la tri­bune. Médi­a­part, par exem­ple, qui a cepen­dant décidé de s’y associ­er tout de même. Mais les grands absents sont surtout tous les médias, sans excep­tion, qui n’entrent pas dans le cadre de pen­sée social-libéral qui domine toutes les salles de rédac­tion de la presse offi­cielle française (celle qui est financé con­join­te­ment par des mil­liar­daires et le gou­verne­ment, aspect qui sem­blerait saugrenu s’il était pointé pour la Russie ou pour un pays africain).

L’AFP a refusé de sign­er pour ne pas « met­tre en dan­ger ses cor­re­spon­dants » présents dans les pays musulmans.

Ain­si, par­mi de très nom­breux exem­ples, ont été lais­sés de côté TVLib­ertés, L’OJIM, Présent, Élé­ments, Valeurs Actuelles, La Nef, L’Homme Nou­veau, Le Salon Beige, Panora­ma, Le Bien com­mun, Poli­tique mag­a­zine, L’Incorrect…

Toute la presse con­sid­érée comme iden­ti­taire, catholique ou de droite non libérale a été exclue de cet appel à défendre la lib­erté d’expression.

Con­clu­sion : il y a lib­erté de la presse et lib­erté de la presse. Il y a ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas. Quand la Ligue de Défense Noire, grou­pus­cule raciste et vio­lent, est entrée dans les locaux de Valeurs Actuelles, après la paru­tion de la fic­tion sur Obono, l’alliance de la presse d’information n’a lancé ni tri­bune ni appel à défendre la lib­erté d’opinion ou d’expression. Il est heureux que per­son­ne n’ait été assas­s­iné ce jour-là. Si vous n’êtes pas du club, il est préférable de vous pré­par­er à mourir dans le silence, un silence qui ne sera sans doute même pas gêné. On vous le dira sur votre tombe: il fal­lait penser cor­recte­ment mon ami.