Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Accueil | Veille médias | Retour sur la polémique autour du Puy du Fou et le parti-pris de certains médias

L’article que vous allez lire est gratuit. Le mois de décembre est le plus important pour nous, celui où nos lecteurs peuvent nous aider par un don avec un reçu fiscal pour 2023 de 66% de leur don. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

18 octobre 2023

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Retour sur la polémique autour du Puy du Fou et le parti-pris de certains médias

Retour sur la polémique autour du Puy du Fou et le parti-pris de certains médias

Temps de lecture : 7 minutes

Le 7 septembre 2023, le magazine « Complément d’enquête » de France 2 diffusait un reportage de plus d’une heure, consacré à l’aventure du Puy du Fou, reportage présenté par Tristan Waleckx, sous le titre « Histoire, argent, pouvoir : les vrais secrets du Puy du Fou ». D’emblée, le titre n’annonce pas un reportage très neutre.

Le pitch à charge du reportage

France 2 présente le reportage ain­si : « L’an dernier, le Puy du Fou a dépassé les deux mil­lions de vis­i­teurs, devançant le Parc Astérix. Après avoir inspiré un parc à thème à Tolède en Espagne, il s’at­taque à la Chine et aux États-Unis. Mais qui con­naît les secrets de ce parc, ses méth­odes par­ti­c­ulières, son mod­èle économique, son influ­ence poli­tique ? Depuis près de 45 ans, Philippe de Vil­liers, deux fois can­di­dat à la prési­den­tielle, ten­dance droite dure, gère ce suc­cès. C’est lui qui a tout pen­sé, tout façon­né, des spec­ta­cles “his­toriques” d’in­spi­ra­tion catholique jusqu’à “l’embauche” de 4 300 bénév­oles. Le patri­arche a depuis peu légué le trône à son plus jeune fils, Nico­las, bril­lant diplômé d’une école de com­merce. Celui-ci vient de lancer au ciné­ma le pre­mier film fran­chisé “Puy du Fou”. Père et fils lèvent le voile sur les couliss­es de leur œuvre. »

Réponse sur le JDD

Éton­nante présen­ta­tion qui pré­tend que ce sont le père et le fils de Vil­liers qui vont « lever le voile » sur des « couliss­es », alors que le pitch indique claire­ment, par l’emploi de guillemets, une manière de met­tre en doute, que le reportage est à charge : « l’embauche », « his­toriques ». Notons que dès sa fon­da­tion en 1989, année du bicen­te­naire de la Révo­lu­tion française, Le Puy du Fou a été attaqué par la gauche française en général, ses médias en par­ti­c­uli­er, des médias qui alors ne souf­fraient aucune contradiction.

Les choses ont un peu évolué, et c’est un des élé­ments révélés par la polémique qui a suivi la dif­fu­sion du reportage de « Com­plé­ment d’enquête » : une par­tie des médias français ne suit plus du tout la pen­sée offi­cielle et va même jusqu’à l’affronter. Il en va ain­si du Jour­nal du Dimanche, le 10 sep­tem­bre 2023, sous la plume de Char­lotte d’Ornellas, Un JDD pour lequel « France 2 au Puy du Fou » est « Un cas d’école d’une manip­u­la­tion médi­a­tique ». Selon le jour­nal heb­do­madaire, « Au terme de six mois de tour­nage, « Com­plé­ment d’enquête livre un réc­it mal­hon­nête de son séjour dans le parc vendéen ». Comme toute la presse met­tant en ques­tion l’honnêteté intel­lectuelle de ce numéro de « Com­plé­ment d’enquête », le JDD sera accusé d’être « d’extrême droite ». Un terme qui est devenu courant à l’encontre de toute pen­sée diver­gente dans le paysage médi­a­tique français.

Complément d’enquête attaqué en justice

Ce même 10 sep­tem­bre 2023, Valeurs Actuelles indique que « Après une enquête à charge con­tre Le Puy du Fou, Philippe de Vil­liers va atta­quer en jus­tice Com­plé­ment d’enquête ». L’hebdomadaire insiste sur le fait que France 2 est une « chaîne publique ».

C’est un autre point impor­tant de la polémique : ce qui n’est pas sup­porté par la gauche médi­a­tique et poli­tique, c’est l’immense suc­cès du Puy du Fou et plus par­ti­c­ulière­ment que ce suc­cès soit pop­u­laire. La gauche en ques­tion sem­ble avoir per­du un peu­ple qu’elle croy­ait sien. Valeurs Actuelles revient sur cer­tains élé­ments choquants de « Com­plé­ment d’enquête ». Par exem­ple, selon le reportage, le Puy du Fou « qui apparte­nait aux bénév­oles appar­tient main­tenant à une seule famille ». C’est le témoignage d’une anci­enne bénév­ole. Un autre témoignage affirme : « une par­tie de ce que les bénév­oles, qui ont con­sacré du temps, de l’argent per­son­nel, etc, ont pro­duit est passé dans les mains de Philippe de Vil­liers ». Deux témoignages, qui sen­tent tout de même leur lot de ressen­ti­ment, suff­isent donc à « Com­plé­ment d’enquête » pour con­duire le reportage vers une attaque directe con­tre la famille de Vil­liers. Affir­mant que la famille allait porter plainte, l’avocat de la famille Gilles-William Gold­nadel a déclaré : « Dans le cadre d’un véri­ta­ble réquisi­toire à charge, empi­lant les con­tre-vérités, ses respon­s­ables ont lais­sé dire par une per­son­ne prév­enue con­tre lui et sans aucune­ment met­tre en doute ses accu­sa­tions, que mon client aurait touché la somme de 15 mil­lions d’euros en con­trepar­tie des scé­nar­ios qu’il a écrits pour le Puy du Fou ». Selon l’avocat, Philippe de Vil­liers n’aurait rien perçu.

Le génocide vendéen contesté

Autre point focal du reportage : la vieille ques­tion du géno­cide vendéen, celle qui fit déjà polémique en 1989 lors de la créa­tion du Puy du Fou. Pour la gauche médi­a­tique et poli­tique, la ques­tion n’est pas tant de savoir s’il y a eu un géno­cide ou non en Vendée, autrement dit si une pop­u­la­tion a été volon­taire­ment et sys­té­ma­tique­ment exter­minée en tant que telle, mais de refuser d’admettre que la Révo­lu­tion française peut avoir un fonde­ment géno­cidaire. À cette ques­tion, la réponse ne saurait offi­cielle­ment être autre que non. De ce fait, France 2 a choisi un his­to­rien, un seul, sans débat, selon lequel, mal­gré au moins 200 000 morts et des appels à l’extermination lancés à l’Assemblée nationale, le géno­cide vendéen n’aurait pas eu lieu. Le reportage par­le de « con­sen­sus ».

Multiplication des réactions autour de ces mêmes thèmes

À gauche, ce sont par exem­ple Fran­ce­in­fo, L’Obs ou Libéra­tion qui s’attaquent aux médias osant cri­ti­quer « Com­plé­ment d’enquête ». Selon Fran­ce­in­fo, « le patri­arche a pris le con­trôle d’une entre­prise cen­sée appartenir aux bénév­oles qui la font vivre ». Insis­tant sur le fait que l’entreprise est dev­enue « une multi­na­tionale », Fran­ce­in­fo revient sur une vieille affaire, selon l’éternelle tech­nique de l’amalgame, en rap­pelant que le plus jeune fils de Vil­liers avait accusé son aîné de viol en 2006. Con­clu­sion, un non-lieu. Ce serait d’après Fran­ce­In­fo, qui ne retient que cet élé­ment de « Com­plé­ment d’enquête », le point de départ de toute l’affaire cen­sée être révélée par le reportage de France 2. La famille de Vil­liers aurait mis en place « une mys­térieuse struc­ture », incon­nue des bénév­oles, qui peu à peu s’emparerait de l’entreprise Le Puy du Fou. Le 12 sep­tem­bre 2023, L’Obs s’attaque à ceux qui cri­tiquent « Com­plé­ment d’enquête » tout en reprenant le même genre d’argumentaire que Fran­ce­In­fo, en pub­liant un bil­let : « Après la dif­fu­sion d’un reportage sur le Puy du Fou, « Com­plé­ment d’enquête » est sous le feu du groupe Bol­loré. Une manière, estime notre chroniqueur François Rey­naert, de faire oubli­er les gênantes révéla­tions de l’émission. »

Hystérie à Libération

La palme de l’article hys­térique, très éloigné du jour­nal­isme, revient cepen­dant à Libéra­tion. Adrien Franque voit des « médias d’extrême droite en croisade con­tre « Com­plé­ment d’enquête ». Selon lui, « toute l’extrême droite médi­a­tique », c’est-à-dire Cnews, Europe 1, le JDD, Le Figaro ou Front Pop­u­laire s’attaquerait « aux vils jour­nal­istes gauchistes de France 2 ». Pour Adrien Franque, les prin­ci­paux points soulevés par « Com­plé­ment d’enquête » seraient « un recours au bénévolat jugé abusif avec des soupçons de tra­vail dis­simulé, l’expansion du parc dévo­rant les ter­res agri­coles alen­tour, ou le com­bat cul­turel con­tre-révo­lu­tion­naire qui ani­me le Puy du fou depuis ses débuts ». Mais ce n’est pas cela qui l’intéresse. Il veut s’en pren­dre à des jour­nal­istes sup­posés d’extrême droite et les citer nom­mé­ment, les dénon­cer en somme. Qui ? Eugénie Bastié, Math­ieu Bock-Côté ou encore Pas­cal Praud. La déla­tion, une vieille tech­nique elle-aussi.

La parole est à la défense

Invité de Pas­cal Praud sur Cnews et Europe 1, Nico­las de Vil­liers a pu répon­dre aux allé­ga­tions de « Com­plé­ment d’enquête », dès le ven­dre­di 8 sep­tem­bre. Sur Europe 1, Praud demande : « un doc­u­men­taire à charge ? ». Réponse : « Oui, alors c’est France 2 qui est le seul média qui vis­i­ble­ment est totale­ment insen­si­ble à ce que nous essayons de faire, c’est-à-dire une belle aven­ture française qui a le défaut d’être née du bénévolat, et qui a un autre défaut c’est celui d’entretenir le bénévolat, c’est-à-dire qu’aujourd’hui Le Puy du Fou n’a pas besoin du bénévolat pour vivre, au sens économique, mais Le Puy du fou l’a gardé » car il « per­met d’écarter toute ten­ta­tion de l’argent ». Le Puy du Fou, c’est 4300 bénév­oles. En une ving­taine de min­utes, l’émission répond point par point aux accu­sa­tions de « Com­plé­ment d’enquête ».

Et Pas­cal Praud rap­pelle un aspect fon­da­men­tal : le reportage est entière­ment au con­di­tion­nel, donc le con­traire même du journalisme.

Der­rière la polémique autour du Puy du Fou appa­raît un début d’évolution : les prémiss­es d’une fin pro­gres­sive d’une seule et même pen­sée idéologique sur l’ensemble des médias français. Ce serait une très bonne nou­velle… qui reste à confirmer.