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Ingérences étrangères dans les médias : des soupçons aux faits

31 mars 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Ingérences étrangères dans les médias : des soupçons aux faits

Temps de lecture : 5 minutes

Mise en lumière par les soupçons pesant sur le journaliste de BFMTV Rachid M’Barki, l’existence supposée d’ingérences étrangères au sein des officines de presse française a engendré la création d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale visant à en déterminer la nature. Retour sur les origines de l’affaire qui a soulevé la suspicion…

Aux origines du doute : un soupçon d’ingérence marocaine

C’est au début du mois de févri­er 2023 que le mag­a­zine Politi­co révèle les Soupçons d’ingérence [qui plan­eraient] à BFM. Au cœur de l’affaire, le jour­nal­iste Rachid M’Barki, qui sera licen­cié à la fin du même mois, fait l’objet d’une enquête interne pour avoir eu recours à des infor­ma­tions délivrées par un tiers et dont la dif­fu­sion dans son Jour­nal de la nuit n’aurait pas fait l’objet des val­i­da­tions par l’intermédiaire des « cir­cuits de val­i­da­tion habituels » de la chaîne. À en croire Politi­co, c’est d’abord à une influ­ence étrangère maro­caine vers laque­lle se serait laiss­er ori­en­ter le présen­ta­teur : l’utilisation du terme de « Sahara maro­cain », alors même que le gou­verne­ment français aspir­erait à la neu­tral­ité sur ce ter­ri­toire dis­puté entre le Maroc et l’Algérie, a soulevé la sus­pi­cion des médias français qui n’a pas tardé à faire éta­lage de l’affection portée par le jour­nal­iste à son pays d’origine. Si l’intéressé s’est large­ment défendu d’être « un petit télé­graphiste » au ser­vice d’une nation qu’il qual­i­fie de « grand pays, sou­verain, et qui n’a besoin de per­son­ne pour défendre ses intérêts », la défi­ance à son égard a égale­ment été soulevée par une enquête, « Sto­ry killers : au cœur de l’industrie mortelle de la dés­in­for­ma­tion », menée par le « con­sor­tium » For­bid­den Sto­ries avec le sou­tien de médias français.

Des enquêteurs… sous influence ?

Avant de s’intéresser à l’enquête à l’origine de telles révéla­tions, il con­vient de se pencher sur ses auteurs. For­bid­den sto­ries, « pro­jet à but non lucratif », entendrait « faire vivre le tra­vail des reporters men­acés, empris­on­nés ou assas­s­inés et de s’assurer qu’un max­i­mum de per­son­nes ait accès à une infor­ma­tion indépen­dante sur des sujets aus­si impor­tants que l’environnement, la san­té, les droits de l’Homme ou la cor­rup­tion ». Une per­spec­tive généreuse, défendue finan­cière­ment par des « organ­ismes phil­an­thropiques » et les dons du pub­lic. Par­mi ces insti­tu­tions, l’américaine Nation­al Endow­ment for Democ­ra­cy, l’Open Soci­ety Foun­da­tions  de Georges Soros ou la cal­i­forni­enne Skoll Foun­da­tion lais­sent peu de doutes sur le fait que les financeurs de telles enquêtes ne défendront pas les gou­verne­ments jugés par les puis­sances occi­den­tales comme non démoc­ra­tiques, à l’image de l’Iran ou de la Russie. Si cette struc­ture déclare « qu’aucun dona­teur ni aucune insti­tu­tion n’influence le tra­vail jour­nal­is­tique de For­bid­den Sto­ries », il appa­raît néan­moins peu prob­a­ble qu’un tel con­sor­tium décide par exem­ple de men­er l’enquête, par exem­ple, sur les réseaux de Georges Soros au sein du Par­lement européen au risque de se voir retir­er leurs finance­ments. Exal­ter une absence totale d’influence relève dès lors de la gageure.

Une officine israélienne à la manœuvre

L’enquête de For­bid­den sto­ries à l’origine de la chute de Rachid M’Barki (licen­cié le 23 févri­er dernier) vise un domaine plus large : dans son enquête à plusieurs volets, Sto­ry Killers, For­bid­den sto­ries fait état d’institutions ven­dant des ser­vices d’influences, au ser­vice d’une véri­ta­ble « indus­trie », selon les rédac­teurs, des­tinée à « manip­uler les médias et l’opinion publique, aux dépens de l’information et de la démoc­ra­tie ». S’intéressant tout par­ti­c­ulière­ment à un vendeur d’influence israélien qui se fait prénom­mer « Jorge », les jour­nal­istes du Con­sor­tium évo­quent la manière dont celui-ci se serait van­té de dif­fuser des infor­ma­tions pour le compte de clients et d’avoir œuvré sur « trente-trois cam­pagnes prési­den­tielles, dont vingt-sept ont été couron­nées de suc­cès ». L’enquête racon­te enfin com­ment le jour­nal­iste de BFMTV se serait fait l’écho, par l’intermédiaire d’un « mer­ce­naire de l’information » (Jean-Pierre Duthion) au ser­vice de ce genre d’agences, d’informations influ­encées. C’est Frédéric Métézeau, jour­nal­iste à Radio France enquê­tant alors pour les Sto­ry Killers qui fera part au directeur de la chaîne Marc-Olivi­er Fogiel de ses soupçons sur son col­lègue du jour­nal de la nuit.

« Team Jorge » : un instrument d’influence efficace

Située à Modi’in, près de Tel-Aviv, l’équipe de « Jorge », que les médias enquê­teurs dénom­ment « Team Jorge », pro­pose tout un pan­el de ser­vices pas­sant du piratage de l’information à la créa­tion de faux comptes sur les réseaux soci­aux comme le place­ment auprès de médias de séquences ou d’articles. La fameuse équipe, selon For­bid­den sto­ries, serait essen­tielle­ment com­posée d’anciens du ren­seigne­ment israélien. Si l’on en croit les reporters, une telle pub­li­ca­tion « peut être fac­turée 20 000 euros au client, dont 3 000 seraient rever­sés en espèces au jour­nal­iste en bout de chaîne », explique France Info. Si, pour l’heure, Rachid M’Barki a nié (sous ser­ment) avoir été payé pour dif­fuser une quel­conque infor­ma­tion, Marc-Olivi­er Fogiel, PDG de BFMTV, a annon­cé le lende­main de l’audition du sus­pect devant les députés de la com­mis­sion d’enquête que l’intermédiaire « Duthion a[vait] essayé de con­tac­ter d’autres jour­nal­istes de BFMTV après le départ de Rachid M’Barki […] pour leur pro­pos­er d’autres types d’informations […]  qui n’ont pas retenu leur intérêt […] À l’un (des jour­nal­istes) a été pro­posée une rétri­bu­tion à ce moment-là ». L’enquête reste donc ouverte…

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