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Écoles de journalisme : l’ESJ Lille, école supérieure de formatage

28 juillet 2023

Temps de lecture : 6 minutes
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Écoles de journalisme : l’ESJ Lille, école supérieure de formatage

Temps de lecture : 6 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 4 avril 2023

Nous commençons une série d’articles sur les 14 écoles de journalisme reconnues par la profession. À tout seigneur tout honneur, la première sera l’École Supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille, une des plus sectaires.

Une origine catholique

Fondée en 1924 par Paul Ver­shchave dans le giron des Fac­ultés Catholiques, l’ESJ est aujourd’hui l’une des écoles de for­ma­tion au jour­nal­isme les plus pres­tigieuses et « cotées » de France. Asso­ci­a­tion à but non lucratif, recon­nue par l’Etat, l’ESJ Lille est label­lisée « Étab­lisse­ment d’en­seigne­ment supérieur privé d’in­térêt général » (EESPIG). On y accède par un con­cours de niveau bac +3 organ­isé con­join­te­ment avec l’Institut d’Études Poli­tiques de Lille (Sci­ences Po Lille). L’ESJ fait par­tie des 14 écoles recon­nues par la Com­mis­sion par­i­taire nationale pour l’emploi des jour­nal­istes (CPNEJ), com­posée de représen­tants des patrons de presse et de syn­di­cats professionnels.

Respect de la doxa libérale libertaire

Si l’école, aujourd’hui dirigée par l’ancien jour­nal­iste de Radio France, Pierre Savary, est recon­nue au sein de la « pro­fes­sion » et dis­pose d’un car­net d’adresses flat­teur béné­fi­ciant à ses étu­di­ants, elle est égale­ment dev­enue, au cours de ces dernières années, le sym­bole du for­matage idéologique des appren­tis jour­nal­istes et le tem­ple du « poli­tique­ment cor­rect » le plus impec­ca­ble­ment sour­cilleux. Les 4500 diplômés issus de ses rangs ne risquent en effet pas de remet­tre en cause les dogmes du temps, ni de servir une infor­ma­tion sor­tant des sen­tiers bat­tus de la doxa libérale-libertaire.

Une « diversité » sans pluralisme politique

L’ESJ se veut, comme il se doit, à la pointe du com­bat pour l’inclusion et la « diver­sité » (pas des opin­ions ni des visions du monde, comme nous le ver­rons). C’est notam­ment pour cela qu’elle lance, en 2009, en col­lab­o­ra­tion avec le « Bondy blog », une « pré­pa égal­ité des chances », soutenue notam­ment par l’Agence nationale pour la cohé­sion des ter­ri­toires et la fon­da­tion Cul­ture & Diver­sité, sous l’égide de par­rains pres­tigieux tels que Marie Druck­er, David Pujadas, Car­ole Gaessler ou Fran­cis Letel­li­er. L’école se félicite aujourd’hui du fait que 85 % des élèves « de toutes orig­ines » issus de cette pré­pa­ra­tion gra­tu­ite tra­vail­lent dans des médias en France ou à l’étranger.

ENCADRE https://www.ojim.fr/pour-gilles-kepel-le-bondy-blog-est-dans-la-main-des-freres-musulmans/

La diver­sité tant van­tée ne se traduit cepen­dant pas dans les opin­ions poli­tiques des étu­di­ants de l’école qui affir­ment à 87% vot­er pour la gauche et l’extrême gauche (voir : https://www.ojim.fr/le-vote-des-journalistes-un-demi-secret-mal-garde/). Un pour­cent­age stal­in­ien en totale décon­nex­ion avec la soci­olo­gie élec­torale française. Pour la pré­ten­tion à la neu­tral­ité et à l’honnêteté, on pour­ra donc nour­rir quelques légitimes inquiétudes…

Ce bel una­n­imisme idéologique con­naît cepen­dant par­fois quelques petits ratés, comme à l’occasion d’accusations de har­cèle­ment visant cer­tains anciens élèves ou du psy­chodrame des « chants homo­phobes ».

Mauvaises blagues potaches ou harcèlement ?

Coup dur pour l’image policée et « bien­veil­lante » de l’ESJ, en 2017. En pleine explo­sion du phénomène « « Metoo », deux anciens élèves, Mar­tin Weill et Hugo Clé­ment, que le grand pub­lic con­naît pour leur par­tic­i­pa­tion au « Petit Jour­nal » puis au « Quo­ti­di­en » de Yann Barthès, sont accusés de « har­cèle­ment » envers d’anciens condis­ci­ples.  Les deux jour­nal­istes se seraient en effet ren­dus coupables d’appels télé­phoniques met­tant en scène de fauss­es propo­si­tions de recrute­ment, de dif­fu­sion de rumeurs diffam­a­toires et de pro­pos sex­istes. Les deux com­pères auraient même poussé l’abjection jusqu’à dif­fuser le titre musi­cal « La Zoubi­da » pour désta­bilis­er une de leur con­soeur d’origine maghrébine avant l’enregistrement d’un exer­ci­ce télévi­suel. Si les prin­ci­paux intéressés ont tou­jours nié les faits, et si aucune sanc­tion n’a été pronon­cée, ces dénon­ci­a­tions ont néan­moins écorné l’image de l’école et même con­duit Marc Capelle, le directeur à l’époque des faits (2012), à « présen­ter ses excus­es » pour son absence d’écoute suff­isante et de réac­tion adéquate.

Le drame des « chants homophobes »

En 2018, la tran­quil­lité bien-pen­sante de l’établissement est à nou­veau sec­ouée par le réc­it de cer­tains étu­di­ants affir­mant avoir été « choqués par des chants homo­phobes chan­tés par d’autres élèves, lors d’un déplace­ment pour un tournoi de foot­ball inter-écoles ». Stu­peur et tremblements !

L’É­cole ouvre alors une enquête sur ces « pro­pos anor­maux, tenus à l’ex­térieur de l’é­cole, dans un bus à l’occasion d’un week-end de cohé­sion ». Dans cet auto­car de l’horreur, un petit groupe d’étudiants, sans doute enivrés, auraient en effet enton­né des chants « homo­phobes et dis­crim­i­nants » comme de vul­gaires « sup­port­ers de foot » (hor­resco ref­er­ens!). Mal­gré le manque de détails et de pré­ci­sions sur les paroles incrim­inées, comme sur leurs auteurs, le directeur de l’école dénonce des « faits graves » qui « ne seront pas tolérés » car « même dans un tournoi inter-écoles, les étu­di­ants se doivent d’être exem­plaires, de défendre les valeurs de respect, de tolérance, que doit avoir un jour­nal­iste ».

Suite à cette ter­ri­ble affaire, l’ESJ a adop­té un plan visant à ren­forcer la lutte con­tre le har­cèle­ment. Une boite mail anonyme a notam­ment été mise à dis­po­si­tion des étu­di­ants pour alert­er un mem­bre du con­seil d’administration, afin de réaf­firmer « les valeurs de l’école et y associ­er une cer­taine intran­sigeance de la part de l’école quand ces valeurs ne sont pas respec­tées ».

Adhésion obligatoire au « corpus commun »

Mal­gré ces mal­heureux inci­dents, la con­for­mité idéologique est néan­moins très large­ment assurée au sein de l’établissement et mieux vaut ne pas envis­ager de stage ou de col­lab­o­ra­tion avec des jour­naux, revues ou médias sor­tant du cadre de la « bien­séance répub­li­caine » – même des brûlots aus­si rad­i­caux et fac­tieux que « Famille Chré­ti­enne » sont sus­pects — sous peine d’être immé­di­ate­ment cat­a­logués comme « fas­ciste » (rien de moins !) et de voir son avenir lour­de­ment com­pro­mis. Ain­si, Lau­rent Ober­tone, l’auteur de « La France Orange mécanique », l’un des très rares étu­di­ants de l’ESJ a être sor­ti du cadre pour lequel il était pro­gram­mé, explique que « les écoles de jour­nal­isme offrent un pan­el tech­nique et méthodique de con­nais­sances à des indi­vidus pour la plu­part déjà for­matés. En tout cas idéologique­ment com­pat­i­bles avec ce milieu. Soit on adhère avec zèle à cette com­péti­tion morale, soit on divise par mille ses chances d’exister dans ce milieu ».

Petits soldats interchangeables

Si l’ESJ brille dans les classe­ments académiques, elle se dis­tingue égale­ment par sa par­faite con­for­mité aux exi­gences du temps, aux dik­tats qui sem­blent pré­val­oir dans son domaine d’activités et qui con­sis­tent à pro­duire à la chaîne des petits sol­dats inter­change­ables au ser­vice d’une infor­ma­tion corsetée, con­trôlée, aus­si asep­tisée qu’un menu Veg­an servi à la mairie de Grenoble.

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