Le quotidien économique L’Opinion, considéré comme le portevoix du CAC40, pourrait changer de mains, selon La Lettre.
Des actionnaires discrets, influents mais un peu las
De grands noms au capital dont les familles Bettencourt, Rupert Murdoch et Arnault. Il doit y en avoir quelques autres un peu cachés. Si Bey médias, la société qui regroupe L’Opinion et L’Agefi, est discrète sur ses comptes, ceux-ci malgré des subventions annuelles de plus de 1M€ ne doivent pas être bien fameux et les actionnaires actuels se sont sans doute lassés de remettre constamment au pot depuis 2013 date du lancement.
À la recherche d’argent frais
C’est dans ce contexte que Nicolas Beytout, fondateur du journal, s’est mis en quête de nouveaux partenaires. Toujours selon La Lettre, des fonds suisses et belges auraient été approchés ainsi que Rodolphe Saadé, tous ont poliment décliné l’offre.
Nicolas Beytout 67 ans et détenteur de 15% du capital a tout intérêt à bien valoriser son groupe. Le chiffre de 45M€ est évoqué et paraît excessif pour un groupe en pertes constantes même si son influence n’est pas négligeable. Nicolas Beytout dément tout contact avec CMI de Křetínský mais on sait que dans ce genre de transactions discrètes entre (très) grandes fortunes on n’annonce qu’une fois les négociations terminées.
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Dévoilées par La Lettre, les dernières négociations menées au printemps 2023 avec les représentants de Daniel Křetínský avaient achoppé sur le prix (La Lettre du 13/07/23). Nicolas Beytout avait, au même moment, approché Rodolphe Saadé, espérant surfer sur l’appétit nouveau du PDG de CMA CGM pour les médias. Le journaliste-entrepreneur avait toutefois refusé son offre, jugée trop basse. Du côté de l’armateur marseillais, où les exigences du fondateur de L’Opinion avaient dérouté, on assure avoir refermé le dossier. Ces dernières semaines, Nicolas Beytout a également cherché une solution en dehors de l’Hexagone, en sondant plusieurs groupes de presse belges et suisses. En vain.
Âgé de 67 ans, l’ancien patron des Échos espère toujours céder à CMI France, le groupe de médias de Daniel Křetínský, sa participation de 15 % dans Bey Médias sur la base d’une valorisation de 45 millions d’euros pour l’ensemble du groupe. Il semble cependant prêt à revoir ses attentes à la baisse. Nicolas Beytout sait que les comptes de L’Opinion et sa faible diffusion (40 000 exemplaires revendiqués, mais non certifiés, dont 60 % sur le numérique) ne plaident pas en sa faveur.
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Il vante toutefois l’influence – réelle ou supposée – du journal. Un atout dont Daniel Křetínský ne manque pas vraiment. Le magnat tchèque de l’énergie vient de mettre la main sur le distributeur Casino et sur le géant français de l’édition Editis, et est déjà propriétaire des hebdomadaires Marianne, Elle ou encore Franc-Tireur. Son lieutenant Denis Olivennes l’a par ailleurs convaincu de voler au secours de Libération en prêtant 38 millions d’euros au journal depuis 2022 (La Lettre du 24/10/23). Reste que l’entrée d’un quotidien pro-européen et pro-business dans son groupe de presse ne serait pas pour déplaire au milliardaire.
Quid des Bettencourt et d’Arnault ?
Malgré la présence protectrice à son capital du patron de LVMH, Bernard Arnault, de la famille Bettencourt, du magnat australien des médias Rupert Murdoch et du financier américain Ken Fisher, Nicolas Beytout est, de fait, contraint de chercher à l’extérieur une porte de sortie. Ces quatre mécènes se sont, au fil des années, lassés de renflouer L’Opinion, qui n’a jamais été rentable depuis sa création en 2013. Sollicité par La Lettre, Nicolas Beytout affirme n’avoir “aucune discussion avec CMI” ni “aucune intention de céder [ses] parts”. CMI France n’a pas démenti l’existence de ces discussions.
Daniel Křetínský, qui a su depuis 2018 se faire sa place dans la cage des grands fauves du capitalisme français, veillera toutefois à ne pas froisser les familles Arnault et Bettencourt s’il entre au capital de L’Opinion et de L’Agefi. Bernard Arnault devrait même profiter de l’arrivée d’un nouvel actionnaire pour quitter l’aventure et céder sa part de 25 %. Venu en soutien de son ami Nicolas Beytout à la naissance de L’Opinion en prenant également un quart du capital, l’époux de Françoise Bettencourt-Meyers, Jean-Pierre Meyers, pourrait lui aussi accepter de céder sa place.