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Laurent Joffrin : retour vers le futur avec Le Journal

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20 avril 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Laurent Joffrin : retour vers le futur avec Le Journal

Laurent Joffrin : retour vers le futur avec Le Journal

Temps de lecture : 4 minutes

Après un passage raté en politique, l’ancien directeur de la rédaction et de la publication de Libération Laurent Joffrin refait une apparition dans le monde médiatique. Avec « Le Journal » il revient dans l’arène avec, à 70 ans, un sérieux risque de se gameller !

La quatrième voie de Laurent Joffrin

Mon­u­ment de la gauche jour­nal­is­tique, Lau­rent Jof­frin a de beaux restes. En dépit de l’échec cuisant du mou­ve­ment poli­tique qu’il a ten­té de lancer en 2020 « engagé.e.s », le sep­tu­agé­naire fait encore par­ler de lui à la télévi­sion notam­ment sur CNews et donc sur les réseaux soci­aux. Son par­ti poli­tique qui s’apparente plus à une cab­ine télé­phonique et qui n’a jamais pesé sem­ble déjà appartenir au passé. Mal­heureux en poli­tique, heureux en média ? L’histoire le dira mais la mis­sion s’annonce d’ores et déjà com­pliquée et Lau­rent Jof­frin a lui-même déjà don­né sa feuille de route : lancer un média en ligne affir­mant une voix de gauche réformiste face à trois blocs con­sid­érés comme des dan­gers : « l’extrême droite nation­al­iste », « la tech­nocratie ver­ti­cale macro­niste », « le pop­ulisme de gauche ». Élec­torale­ment par­lante, cette qua­trième voie avait un vis­age en 2022, celui d’Anne Hidal­go avec le suc­cès que l’on connait.

Un ancrage politique à gauche

Si nom­bre de nou­veaux médias revendiquent une cer­taine objec­tiv­ité, à l’image de Factuel, Lau­rent Jof­frin, lui, entend claire­ment mon­ter un média ancré à gauche. Il con­state dans Libéra­tion : « La gauche est paralysée, intimidée, prise en otage par les oukas­es de la France insoumise. ». Le jour­nal­iste dit ain­si vouloir revenir aux valeurs fon­da­tri­ces de la gauche. Défenseur de la laïc­ité, opposé à la « can­cel cul­ture », il pour­rait emprunter un chemin proche de celui de Franc-tireur mais dans une ver­sion plus gauchère. C’est le posi­tion­nement anti-Nupes qui sem­ble cepen­dant être la mar­que de fab­rique que paraît vouloir imprimer Le Jour­nal, si on s’en tient aux petites piques envoyées en direc­tion des Insoumis et des pub­li­ca­tions des « engagé.e.s ». Aux côtés de Lau­rent Jof­frin on retrou­ve néan­moins un pro­fil moins « engagé » en la per­son­ne de Jean-Paul Mari, reporter, réal­isa­teur et écrivain.

Un format numérique et une lettre

Pas fou, Le Jour­nal ne se lance pas dans le papi­er mais s’en tient à un quo­ti­di­en numérique dou­blé d’une let­tre poli­tique pub­liée sur la plate­forme Kessel et envoyée tous les jours aux abonnés.

À grand ren­fort d’anaphores, dans un style très « hol­lan­di­en » le jour­nal se décrit comme écologique, libre, engagé… Pas avare non plus en for­mules toutes faites, il se donne pour devise « On peut être de gauche et avoir une bonne droite ». La let­tre poli­tique quo­ti­di­enne est com­posée de l’éditorial de Lau­rent Jof­frin, des trois prin­ci­pales infor­ma­tions du jour et de réflex­ions « polémiques » sur l’actualité.

Il sera com­pliqué pour ce média d’exister séparé­ment de l’encombrante per­son­nal­ité de Jof­frin qui affirme pour­tant que Le Jour­nal se veut « capa­ble de manier l’humour et de penser con­tre lui-même ». Économique­ment, le média mise sur la plate­forme Kessel chargée de moné­tis­er l’audience, une audi­ence que Jof­frin estime « rel­a­tive­ment diplômée ».

Une fenêtre de tir très étroite

Dif­fi­cile pour l’heure de rire en lisant les pre­miers arti­cles. On relèvera un for­mat éton­nant fait de bande-dess­inée sur MBS. Quant à Jean-Paul Mari, il s’est essayé à un petit papi­er sur la ques­tion de la novlangue mais le texte est indi­geste. Côté cul­ture, on retrou­ve une ligne très proche de Franc-tireur.

Le Jour­nal peine glob­ale­ment à con­va­in­cre et il est dif­fi­cile de percevoir l’apport de ce site en com­para­i­son à ses con­cur­rents si ce n’est l’éclairage de Lau­rent Jof­frin. Le pro­jet « né d’une sorte de colère » pour­rait bien tourn­er court et le site était déjà mal géré dès la deux­ième semaine d’existence. Mis en ligne le mer­cre­di 12 avril 2023, il était tou­jours indiqué « semaine du 10 avril » huit jours plus tard, la semaine du 17 avril donc…

Un échec assuré ?

La ligne poli­tique défendue par Lau­rent Jof­frin est com­préhen­si­ble. Il s’agit d’une ligne sociale-démoc­rate qui aujourd’hui est inaudi­ble à gauche. Son prin­ci­pal porte-parole est l’insipide ancien Pre­mier min­istre de François Hol­lande, Bernard Cazeneuve et élec­torale­ment son retour reste sus­pendu à un hypothé­tique effon­drement du cen­tre macro­niste et à un éclate­ment de la Nupes… Beau­coup de con­di­tions donc ! Le Jour­nal de Jof­frin sem­ble lui s’embarquer dans une voie sans issue. Et si le jour­nal­iste a un con­stat lucide sur le niveau du débat poli­tique (« On n’est jamais tombé aus­si bas qu’aujourd’hui » ; « Le débat pub­lic est en pleine régres­sion »), il n’a en revanche pas vrai­ment su trou­ver la for­mule pour tir­er ce débat vers le haut.

Voir aus­si : Lau­rent Joffrin