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Attentat de Lyon : des médias très peu curieux

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2 juin 2019

Temps de lecture : 3 minutes
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Attentat de Lyon : des médias très peu curieux

Temps de lecture : 3 minutes

À la veille des élections européennes du 26 mai 2019, une bombe éclatait au centre de Lyon faisant une quinzaine de blessés, sans revendication. Une rapide enquête menée grâce aux caméras de vidéo-surveillance aboutissait à l’arrestation de Mohamed Hichem M., 24 ans, dont les prénoms seuls étaient connus et dont le patronyme restait inconnu au jeudi 30 mai, et même dans nombre de cas connu seulement sous les dénominations euphémisantes de « suspect » ou « d’étudiant ». Revue de presse.

Un anonymat parfait

Pour Le Figaro du 28 mai, on sig­nale « un étu­di­ant algérien de 24 ans, ancien étu­di­ant en infor­ma­tique. » Le terme « sus­pect » est employé six fois, on par­le de « jeune homme » mais on n’en saura pas plus ce jour là. Pour Le Point édi­tion dig­i­tale du 27 mai et du 28 mai, on en restera à « l’étudiant algérien », tout en assur­ant qu’ « aucun élé­ment ne le relie à la mou­vance islamiste rad­i­cale ». Tou­jours dans le même heb­do­madaire et tou­jours sous la sig­na­ture d’Aziz Zemouri le 29 mai « le prin­ci­pal sus­pect est passé aux aveux » mais « l’étudiant » demeur­era com­plète­ment anonyme. Même pudeur char­mante pour Ouest-France édi­tion papi­er du 29 mai qui ne con­sacre que quelques lignes à un « sus­pect peu loquace » dont on ne saura que fort peu de choses sinon qu’il s’agit d’un « algérien de 24 ans » alors que ses deux prénoms sont con­nus depuis plus de 48h.

Un demi-anonymat et un gamin sympathique

Libéra­tion du 27 mai titre « fin de traque pour le sus­pect, qui reste muet ». L’article par­le ensuite d’un étu­di­ant de 24 ans, Mohamed Hichem M. arrivé en France au sec­ond semes­tre 2017. Le Pro­grès de Lyon du 30 mai à beau se deman­der « qui est Mohamed Hichem M ? », nul ne con­naî­tra son patronyme, mais on appren­dra que ses par­ents et son frère, tous en sit­u­a­tion irrégulière, ont été enten­dus. Le Parisien du 28 mai a retrou­vé Islaam, un cama­rade d’Oran de Mohamed Hichem. Sans sur­prise ce dernier est un garçon adorable : « Hichem est comme mon frère. Il n’a jamais été vio­lent, tout le monde l’adore ici. Il est musul­man, fait la prière et le ramadan, mais n’est pas du tout un extrémiste… il ne ferait jamais de mal à quelqu’un ». On appren­dra toute­fois qu’il est en sit­u­a­tion irrégulière et vit de cours d’informatique don­nés sur internet.

Pour La Croix édi­tion dig­i­tale du 30 mai, on en restera à Mohamed Hichem M. un algérien de 24 ans mais on peut appren­dre que l’enquête « a mis en évi­dence des recherch­es sur inter­net rel­a­tives au dji­had et à la fab­ri­ca­tion d’engins explosifs ». Le Monde dig­i­tal du 29 mai à 10h41 ne par­le que « d’un homme de 24 ans » et il fau­dra atten­dre le 30 mai à 8h39 pour con­naître ses deux prénoms et l’initiale de son nom de famille, un garçon « plutôt agréable, servi­able, qui fai­sait du sport ». L’article pré­cise qu’il n’a jamais fréquen­té d’école infor­ma­tique en France, sans visa étu­di­ant et prof­i­tant de visas de court séjour.

Les prin­ci­paux médias analysés n’emploient que les prénoms alors que le nom de famille M. devrait être facile à iden­ti­fi­er avec une enquête rapi­de. Mieux (ou pire), cer­tains préfèrent éviter un trau­ma­tisme à leurs lecteurs en ne par­lant très vague­ment que d’un étu­di­ant ou bien d’un jeune homme. De mau­vais esprits ver­raient là une volon­té de cacher cer­taines infor­ma­tions pour de bonnes raisons (ou de mau­vais­es) demeurées cachées, un peu trop soigneusement.