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Le quarteron de militaires courageux a mauvaise presse

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29 avril 2021

Temps de lecture : 7 minutes
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Le quarteron de militaires courageux a mauvaise presse

Temps de lecture : 7 minutes

Le 21 avril 2021, un millier de militaires dont de très nombreux hauts-gradés, sans parler d’une vingtaine de généraux en retraite, appelaient dans une tribune parue dans Valeurs actuelles à « un retour de l’honneur de nos gouvernants » et à un sursaut de leur part face à la déliquescence du pays. La liste des signataires de cet appel figure sur le site Place d’armes, à l’origine de l’initiative. Les réactions dans les médias n’ont pas tardé. L’Observatoire du journalisme fait le point sur cette affaire qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

« Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants » : un appel au courage

Que des femmes et des hommes qui ont con­sacré leur vie pro­fes­sion­nelle à la défense de la nation pren­nent la plume pour alert­er nos gou­ver­nants sur la grav­ité de la sit­u­a­tion en France pour­rait être inter­prété comme un signe de vital­ité de notre démoc­ra­tie. Délite­ment de notre iden­tité sous les coups de boutoir des indigénistes et des décolo­ni­aux, délite­ment du pays avec la mon­tée de l’islamisme, zones de non-droit qui gan­grè­nent le ter­ri­toire, délite­ment de la con­fi­ance en les forces de l’ordre par­fois util­isées mal à pro­pos par le pou­voir poli­tique : les con­stats dressés par les généraux et plus large­ment par tous les mil­i­taires qui les ont rejoints sont sévères. Mais ils font écho à la réal­ité et aux préoc­cu­pa­tions de nom­breux citoyens.

Est-ce pour cela que le pou­voir poli­tique et une grande par­tie de la gauche ont réa­gi très vive­ment à cette tri­bune ? La revue de presse que nous en faisons mon­tre non seule­ment une volon­té de cen­sure de cette expres­sion, mais égale­ment le souhait de voir les sig­nataires de l’appel sanctionnés.

Des critiques au vitriol

L’extrême gauche est vent debout con­tre les sig­nataires de la tri­bune. Il est vrai que point­er du doigt une par­tie de son élec­torat de sub­sti­tu­tion ne pou­vait pas pass­er inaperçu.

Le jour­nal Regards, dans lequel offi­cie notam­ment Clé­men­tine Autain, n’y va pas par 4 chemins dans un arti­cle du 25 avril  : « c’est un texte sédi­tieux qui men­ace la République ». D’ailleurs, cet appel part d’« une analyse poli­tique d’extrême droite ». La rédac­tion du jour­nal sig­nataire de l’article attend une réac­tion de l’Elysée à cette tri­bune. On sub­odore un appel à peine voilé à des sanctions.

Encore plus pres­sant, Libéra­tion se demande « ce qu’attend l’exécutif pour réa­gir ». Le jour­nal souligne que cet appel inter­vient « soix­ante ans jour pour jour après la ten­ta­tive du putsch d’Alger, le 21 avril 1961 », rien que ça.

L’Humanité nous apprend le 26 avril que « les Insoumis sai­sis­sent la jus­tice ». A défaut d’une réac­tion rapi­de de l’exécutif, qui avait sous la pres­sion de l’extrême gauche fini par céder à la demande de dis­so­lu­tion de Généra­tion iden­ti­taire, c’est donc de la gauche que les deman­des de sanc­tions émanent.

Mes­sage reçu 5 sur 5 par la min­istre des armées, Flo­rence Par­ly, qui qual­i­fie les sig­nataires de « généraux en charentais­es » et annonce que « que le recense­ment des sig­nataires est en cours et que « des sanc­tions tomberont » si cer­tains sont encore en exer­ci­ce dans l’armée », nous informe Ouest-France le 27 avril.

Puis c’est le prési­dent de la République lui-même dont la réac­tion devant ses con­seillers a, par on ne sait quel hasard, « fuité » dans la presse. Valeurs actuelles nous informe de son com­men­taire sur la mal­adroite demande de ral­liement qu’a faite Marine Le Pen aux sig­nataires de l’appel :

« Le RN est tou­jours le FN ! Des années d’efforts pour faire croire que Marine Le Pen n’est pas son père et, en quelques heures, son vrai vis­age réap­pa­raît : celui des mil­ices et des putschistes ! ».

Les mots sont lâchés. Ils sont défini­tifs et sans appel. L’ombre du doute ne tra­verse pas Jupiter.

Les critiques sous couvert de l’explication de texte

D’autre cri­tiques plus sub­tiles voient le jour. Elles sont par­fois présen­tées dans des arti­cles comme per­me­t­tant de « tout com­pren­dre » sur la tri­bune des mil­i­taires ou vien­nent oppor­tuné­ment en con­clu­sion d’un article.

Le Parisien nous donne le 26 avril « 5 min­utes pour com­pren­dre la tri­bune des ex-mil­i­taires » et estime que « l’hypothèse d’un coup d’Etat est quant à elle à peine dis­simulée ».

BFMTV ter­mine un arti­cle assez détail­lé, écrit à par­tir d’une dépêche de l’AFP, par une déc­la­ra­tion de la min­istre des armées : « Cette tri­bune, “est une insulte jetée à la fig­ure de mil­liers de mil­i­taires ».

Plutôt que de s’interroger sur la per­ti­nence des argu­ments dévelop­pés par les sig­nataires, Ouest France se lance dans une analyse des risques encou­rus par les ini­ti­a­teurs de l’appel.

Sud-Ouest donne la con­clu­sion d’un arti­cle sur ce sujet à Benoit Hamon, qui décidé­ment a la côte dans ce jour­nal, « « 60 ans après le début du « putsch d’Alger, 20 généraux men­a­cent explicite­ment la République d’un coup d’État mil­i­taire ».

Tant la place don­née aux détracteurs de l’appel paru dans Valeurs actuelles que la con­struc­tion des arti­cles aboutis­sent à présen­ter néga­tive­ment la tri­bune des ex-militaires.

Ce que vous ne trouverez pas dans les médias de grand chemin

Le devoir de réserve auquel seraient astreints les mil­i­taires en retraite est un sujet essen­tiel dans la cou­ver­ture médi­a­tique de cet appel par les médias de grand chemin. Est-ce pour autant le sujet central ?

Fdes­ouche rap­pelle que « la vice-prési­dente de l’assemblée nationale, Laeti­tia Saint Paul (LREM) fai­sait cam­pagne alors qu’elle était offici­er d’active ». On apprend — dans l’article du mag­a­zine Elle men­tion­né — que la députée « s’est mise en disponi­bil­ité de l’armée (…) sitôt élue ». Le fait qu’elle ne l’était pas lors de sa cam­pagne élec­torale ne sem­ble donc pas avoir posé de prob­lèmes. Com­prenne qui pourra…

Elis­a­beth Levy, direc­trice de la rédac­tion de Causeur, pointe une autre con­tra­dic­tion dans l’argumentaire de Jean-Luc Mélen­chon qui demande des sanc­tions con­tre les sig­nataires de la tri­bune. Elle exhume l’un de ses mes­sage sur Twit­ter écrit en sep­tem­bre 2019 :

Cela n’a pour­tant pas empêché le mou­ve­ment du leader de la France Insoumise de faire un sig­nale­ment auprès de pro­cureur de la République au titre de l’article 40 du code de procé­dure pénale des sig­nataires de la tri­bune parue dans Valeurs actuelles. Faites ce que je dis…

Qu’ont à nous dire les signataires de la tribune ?

Que cela vienne du prési­dent de la République, de Jean-Luc Mélen­chon ou d’autres, ils sont nom­breux à faire un procès d’intention aux sig­nataires de la tri­bune, en évo­quant une volon­té de « putsch » et de sédition.

Quelques médias ont eu l’honnêteté de don­ner la parole à cer­tains sig­nataires de la tri­bune, ce qui leur per­met de récuser toutes les accu­sa­tions et inter­pré­ta­tions extrav­a­gantes à leur tribune.

Par­mi ceux-ci, Front Pop­u­laire per­met à Jean-Pierre Fab­re-Bernadac de soulign­er la con­tra­dic­tion de dépein­dre les sig­nataires comme ayant « des charentais­es aux pieds et des kalash­nikov à la main ».

Sur LCI, le général Emmanuel de Richoufftz explicite face à des édi­to­ri­al­istes inquisi­teurs, Serge July en tête, ce qu’il entend par le terme de « hordes de ban­lieue » con­tenu dans la tri­bune. Il donne pour exem­ple des policiers munic­i­paux qui ont du refluer suite à l’attaque en règle d’une quar­an­taine de racailles. « Les agents sont par­tis, ils ne revien­dront pas. La République perd encore du ter­rain », ajoute-t-il.

Le 28 avril matin, le comp­teur des mil­i­taires sig­nataires de l’appel s’affolait sur le site Place d’armes et comp­tait 7 343 sig­nataires. Sans tran­si­tion, après l’attentat islamiste à Ram­bouil­let le 23 avril, le min­istre de l’intérieur a annon­cé « une sécu­rité ren­for­cée aux abor­ds des com­mis­sari­ats », nous infor­mait 20 Min­utes. Des policiers affec­tés à la sécu­rité de leur com­mis­sari­at plutôt qu’au main­tien de l’ordre dans la cité. Rien de spé­cial. Dans un reportage de France TV, un syn­di­cal­iste de Unité SGP Police affirme que, depuis le 13 avril,  « 100 faits de vio­lences urbaines ont touché les Yve­lines dont 66 faits d’attaques aux mortiers et pro­jec­tiles con­tre des policiers nationaux, munic­i­paux et des bâti­ments de police” ». Tou­jours rien de spécial.

Sur Twit­ter, Force Sol­idaire com­mente avec amertume :