L’émission « Signes des temps », animée par Marc Weitzmann sur France Culture, s’arrêtera fin juin 2025 après huit ans d’antenne. Cette décision suscite l’incompréhension et l’indignation de nombreux intellectuels, qui y voient une atteinte à la diversité des idées sur la radio publique.
Un espace de débat intellectuel
Depuis 2018, l’émission « Signes des temps », diffusée chaque dimanche sur France Culture, s’était imposée comme un espace rare de débat intellectuel et pluraliste. Animée par Marc Weitzmann, elle proposait une lecture de l’actualité originale dans le paysage de l’audiovisuel public, mêlant rigueur académique et une relative liberté de ton.
Pourtant, à la surprise générale, Radio France a décidé de ne pas reconduire ce programme à la rentrée 2025. Cette annonce, révélée en avril lors d’un entretien entre Marc Weitzmann et Émilie de Jong, directrice de France Culture arrivée aux manettes de la radio publique en avril 2023, a provoqué une vague d’indignation dans le monde intellectuel français.
Succès éditorial et d’audience
L’émission, qui réunissait en moyenne 223 000 auditeurs selon Médiamétrie, se distinguait par sa capacité à aborder assez sereinement des sujets polémique comme l’antisémitisme et les tensions géopolitiques, avec une approche résolument ouverte. Marc Weitzmann, écrivain et journaliste, y invitait des penseurs d’horizons divers, leur offrant un espace pour développer leurs idées sans céder aux simplifications ou aux dogmatismes. Cette liberté éditoriale, alliée à une sélection musicale audacieuse, conférait à « Signes des temps » une singularité qui en faisait, pour beaucoup, un « fleuron » de la radio publique.
Dans une tribune publiée par Le Point le 6 juin 2025, un collectif d’intellectuels, parmi lesquels Emmanuel Carrère, Leïla Slimani et Eva Illouz, a dénoncé une décision « arbitraire et aberrante ». Ces signataires soulignent que l’émission incarnait une exigence intellectuelle rare, capable de bousculer les certitudes tout en offrant un éclairage critique sur une actualité souvent opaque. Ils s’interrogent : comment justifier la suppression d’un programme qui allie qualité, pluralisme et pertinence ?
Choix éditorial opaque de France Culture
La direction de France Culture, quant à elle, invoque un « choix éditorial ». Selon Émilie de Jong, Signes des temps n’aurait pas su maintenir sa dynamique d’audience, avec une baisse de 10 % sur la dernière saison (223 000 auditeurs contre 253 000 l’année précédente). Pourtant, ces chiffres restent très honorables pour une émission exigeante, et la direction elle-même affirme que ses décisions ne sont pas guidées par l’audimat. Marc Weitzmann, de son côté, conteste cette justification : « Ils m’ont dit le contraire en m’annonçant la nouvelle », a‑t-il déclaré, dénoncant une certaine opacité dans les motivations réelles.
Doublon ou radicalisation de l’antenne ?
Certains observateurs, dont un salarié anonyme de Radio France cité par Le Point, avancent une autre hypothèse : l’émission ferait « doublon » avec Répliques, le programme d’Alain Finkielkraut. Mais cette explication semble fragile, tant les deux émissions diffèrent dans leur approche et leur ton. D’autres y voient une décision plus insidieuse, liée à la polarisation croissante du débat public.
Marc Weitzmann lui-même déplore une « radicalisation des positions » à France Culture, notamment depuis les événements du 7 octobre 2023 et l’élection de Donald Trump. Inviter des voix dissonantes, comme celles issues du « camp macroniste », serait devenu problématique, certains y voyant une intrusion d’idées jugées trop droitières pour un média qui n’a pas hésité à faire campagne contre le Rassemblement national.
Cette suppression intervient dans un contexte plus large de recomposition de la grille de France Culture mais aussi dans un contexte de chamboulement à gauche.
Radio France « mélenchonisé » ?
Le journal Marianne affirme même que « certains en interne y voient le signe d’une mélenchonisation des esprits au sein de la Maison ronde ».
Pour les défenseurs de « Signes des temps », l’arrêt de l’émission prive les auditeurs d’un espace essentiel pour décrypter l’époque sans se plier aux orthodoxies idéologiques. Alors que les dernières émissions, prévues jusqu’au 29 juin 2025, aborderont des sujets comme le conflit israélo-palestinien ou les dynamiques politiques aux États-Unis, nombreux sont ceux qui regrettent déjà la disparition de ce rendez-vous. La lettre ouverte adressée à Émilie de Jong et Sibyle Veil, présidente de Radio France, reste pour l’heure sans réponse.
Rodolphe Chalamel