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Jean-Michel Aphatie, approximations, mensonges et vidéo

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2 août 2018

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Jean-Michel Aphatie, approximations, mensonges et vidéo

Jean-Michel Aphatie, approximations, mensonges et vidéo

Temps de lecture : 7 minutes

Red­if­fu­sion. Pre­mière dif­fu­sion le 4 juil­let 2018

Quand il reçoit un élu de droite, Jean-Michel Aphatie cesse d’être journaliste pour devenir ce qu’il est réellement, un militant : le fait est connu. Il s’est cependant surpassé en cette dernière semaine de fin juin 2018.

Jean-Michel Aphatie n’est pas un per­dreau jour­nal­iste de l’année, il approche même plutôt de la retraite. On ne compte plus le nom­bre d’années où le faux jour­nal­iste écume les plateaux de télévi­sion et les stu­dios de radio, par­fois dans le privé, d’autres fois payé par l’État, comme actuelle­ment sur Fran­ce­in­fo durant la mati­nale. C’est le « 8 h 30 Tou­s­saint Aphatie » qui devient chaque jour un peu plus une tri­bune idéologique où le statut de jour­nal­iste des ani­ma­teurs est depuis belle lurette passé à la trappe. Fin juin 2018, l’émission, car­i­cat­u­rale en règle générale, est dev­enue encore pire : la car­i­ca­ture d’elle-même.

Aphatie, c’est le gars de la Marine

Jean-Michel Aphatie n’est jamais aus­si mil­i­tant que lorsqu’il reçoit Marine Le Pen, exer­ci­ce au cours duquel le pseu­do jour­nal­iste est per­suadé de con­duire une avant-garde con­tre la fameuse « bête immonde ». Aphatie, c’est vrai­ment le gars de la Marine, et cela s’est con­fir­mé le 25 juin 2018. Une émis­sion tout en ten­ta­tives de manip­u­la­tion, morgue et détes­ta­tion à peine ren­trée. Quelques exem­ples, sans exhaustivité :

  • Marine Le Pen, respon­s­able poli­tique, répond à une ques­tion du jour­nal­iste au sujet de l’efficacité pos­si­ble ou non des som­mets à venir de l’UE con­cer­nant l’immigration. Elle prononce ces mots : « L’Union Européenne souhaite qu’il y ait une immi­gra­tion forte ». Ce qui est un fait, et une volon­té exprimée à maintes repris­es par nom­bre de respon­s­ables poli­tiques de l’UE, élus ou non. C’est aus­si une analyse et un con­seil issus de travaux de l’ONU. Inter­ven­tion immé­di­ate d’Aphatie qui, dès la pre­mière minute, revêt sa cas­quette mil­i­tante : « Souhaitée ? C’est pas une immi­gra­tion souhaitée (l’air inno­cent). Les flux migra­toires qui vien­nent d’Afrique, per­son­ne ne les souhaite ». Il est aisé d’imaginer le vis­age sur­pris de la majeure par­tie des audi­teurs. L’invitée répond que si, Aphatie inter­vient : « Ah bon ? ».
  • Le sujet est cen­tral pour Aphatie, inter­na­tion­al­iste ten­dance années 60. Son invitée indique les argu­ments de l’UE en faveur de l’immigration, argu­ments qui sont pronon­cés par divers com­mis­saires européens et repren­nent sim­ple­ment le rap­port de l’ONU cité plus haut. Rien de cela ne tient selon le mil­i­tant payé par la radio d’État (et par vous) : « Tous ces gens qui sont enfer­més en Libye pen­dant des mois, avant de par­tir sur des radeaux de for­tune, per­son­ne ne souhaite ça. Per­son­ne, on ne peut pas dire ça… c’est très curieux ça ». Aphatie insiste en met­tant en scène le mélo­drame, évo­quant les « souf­frances » (réelles). Son invitée explique que cer­taines ONG jouent un jeu trou­ble : là, Aphatie n’intervient pas.
  • Marine Le Pen explique en quoi la sup­pres­sion des fron­tières ain­si que les gou­verne­ments en place depuis 30 ans sont les pre­miers respon­s­ables de la sit­u­a­tion actuelle. Aphatie n’intervient pas car… il n’écoute pas (4’) et sem­ble chercher un argu­ment pour attein­dre son objec­tif dans cet entre­tien : le mil­i­tant voudrait faire accroire que Marie Le Pen ne serait pas « human­iste ». Il relance alors au sujet du Life­line, navire en attente d’un port. « Il y a 239 per­son­nes à bord, des femmes des enfants, qu’est-ce qu’on fait ? ». Aphatie se garde d’indiquer le très faible nom­bre de femmes et d’enfants. L’invitée indique qu’ils doivent être ramenés en Libye. Aphatie con­sid­ère que les ramen­er en Libye con­siste à les met­tre en insécu­rité : « Le pas­sage en Libye est sou­vent épou­vantable ». Aphatie n’écoute à aucun moment aucun argu­ment, con­sid­érant que la respon­s­abil­ité de la sit­u­a­tion ne viendrait pas des gou­ver­nants actuels mais plutôt de ceux qui… n’exercent pas le pou­voir, les populistes.
  • Inter­ven­tion intéres­sante de Bruce Tou­s­saint, qui, lui, souhaite savoir ce que Marine Le Pen entend quand elle met en cause les ONG. Il s’agit de met­tre en doute la cri­tique portée con­tre l’ONG agis­sant avec ce navire. Une inter­ven­tion d’autant plus savoureuse que… le jeu­di 28 juin suiv­ant le prési­dent de la République Emmanuel Macron portera exacte­ment la même cri­tique lors de sa vis­ite au Vat­i­can, cette même cri­tique qui, lun­di 25 juin, sem­ble fas­cisante pour Tou­s­saint et Aphatie. Fas­cisante et « fausse ».
  • À 6’45, Aphatie tente une sor­tie avec un graphique, mon­trant que « Le pic de cette immi­gra­tion mas­sive a été atteint en 2015 (…) Les chiffres ont con­sid­érable­ment été réduits ». L’auditeur a un peu du mal à y croire, se deman­dant un instant si le réel des rues cor­re­spond à celui dans lequel Aphatie passe ses journées. Marine Le Pen con­teste, indi­quant qu’il y a énor­mé­ment de « pres­sion », ce que con­firmera le prési­dent de la République en fin de semaine en employ­ant exacte­ment les mêmes mots. Surtout, le 26 juin 2018, les chiffres de la CIMADE tombent : la France a accueil­li qua­tre fois plus de migrants en 2017 qu’en 2015. Le con­traire des pro­pos du jour­nal­iste, lequel s’en moque puisque son objec­tif n’est ni la vérité ni le réel mais le dén­i­gre­ment de son invitée, et des idées qu’elle défend.
  • À la ques­tion « Pourquoi en Europe ? », au sujet du lieu d’accueil des bateaux, et « pourquoi pas la Tunisie », Aphatie et Tou­s­saint ne répon­dent pas. Aphatie vise ailleurs : Salvi­ni et les méchants de droite ital­iens. Salvi­ni serait « respon­s­able de la tem­pête qui sec­oue l’Europe ». Aphatie par­le d’un « mou­ve­ment nation­al­iste », Marine Le Pen répond « sou­verain­iste », Aphatie mime que le choix des mots serait sans impor­tance. C’est oubli­er le fameux « le nation­al­isme c’est la guerre », ressor­ti à toutes les sauces élec­torales. « C’est votre ami ? ». Réponse : « Oui, c’est mon ami ». Le manip­u­la­teur est sat­is­fait : « On peut l’écouter ». C’est son but, depuis plus de vingt ans : mon­tr­er que ses adver­saires poli­tiques, en tant que mil­i­tant masqué en jour­nal­iste, auraient des amis infréquenta­bles. Extrait de Salvi­ni : « on a besoin d’un net­toy­age de masse ». Aphatie : « Il est un peu raciste, Salvi­ni ». L’auditeur attend ici que Aphatie fasse état, en tant que jour­nal­iste, d’un fait, par exem­ple d’une déci­sion de jus­tice, accrédi­tant ce qu’il dit en tant que jour­nal­iste (car il est jour­nal­iste et non invité en cette émis­sion). Mais non. Manip­u­la­tion ? Aphatie n’a pas indiqué le con­texte de cette phrase, laque­lle évo­quait la manière dont la mafia prospère sur la mis­ère des migrants. Aphatie : « il prospère sur la peur des étrangers », autrement dit il serait xénophobe.
  • Extrait de Macron ensuite, évo­quant « la lèpre » au sujet des poli­tiques pop­ulistes en Europe et de leurs électeurs. Aphatie ne s’offusque pas de la vio­lence de ce mot. Plus avant : évo­quant la Pologne, Aphatie indique que ce pays « prend tout ce qu’il veut mais ne donne rien ». Suit un ricane­ment. Comme si un pays devait naturelle­ment accepter des clan­des­tins sur son territoire.
  • Le moment est alors celui de « l’ultra droite », un groupe de dix mem­bres arrêtés dimanche 24 juin. « Des gens qui pour­raient s’en pren­dre à des musul­mans sur le ter­ri­toire français ». Son invitée se félicite que le ter­ror­isme sous toutes ses formes, y com­pris celui-là soit com­bat­tu. Aphatie ayant l’ambition d’amalgamer le par­ti poli­tique de son invitée avec des per­son­nes telles que celles arrêtées insiste : « Ultra droite ? C’est un qual­i­fi­catif que vous com­prenez ? Vous n’avez pas grand-chose à voir avec l’ultra droite ? (…) Par­fois, on dit qu’il y a des courants iden­ti­taires dont vous pou­vez être proches, avec des gens tra­vail­lant pour vous ? Des gens avec qui vous pou­vez tra­vailler qui ont eu dans le passé des engage­ments dans l’ultra droite ?». Son invitée lui demande de ne pas faire d’amalgame et de ne pas sug­gér­er de lien entre les per­son­nes arrêtées et des mem­bres de son parti.

Une émis­sion sournoise­ment à charge où le mil­i­tant Aphatie tente de piéger son invitée pour l’amalgamer à cette « lèpre » évo­quée par le prési­dent de la République. Une émis­sion et des pra­tiques dev­enues hors sol tant ce qui men­ace réelle­ment l’Europe (immi­gra­tion mas­sive, islami­sa­tion, ter­ror­isme et meurtres sauvages d’européens, et sin­gulière­ment de Français) sem­ble pass­er très au-dessus de la tête du mil­i­tant. Au point qu’Aphatie ne se rend pas compte de ce qui est vrai­ment choquant. Il par­le de l’entrée de Simone Veil au Pan­théon, tente de piéger son invitée au sujet de l’avortement, mais ne se choque pas de ce qu’elle annonce : bien que chef d’un mou­ve­ment poli­tique représen­tant env­i­ron 20 à 25 % des électeurs, elle n’est pas invitée pour la céré­monie au Panthéon.