Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Le Coran-virus : arme de l’État islamique contre ses ennemis

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

3 avril 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Le Coran-virus : arme de l’État islamique contre ses ennemis

Le Coran-virus : arme de l’État islamique contre ses ennemis

Temps de lecture : 4 minutes

The Diplomat est un magazine et un site spécialisé dans tout ce qui a trait aux affaires internationales asiatiques. Particulièrement reconnu pour la finesse de ses analyses et pour la fiabilité de ses sources, The Diplomat fait appel à des plumes de toutes les nationalités, asiatiques mais aussi anglo-saxonnes.

Propagande islamiste

Le 24 mars 2020, le mag­a­zine s’est penché sur la façon dont réag­it l’État islamique devant la pandémie mon­di­ale. L’auteur de l’article inti­t­ulé Châ­ti­ment divin : la pro­pa­gande menée par l’État islamique autour du covid-19, Nur Aziemah Azman, est chercheur asso­ciée au Cen­tre inter­na­tion­al de recherche sur la vio­lence poli­tique et le ter­ror­isme (ICPVTR) à la S. Rajarat­nam School of Inter­na­tion­al Stud­ies (RSIS), Nanyang Tech­no­log­i­cal Uni­ver­si­ty (NTU) de Sin­gapour. Elle sur­veille, traduit et analyse le con­tenu des sites web extrémistes arabes et des plate­formes de médias soci­aux en met­tant l’accent sur la pro­pa­gande et les réc­its de l’É­tat islamique en ligne. Dans ce cas pré­cis, elle a remar­qué un fort développe­ment d’une pro­pa­gande anti-chi­noise et anti-chiite.

Que montre-t-elle ?

Dès le développe­ment de la pandémie, la pro­pa­gande de l’EI s’est tournée vers la Chine, con­sid­érée pour l’heure comme foy­er d’origine, par­lant du coro­n­avirus comme d’un « châ­ti­ment divin ». Pré­cisé­ment : « Qu’Allah punisse la Chine de mort car les chi­nois ont fait mourir des musul­mans: Le coro­n­avirus est l’armée d’Allah ». Bien que peu intéressé par leur sort aupar­a­vant, c’est au pré­texte du com­porte­ment de la Chine vis-à-vis de sa minorité musul­mane que se développe cette rhé­torique. Depuis le 6 févri­er 2020, c’est même le bul­letin heb­do­madaire offi­ciel de l’EI en arabe, Al-Naba, qui réper­cute la pro­pa­gande : « la vengeance d’Allah est ter­ri­ble ». Il s’agit de rap­pel­er aux croy­ants que la déter­mi­na­tion sera récom­pen­sée, d’après le Coran, au Par­adis. Les arti­cles évo­quent la « souf­france méritée » des chi­nois et la néces­sité « d’exterminer leurs récoltes ».

Dans le même temps, le bul­letin de l’EI a con­seil­lé aux musul­mans d’éviter d’entrer ou de sor­tir des « zones con­t­a­m­inées », un point qui ne sur­pren­dra que ceux qui pensent encore que le ter­ror­isme islamiste n’est pas ultra organ­isé. Nous ne pou­vons que leur con­seiller la lec­ture des Espi­ons de la ter­reur (Harper­collins) de Matthieu Suc, jour­nal­iste de Médi­a­part. D’ailleurs, l’EI con­seille aus­si aux per­son­nes infec­tées d’éviter tout con­tact avec les autres et appelle les sci­en­tifiques et médecins à tra­vailler effi­cace­ment en vue de trou­ver un traite­ment. Il n’est pas anodin de rap­pel­er que la région où l’EI existe tou­jours, le Moyen-Ori­ent, dans la poche de Baghouz en Syrie, est infec­tée par l’épidémie de MERS-Cov, virus de la même famille quelle covid-19, depuis 2012.

Ce côté raisonnable de l’EI, si l’on peut dire cela d’une telle organ­i­sa­tion, est cepen­dant con­tre­bal­ancé par l’exhortation faite aux musul­mans de prier Allah afin d’être pro­tégés du virus. Le bul­letin l’indique : le covid-19 est une oppor­tu­nité pour chaque musul­man afin de repren­dre le chemin de la prière, de recon­naître la peur du châ­ti­ment divin et de réfléchir sur la faib­lesse humaine, com­par­a­tive­ment à la grandeur d’Allah.

Anti-chiisme

Ce même « châ­ti­ment divin » est invo­qué à l’égard de l’Iran et donc du chi­isme. Dans Al-Naba, l’EI s’est réjoui de l’épidémie en Iran, moquant le fait que l’une des villes saintes du chi­isme serait hypothé­tique­ment dev­enue l’épicentre du virus. Le bul­letin se moque du fait que les lieux saints soient inter­dits pour « cause de mal­adie ». Il y a un « jour­nal­iste » de ce bul­letin qui manie l’ironie. L’article va plus loin, évo­quant le « poly­théisme » des chiites.

Con­cer­nant le reste du monde, l’EI con­sid­ère que les musul­mans qui meurent de mal­adies telles que le covid-19 sont des mar­tyrs. Cela ne vaut pas pour les Iraniens, plutôt appelés à faire amende hon­or­able en rejoignant « l’islam véri­ta­ble ». Ici aus­si, l’État islamique compte sur « l’armée d’Allah », autrement dit le virus.

The Diplo­mat nous informe pré­cisé­ment : il est dans le monde des indi­vidus qui sont heureux de la pandémie, du moment qu’elle ne touche pas leurs sem­blables. Ces indi­vidus tou­jours act­ifs et béné­fi­ciant encore d’un espace, même si forte­ment réduit, dif­fusent de la pro­pa­gande, un « média » sur lequel les gou­verne­ments occi­den­taux devraient plus se con­cen­tr­er que sur les médias alter­nat­ifs qu’ils envis­agent de réduire dans leurs con­trées. D’autant que les « médias » de l’EI atteignent les ban­lieues français­es — d’où prove­naient plus de 30 % des com­bat­tants récents du ter­ror­isme de l’EI issus d’autres pays que des pays musul­mans. Ban­lieues dont l’on sait actuelle­ment que l’autorité de la police, en matière de con­fine­ment, est mod­érée par ses chefs. Avant d’être un tueur, le ter­ror­iste de l’EI exerçant en Europe est sou­vent un deal­er de quarti­er ou une petite frappe. Du genre à pren­dre la pro­pa­gande du bul­letin heb­do­madaire de l’EI à la lettre.