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Lorànt Deutsch et la Bataille de l’Histoire dans les médias

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28 octobre 2013

Temps de lecture : 12 minutes
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Lorànt Deutsch et la Bataille de l’Histoire dans les médias

Temps de lecture : 12 minutes

Si l’Histoire a toujours été un enjeu politique majeur, l’« affaire Lorànt Deutsch » ravive les lignes de front au sein de la sphère médiatique.

Après l’incroyable suc­cès de Métronome (Michel Lafon), qui s’est ven­du à plus de deux mil­lions d’exemplaires et a été adap­té sur Arte pour attein­dre un record d’audience, Lorànt Deutsch a récidi­vé avec Hexa­gone (Michel Lafon), sor­ti le 26 sep­tem­bre dernier. Réu­til­isant le même procédé ludique, sur un ton tou­jours aus­si pas­sion­né, c’est cette fois-ci l’Histoire de France, après celle de Paris, que le comé­di­en évoque en suiv­ant les routes et les fleuves du pays, comme il avait eu recours aux sta­tions de métro pour racon­ter la cap­i­tale. Tiré à 220 000 exem­plaires, le livre est déjà en réim­pres­sion et s’annonce comme un nou­veau best-sell­er his­torique. Mais ce suc­cès, qui don­nerait lieu de se féliciter d’un tel regain d’intérêt pour l’Histoire chez nos conci­toyens, a surtout accouché d’une polémique. En effet, trois uni­ver­si­taires, William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, qui avaient déjà attaqué Métronome dans la presse et pub­lié en mars dernier un livre pam­phlé­taire : Les His­to­riens de garde (Inculte), remon­tent à l’assaut pour dénon­cer les méth­odes et, essen­tielle­ment, l’idéologie que Lorànt Deutsch véhiculerait à tra­vers ses livres. Les his­to­riens éten­dent leur cri­tique à la dif­fu­sion médi­a­tique de l’Histoire. Leur thèse : Béné­fi­ciant de postes, de relais ou de com­plic­ité dans les médias, un groupe d’historiens divulguerait une ver­sion tron­quée de l’Histoire afin de gaver les mass­es d’idées chau­vines, réac­tion­naires et étriquées… En un mot : « nauséabon­des ». Quelle est donc la véri­ta­ble nature de cette polémique ?

Le facho nouveau est arrivé !

Lorànt Deutsch et la Bataille de l’Histoire dans les médias

Lorànt Deutsch et la Bataille de l’Histoire dans les médias

Tout d’abord, il est évi­dent que la désig­na­tion d’un enne­mi mal-pen­sant illi­co « fas­cisé » est une mal­adie chronique dont souf­fre le débat nation­al depuis au moins une décen­nie. L’année dernière, à la même époque, c’est l’écrivain Richard Mil­let qui déclen­chait l’ « affaire » de sep­tem­bre et se trou­vait qual­i­fié de « réac », de « néo-facho », d’« islam­o­phobe », sa prose étant jugée « nauséabonde ». La polémique Deutsch sem­ble donc, au pre­mier abord, relever sim­ple­ment du procès d’inquisition annuel. « Chas­se aux sor­cières nous rétor­quera-t-on », con­vi­en­nent d’ailleurs les auteurs des His­to­riens de garde dans un arti­cle du Huff­in­g­ton Post. Mais ces derniers nous assurent cepen­dant que cette chas­se n’est pas gra­tu­ite et qu’il y a un véri­ta­ble crime : « Son Métronome scan­de l’his­toire aux rythmes des grands hommes, monar­ques et saints, con­stru­isant depuis l’aube des temps une nation qua­si-éter­nelle et figée où Paris serait depuis tou­jours cap­i­tale de la France, de l’Em­pire romain quand il ne s’ag­it pas car­ré­ment de la chrétienté. »

Or pour William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, on est là face à une « vision qua­si-maurassi­enne de l’Histoire ».

Certes la for­mule est impro­pre mais riche d’insinuations. Impro­pre, parce que Mau­r­ras n’était pas his­to­rien et que c’est Bainville qui assur­ait cette fonc­tion dans le célèbre quo­ti­di­en roy­al­iste que le pre­mier dirigeait. Il serait donc plus juste de dire « banvil­li­enne ». Impro­pre surtout, parce que l’Histoire de Bainville n’accorde pour le coup pas beau­coup de place aux saints, que sa per­spec­tive est surtout géopoli­tique, et sa tra­di­tion plutôt ratio­nal­iste, et que son tra­vail n’est par con­séquent pas représen­tatif de ce qui est reproché à Deutsch. Mais Mau­r­ras s’étant, à la fin de sa vie, com­pro­mis dans la col­lab­o­ra­tion en sou­tenant le régime de Pétain, ne faut-il pas com­pren­dre « qua­si-mau­r­rassi­enne » comme « cryp­to-pétain­iste » ? On atteint ain­si sans beau­coup de virages le fameux point God­win. Au-delà de cette attaque de fond, sur laque­lle nous revien­drons, le point le plus sen­si­ble où se cristallise la polémique dans la presse (puisque le livre Les His­to­riens de garde ne traite pas d’Hexa­gone) est la bataille de Poitiers, telle que la racon­te Lorànt Deutsch dans son dernier ouvrage.

Le tabou islamique

En effet, l’acteur com­met la faute inex­cus­able de racon­ter la bataille de Poitiers comme elle a tou­jours été présen­tée partout (y com­pris sur ce site d’Histoire mil­i­taire anglais, par exem­ple : militaryhistory.about.com), oubliant que depuis dix ans, pour com­plaire à une pop­u­la­tion musul­mane à la fois nom­breuse, en par­tie non-inté­grée et par­fois irri­ta­ble, il est devenu con­ven­able de présen­ter l’Andalousie comme un âge d’or et Poitiers comme un détail de l’Histoire du bas moyen-âge. Or, note Christophe Naudin avec une remar­quable per­spi­cac­ité : « La bataille de Poitiers est en effet un mar­queur idéologique qui n’a rien d’anodin. » Ain­si, depuis que les Iden­ti­taires ont bran­di une ban­de­role en hom­mage à Mar­tel, glo­ri­fi­er l’action du Maire du Palais et grand-père de Charle­magne serait sus­pect ? En fait, Poitiers est surtout un mar­queur du totem-tabou absolu de notre époque : l’Islam. Sainte Geneviève peut tou­jours repouss­er les Huns, Eudes de Paris les Vikings, Jeanne d’Arc les Anglais, mais Charles Mar­tel, lui, n’a plus l’autorisation de bouter hors de France les Sar­razins. Et pour­tant, Lorànt Deutsch pré­cise ne s’être pas spé­ciale­ment focal­isé sur l’épisode : « Sur les 2 600 ans d’His­toire dont je par­le, mes détracteurs ne reti­en­nent qu’une page, celle sur la bataille de Poitiers. Oui, c’est un événe­ment mar­quant de notre His­toire, mais ce n’est pas un mar­queur idéologique. »

Complot ?

Si l’on résume le procès, on obtient donc à peu près ça : accusé prin­ci­pal : Lorànt Deutsch (en tant que fig­ure la plus célèbre de la con­ju­ra­tion) ; Sac­rilège majeur : lèse-Islam ; co-inculpés : Patrick Buis­son, directeur de la chaîne His­toire, Stéphane Bern (« Secrets d’Histoire » sur France 2), Franck Fer­rand (« Au cœur de l’Histoire » sur Europe 1), Dim­itri Casali (His­to­rien médi­a­tique), Jean Sévil­la (His­to­rien et jour­nal­iste au Figaro), Éric Zem­mour (jour­nal­iste féru d’Histoire act­if au Figaro, à RTL et sur Paris Pre­mière). Motif de l’accusation : ten­ter de faire ressur­gir le « roman nation­al » avec la com­plic­ité des médias. « Tels des chiens de garde, pour repren­dre l’image de Paul Nizan, ils sont les his­to­riens de garde d’un tré­sor pous­siéreux qui n’est que le fruit d’une inquié­tude face au passé qu’eux seuls n’arrivent pas à assumer. » (Intro­duc­tion des His­to­riens de garde).

L’expression qu’utilise Christophe Naudin en présen­tant son livre pour cri­ti­quer un « Rouleau com­presseur médi­a­tique de ce genre d’Histoire », insin­ue une forme de com­plot médi­ati­co-poli­tique ayant pour ambi­tion de refor­mater les masses.

Théorie évidem­ment dif­fi­cile à soutenir, notam­ment sur le plan des com­plic­ités médi­a­tiques, à moins de par­venir à démon­tr­er que les dirigeants de France 2 ou d’Arte sont de mèche avec les pro­duc­teurs de Radio Cour­toisie. La vérité est plus sim­ple. Tout comme Éric Zem­mour dans son domaine, Lorànt Deutsch a béné­fi­cié d’un suc­cès aus­si impres­sion­nant qu’imprévisible. C’est le plébiscite qui l’a placé où il se trou­ve, et cer­taine­ment pas des réseaux médi­a­tiques plutôt mar­qués à gauche, comme l’OJIM le mon­tre régulièrement.

À fronts renversés

Quand des étu­di­ants et des profs de gauche s’en pren­nent à Canal+ pour reprocher à des jour­nal­istes « chiens de garde » de défendre un his­to­rien ama­teur, roy­al­iste assumé, con­tre leurs attaques, on se demande d’abord si l’on est tombé par mégarde dans une faille tem­porelle. C’est pour­tant bien ce qui s’est pro­duit dans le Huff­in­g­ton Post sous la plume de Christophe Naudin : « Un sujet, inti­t­ulé “Accusé de faire le jeu de l’ex­trême droite, Lorànt Deutsch répond à ses détracteurs”, a égrainé tout l’arse­nal du “jour­nal­isme chien de garde” pour par­venir à car­i­ca­tur­er le pro­pos des “détracteurs” (…), tout en lais­sant l’ac­teur se défendre face à une ani­ma­trice com­plaisante (…) ». C’est que les « détracteurs » en ques­tion auraient trou­vé sans doute naturel que l’animatrice de l’émission voue à l’humiliation publique un auteur de best sell­er et acteur pop­u­laire sous pré­texte de déviance idéologique… Si l’animatrice est « com­plaisante », sans imag­in­er un com­plot pétain­iste, c’est peut-être seule­ment : 1) qu’il s’agit de la ten­dance naturelle d’une ani­ma­trice, et 2) qu’elle voit plus d’intérêt à pou­voir réin­viter Lorànt Deutsch sur son plateau que Christophe Naudin dont tout le monde se fiche. De là à en tir­er des con­clu­sions de con­nivences idéologiques et de manip­u­la­tion politique…

En revanche, on peut se deman­der s’il ne faut pas quelques com­plic­ités médi­a­tiques de nature idéologique pour per­me­t­tre à un William Blanc par exem­ple, de pos­er en adver­saire crédi­ble face à Lorànt Deutsch. Celui-là, en effet, n’est nulle­ment un his­to­rien recon­nu, mais, au même âge que l’acteur qui compte à son act­if une trentaine de films et bien­tôt deux best sell­ers, William Blanc, quant à lui, est essen­tielle­ment con­nu pour avoir tenu les murs de la fac Tol­bi­ac en jouant les nervis de la CNT, étu­di­ant pro­fes­sion­nel n’étant tou­jours pas par­venu à pass­er sa thèse. Quant à ses co-auteurs, pas un seul qui n’ait même la très rel­a­tive recon­nais­sance d’une fiche Wikipedia. Cette absence de « stature légitime » pour­rait bien enten­du être large­ment com­pen­sée par la qual­ité de leur texte. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’ils sachent au moins con­stru­ire des phras­es, objec­tif qui, même en s’y met­tant à trois, n’est pas tou­jours atteint.

L’aspiration au « roman national »

S’il y a com­plot médi­ati­co-poli­tique, alors ce serait celui qui per­me­t­trait à trois mil­i­tants par­faite­ment incon­nus de tous de se faire un nom sur le dos de Lorànt Deutsch, afin juste­ment de con­tr­er un phénomène pour le moins gênant au regard de l’idéologie dom­i­nante. Ce phénomène, c’est celui qui a propul­sé Lorànt Deutsch où il se trou­ve et qui a fait l’étonnant suc­cès des émis­sions d’Histoire de Stéphane Bern ou de Franck Fer­rand. Ce phénomène, c’est ce qui fait dire à cer­tains que « La télé préfère les his­to­riens réacs », pour ne pas avouer que c’est l’audimat, en fait, qui préfère les his­to­riens « réacs », c’est-à-dire les his­to­riens du « roman nation­al » tant décrié. Ce phénomène traduit une pro­fonde aspi­ra­tion du peu­ple français au « roman nation­al » méprisé par les élites et retiré des pro­grammes par les réformes de l’enseignement.

Et qu’est-ce que ce phénomène a de telle­ment déroutant, de si incroy­able, de si désta­bil­isant aux yeux de cer­tains intel­lectuels ? Dans un pays rav­agé par la crise économique, en pleine crise de con­fi­ance et en pleine crise d’identité, qu’y a‑t-il d’étonnant à ce que le peu­ple éprou­ve un irré­press­ible besoin qu’on lui racon­te à nou­veau son His­toire ? D’où il vient, ce qu’il a accom­pli, quels furent ses idéaux ? Lorsque l’on dis­pose en out­re d’une His­toire aus­si excep­tion­nelle que la nôtre, oui, se la remé­mor­er suf­fit à remon­ter à bon compte un moral dra­ma­tique­ment en berne. Où est le com­plot, là-dedans ? Il faut être aveuglé par des fan­tasmes pour ne pas se ren­dre à une si naturelle évidence.

La bataille des romans

L’autre argu­ment des con­temp­teurs de cette His­toire « réac » qui envahi­rait les médias, est d’expliquer qu’elle est arriérée, approx­i­ma­tive, ne tient pas compte des recherch­es his­toriques récentes et qu’elle serait pris­on­nière de mytholo­gies défuntes. Parce qu’elle s’intéresse au « roman nation­al », cette vision de l’Histoire serait for­cé­ment « étriquée » et « téléologique » (c’est à dire ori­en­té en fonc­tion d’une fin prédéfinie), et il serait d’autant plus absurde de l’évoquer après la « décon­struc­tion » que l’historienne Suzanne Cit­ron a fait du mythe nation­al en 1989. Il faut déjà admet­tre que Suzanne Cit­ron, anci­enne maire PS de Domont, ait une légitim­ité his­torique suff­isante – et supérieure à celles de Michelet, Lavisse ou Bainville -, pour nous « inter­dire » de par­ler après elle de « roman nation­al. » Point­er le fait que le « roman nation­al » est une con­struc­tion, sou­vent a pos­te­ri­ori, for­cé­ment rel­a­tive et par­tiale, de l’Histoire, n’est pas inutile. Cepen­dant, écrire une His­toire quel­conque à par­tir de sim­ples sources est tou­jours une con­struc­tion, est tou­jours un acte par­tial et téléologique. S’il est bon de n’en être pas dupe, il serait bon égale­ment de n’être pas dupe du fait qu’on n’y échappe pas. Il n’y a pas d’un côté des his­to­riens médi­a­tiques qui seraient enfer­més dans leur vision nationale et défendraient un « roman » illu­soire, et de l’autre, des chercheurs sérieux aux méth­odes « sci­en­tifiques ». Il y a sim­ple­ment l’opposition de deux prismes his­toriques, deux « romans » : le « roman nation­al » et le « roman com­mu­niste », lequel est enfer­mé dans son idéolo­gie et se pré­vaut fan­tas­ma­tique­ment d’objectivité « sci­en­tifique » au sein d’une dis­ci­pline qui ne s’y prête pas, exacte­ment comme la poli­tique con­duite par Lénine et Staline se pré­tendait issue d’un « social­isme sci­en­tifique ». En out­re, c’est pour répon­dre aux néces­sités de sa pro­pre fic­tion que le « roman com­mu­niste » se doit de dépass­er la forme nationale pour établir ses visées inter­na­tion­al­istes. Il est donc dans sa logique nar­ra­tive de déval­oris­er par tous les moyens ce qui a trait à la nation et d’attaquer tous ceux qui la défendent.

Un os…

Il y a cepen­dant quelque chose de neuf dans le paysage médi­a­tique que cette polémique met en évi­dence, c’est que les chiens de garde, les vrais, ceux qui dés­espèrent de ne par­venir, pour l’heure, à sif­fler le reste de la meute, sont tombés sur un os. Cet os, c’est qu’à rebours des dis­cours offi­ciels mon­di­al­istes, mul­ti­cul­tur­al­istes ou inter­na­tion­al­istes, les Français, en l’occurrence les téléspec­ta­teurs et les audi­teurs français, expri­ment un besoin pro­fond de se res­saisir, en tant que peu­ple, à tra­vers leur His­toire nationale. Et cela répond à une néces­sité bien plus grave, bien plus intime, bien plus essen­tielle que les cli­vages par­ti­sans ou les querelles idéologiques. C’est cette néces­sité qui a abouti à un véri­ta­ble plébiscite oblig­eant des médias, con­traints par l’audimat, à don­ner une place impor­tante à des per­son­nal­ités qui par leurs con­vic­tions ou leur sen­si­bil­ité patri­o­tique, déno­tent en effet dans la pen­sée majori­taire ayant cours dans ces milieux. Pour­tant, il ne s’agit pas ici de dan­ger fas­cisant ou autres fan­tasmes dont sont si friands les inquisi­teurs paten­tés afin de se don­ner la sen­sa­tion d’être des résis­tants. Il ne s’agit même pas de poli­tique à pro­pre­ment par­ler. Il s’agit, sim­ple­ment, dans nos cir­con­stances, d’une sorte de fatal­ité his­torique, qui pour­rait du reste prélud­er d’un sursaut.

Crédit pho­to : Myra­bel­la via Wiki­me­dia (cc)

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