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Accueil | Veille médias | INA Global : « un autre regard sur les médias »

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31 août 2014

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | INA Global : « un autre regard sur les médias »

INA Global : « un autre regard sur les médias »

Temps de lecture : 7 minutes

L’Institut National de l’Audiovisuel, entreprise publique culturelle de l’audiovisuel chargée de la sauvegarde, de la valorisation et de la transmission de notre patrimoine audiovisuel et financé par la redevance, a lancé en mars dernier une revue papier, INA Global. Celle-ci fait écho à la revue numérique éponyme (www.inaglobal.fr) qui prend petit à petit sa place sur la toile depuis 2010. Analyse des deux premiers numéros et de son positionnement.

L’aven­ture INA Glob­al débute avec le lance­ment du site en 2010. Elle se donne pour mis­sion d’être la revue des indus­tries créa­tives et des médias, de décrypter leur fonc­tion­nement et de cou­vrir, tou­jours avec du recul, leur actu­al­ité. Grâce à un réseau inter­na­tion­al de 400 experts, la revue numérique trou­ve peu à peu un pub­lic jeune (plus de 70% des lecteurs ont moins de 34 ans), des étu­di­ants ou des act­ifs, chercheurs, enseignants et pro­fes­sion­nels des indus­tries con­cernées. « Nous sommes par­ti­c­ulière­ment bien placés pour observ­er ce qui se pro­duit dans les médias, puisque l’I­NA col­lecte l’ensem­ble des con­tenus médi­a­tiques », jus­ti­fie François Quiton, respon­s­able édi­to­r­i­al de la revue.

Positionnement

INA Global n°1

INA Glob­al n°1

Fort de cette posi­tion de car­refour, l’en­tre­prise lance donc une for­mule papi­er, notam­ment pour touch­er un pub­lic plus âgé. Elle ne con­cerne que les médias, délais­sant les indus­tries créa­tives et s’adresse d’ailleurs directe­ment à ses pro­fes­sion­nels : « les médias sont partout […] il est donc urgent de réfléchir à nos métiers » peut-on lire dans l’édi­to du pre­mier numéro. Mais mise en vente en librairie, elle peut théorique­ment être lue par tous. Quant au cre­do, c’est le même que pour le site : « nous voulons tra­vailler sur le temps long, chercher le recul et don­ner de la per­spec­tive à l’ac­tu­al­ité, que nous ne com­men­tons donc pas à chaud », comme l’ex­pli­quait Math­ieu Gal­let, alors à la tête de l’INA.

Cette revue trimestrielle n’est pas vrai­ment un mag­a­zine, mais un « mooc », ce nou­veau for­mat hybride, à mi-chemin entre le livre et le mag­a­zine, de la taille d’une tablette et qui a voca­tion à rester dans une bib­lio­thèque. Dense, d’un très bon niveau intel­lectuel, il fait inter­venir de nom­breux experts et jour­nal­istes, leur don­nant la place pour dévelop­per leurs pro­pos. Nous vous pro­posons une analyse suc­cincte des deux pre­miers numéros, sor­tis en mars et juin dernier.

Des points de vue

D’abord la pre­mière par­tie, à nos yeux la plus mit­igée, celle de cour­tes inter­ven­tions, où des auteurs don­nent leurs avis. Cer­tains ne sont pas très orig­in­aux, d’autres sont intéres­sants, tel cet aveu dont l’Ojim se fait régulière­ment l’écho : « les 14 écoles de jour­nal­isme recon­nus par les pro­fes­sion­nels de la pro­fes­sion encour­a­gent par leur con­formisme, la repro­duc­tion du sys­tème et de ses out­ils for­matés ». D’autres, moral­istes, tombent comme un cheveu sur la soupe dans cette revue s’in­téres­sant plus à l’in­fra­struc­ture des médias qu’à leur super­struc­ture. On se demande donc un peu ce que font le bil­let de Xavier de La Porte sur le point God­win ou celui d’O­livi­er Wick­ers sur « des jour­nal­istes impuis­sants face au Front ». D’autres mis­es au point sont en revanche beau­coup plus à pro­pos, tel le cas d’I­gna­cio Cem­brero, jour­nal­iste espag­nol qui a démis­sion­né d’El Pais après sa mise au plac­ard pour un arti­cle qui n’a pas plu au Maroc.

Un dossier pluridisciplinaire

Clas­sique­ment, chaque numéro com­porte un dossier. Par­ti­c­ulière­ment intéres­sants, fouil­lés, ils valent vrai­ment la peine d’être lus. « Écran(s) mon amour » et « Temps poli­tique, temps médi­a­tique » analy­sent avec per­ti­nence les aspects his­torique, économique, socié­tal, tech­nologique, philosophique et bien sûr numérique, de ces thèmes sur nos vies.

Ils s’adressent par con­tre à un pub­lic aver­ti et cul­tivé, les auteurs étant tous ultra spé­cial­isés dans leur domaine. Dans le pre­mier numéro, l’his­toire de la chaîne d’Al Jazeera est pas­sion­nante, mais néces­site une bonne con­nais­sance de l’his­toire et de l’ac­tu­al­ité du Proche et Moyen Ori­ent. L’au­teur, Gilles Kepel, démon­tre à quel point Al Jazeera a été créé dans un clair but de pro­pa­gande. Par exten­sion, cela pose évidem­ment la ques­tion de savoir d’où par­lent les autres médias. Il explique égale­ment com­ment la chaîne qatarie, non con­tente d’avoir con­tribué au déclenche­ment des révo­lu­tions arabes, les ont placées dans les mains des Frères Musul­mans qui ne les avaient pas ini­tiées. Et com­ment le dis­crédit de cette mou­vance islamiste se réper­cute à son tour sur la chaîne…

Le dossier du deux­ième numéro sur les temps poli­tique et médi­a­tique com­porte égale­ment quelques excel­lents arti­cles. Notam­ment celui de Jacques Ger­stlé sur le cou­ple infor­ma­tion-com­mu­ni­ca­tion, se ter­mi­nant par « aujour­d’hui c’est un fait, les straté­gies d’in­for­ma­tion peu­vent s’avér­er plus influ­entes que les straté­gies de com­mu­ni­ca­tion con­trôlée ». Une con­clu­sion qui pose bien des ques­tions, car s’il y a stratégie d’in­for­ma­tion, c’est qu’il y a un but à attein­dre en délivrant ou pas l’in­for­ma­tion. Quel est-il ? De qui éma­nent les choix de cette stratégie ?

Le dossier évoque aus­si les jour­nal­istes à l’époque de Twit­ter et du temps court. L’in­ter­view de Franck Lou­vri­er, con­seiller pen­dant 15 ans de Nico­las Sarkozy pro­pose un excel­lent éclairage sur les rap­ports entre médias, com­mu­ni­ca­tion et poli­tique pour finale­ment expli­quer com­ment le numérique, les chaînes d’in­for­ma­tions en con­tinu et les réseaux soci­aux impactent nos insti­tu­tions et nos modes de vies.

INA Global n°2

INA Glob­al n°2

À ne pas man­quer égale­ment le pas­sion­nant arti­cle d’Yves Cit­ton, qui instau­re, en 11 principes, les médias comme fait poli­tique. Selon l’au­teur, il est temps d’ac­cepter que nous ne sommes pas dans une démoc­ra­tie, mais dans une médi­archie. Il dis­tingue notam­ment le peu­ple des publics, relate la course à la syn­chro­ni­sa­tion entre le moment où l’in­for­ma­tion est émise et celui où elle est reçue, course que nous entre­prenons depuis le XVIIIème siè­cle. Et développe la capac­ité d’at­tente comme moyen d’ac­tion au sein de la médi­archie, afin de sus­citer quelque peu de « médianarchie ».

Photos

Un impor­tant port­fo­lio orne chaque numéro, avec quelques lignes de leur auteur pour expli­quer le con­texte des pho­tos et sa démarche au moment de les pren­dre. Le pho­tore­porter Ammar Abd Rab­bo expose ain­si son intéres­sant point de vue sur « la presse kalach­nikov », cette presse qui ne s’in­téresse qu’à des clichés de com­bats pour illus­tr­er et par­ler de la guerre, alors que tant d’autres dimen­sions pour­raient êtres abordées.

Entretiens

La revue offre aus­si l’oc­ca­sion à des per­son­nal­ités de s’ex­primer. Bernard Stiegler expose par exem­ple le rôle des puis­sances publiques dans le développe­ment du net, qui n’est absol­u­ment pas anodin. Les géants Face­book, Google et Ama­zon, ont ain­si béné­fi­cié de la volon­té tenace du gou­verne­ment améri­cain de les favoris­er et de les soutenir. Une démarche qu’est loin d’adopter l’Union Européenne. D’autres inter­views sont moins lumineuses, celle de Bruno Latour con­cer­nant le média comme mode d’ex­is­tence se lit ain­si difficilement.

Conclusion

Une revue qui a l’énorme avan­tage du mooc : elle laisse la place à une idée pour s’ex­primer. Ammar Abd Rab­bo remar­que d’ailleurs dans le pre­mier numéro que l’in­for­ma­tion spé­cial­isé, fouil­lée et per­ti­nente ne se trou­ve plus que dans une presse sélec­tive et éli­tiste, type XXI. C’est en effet ces mooc qui sor­tent de la boucle habituelle de la presse, pren­nent du recul et livrent des infor­ma­tions pas­sion­nantes, aux­quels le pub­lic adhère. L’INA Glob­al est à lire donc, pour les fon­dus du fait médiatique.

Crédit pho­to : page Face­book INA Glob­al (DR)