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Retour sur la polémique autour du Puy du Fou et le parti-pris de certains médias

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18 octobre 2023

Temps de lecture : 7 minutes
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Retour sur la polémique autour du Puy du Fou et le parti-pris de certains médias

Temps de lecture : 7 minutes

Le 7 septembre 2023, le magazine « Complément d’enquête » de France 2 diffusait un reportage de plus d’une heure, consacré à l’aventure du Puy du Fou, reportage présenté par Tristan Waleckx, sous le titre « Histoire, argent, pouvoir : les vrais secrets du Puy du Fou ». D’emblée, le titre n’annonce pas un reportage très neutre.

Le pitch à charge du reportage

France 2 présente le reportage ain­si : « L’an dernier, le Puy du Fou a dépassé les deux mil­lions de vis­i­teurs, devançant le Parc Astérix. Après avoir inspiré un parc à thème à Tolède en Espagne, il s’at­taque à la Chine et aux États-Unis. Mais qui con­naît les secrets de ce parc, ses méth­odes par­ti­c­ulières, son mod­èle économique, son influ­ence poli­tique ? Depuis près de 45 ans, Philippe de Vil­liers, deux fois can­di­dat à la prési­den­tielle, ten­dance droite dure, gère ce suc­cès. C’est lui qui a tout pen­sé, tout façon­né, des spec­ta­cles “his­toriques” d’in­spi­ra­tion catholique jusqu’à “l’embauche” de 4 300 bénév­oles. Le patri­arche a depuis peu légué le trône à son plus jeune fils, Nico­las, bril­lant diplômé d’une école de com­merce. Celui-ci vient de lancer au ciné­ma le pre­mier film fran­chisé “Puy du Fou”. Père et fils lèvent le voile sur les couliss­es de leur œuvre. »

Réponse sur le JDD

Éton­nante présen­ta­tion qui pré­tend que ce sont le père et le fils de Vil­liers qui vont « lever le voile » sur des « couliss­es », alors que le pitch indique claire­ment, par l’emploi de guillemets, une manière de met­tre en doute, que le reportage est à charge : « l’embauche », « his­toriques ». Notons que dès sa fon­da­tion en 1989, année du bicen­te­naire de la Révo­lu­tion française, Le Puy du Fou a été attaqué par la gauche française en général, ses médias en par­ti­c­uli­er, des médias qui alors ne souf­fraient aucune contradiction.

Les choses ont un peu évolué, et c’est un des élé­ments révélés par la polémique qui a suivi la dif­fu­sion du reportage de « Com­plé­ment d’enquête » : une par­tie des médias français ne suit plus du tout la pen­sée offi­cielle et va même jusqu’à l’affronter. Il en va ain­si du Jour­nal du Dimanche, le 10 sep­tem­bre 2023, sous la plume de Char­lotte d’Ornellas, Un JDD pour lequel « France 2 au Puy du Fou » est « Un cas d’école d’une manip­u­la­tion médi­a­tique ». Selon le jour­nal heb­do­madaire, « Au terme de six mois de tour­nage, « Com­plé­ment d’enquête livre un réc­it mal­hon­nête de son séjour dans le parc vendéen ». Comme toute la presse met­tant en ques­tion l’honnêteté intel­lectuelle de ce numéro de « Com­plé­ment d’enquête », le JDD sera accusé d’être « d’extrême droite ». Un terme qui est devenu courant à l’encontre de toute pen­sée diver­gente dans le paysage médi­a­tique français.

Complément d’enquête attaqué en justice

Ce même 10 sep­tem­bre 2023, Valeurs Actuelles indique que « Après une enquête à charge con­tre Le Puy du Fou, Philippe de Vil­liers va atta­quer en jus­tice Com­plé­ment d’enquête ». L’hebdomadaire insiste sur le fait que France 2 est une « chaîne publique ».

C’est un autre point impor­tant de la polémique : ce qui n’est pas sup­porté par la gauche médi­a­tique et poli­tique, c’est l’immense suc­cès du Puy du Fou et plus par­ti­c­ulière­ment que ce suc­cès soit pop­u­laire. La gauche en ques­tion sem­ble avoir per­du un peu­ple qu’elle croy­ait sien. Valeurs Actuelles revient sur cer­tains élé­ments choquants de « Com­plé­ment d’enquête ». Par exem­ple, selon le reportage, le Puy du Fou « qui apparte­nait aux bénév­oles appar­tient main­tenant à une seule famille ». C’est le témoignage d’une anci­enne bénév­ole. Un autre témoignage affirme : « une par­tie de ce que les bénév­oles, qui ont con­sacré du temps, de l’argent per­son­nel, etc, ont pro­duit est passé dans les mains de Philippe de Vil­liers ». Deux témoignages, qui sen­tent tout de même leur lot de ressen­ti­ment, suff­isent donc à « Com­plé­ment d’enquête » pour con­duire le reportage vers une attaque directe con­tre la famille de Vil­liers. Affir­mant que la famille allait porter plainte, l’avocat de la famille Gilles-William Gold­nadel a déclaré : « Dans le cadre d’un véri­ta­ble réquisi­toire à charge, empi­lant les con­tre-vérités, ses respon­s­ables ont lais­sé dire par une per­son­ne prév­enue con­tre lui et sans aucune­ment met­tre en doute ses accu­sa­tions, que mon client aurait touché la somme de 15 mil­lions d’euros en con­trepar­tie des scé­nar­ios qu’il a écrits pour le Puy du Fou ». Selon l’avocat, Philippe de Vil­liers n’aurait rien perçu.

Le génocide vendéen contesté

Autre point focal du reportage : la vieille ques­tion du géno­cide vendéen, celle qui fit déjà polémique en 1989 lors de la créa­tion du Puy du Fou. Pour la gauche médi­a­tique et poli­tique, la ques­tion n’est pas tant de savoir s’il y a eu un géno­cide ou non en Vendée, autrement dit si une pop­u­la­tion a été volon­taire­ment et sys­té­ma­tique­ment exter­minée en tant que telle, mais de refuser d’admettre que la Révo­lu­tion française peut avoir un fonde­ment géno­cidaire. À cette ques­tion, la réponse ne saurait offi­cielle­ment être autre que non. De ce fait, France 2 a choisi un his­to­rien, un seul, sans débat, selon lequel, mal­gré au moins 200 000 morts et des appels à l’extermination lancés à l’Assemblée nationale, le géno­cide vendéen n’aurait pas eu lieu. Le reportage par­le de « con­sen­sus ».

Multiplication des réactions autour de ces mêmes thèmes

À gauche, ce sont par exem­ple Fran­ce­in­fo, L’Obs ou Libéra­tion qui s’attaquent aux médias osant cri­ti­quer « Com­plé­ment d’enquête ». Selon Fran­ce­in­fo, « le patri­arche a pris le con­trôle d’une entre­prise cen­sée appartenir aux bénév­oles qui la font vivre ». Insis­tant sur le fait que l’entreprise est dev­enue « une multi­na­tionale », Fran­ce­in­fo revient sur une vieille affaire, selon l’éternelle tech­nique de l’amalgame, en rap­pelant que le plus jeune fils de Vil­liers avait accusé son aîné de viol en 2006. Con­clu­sion, un non-lieu. Ce serait d’après Fran­ce­In­fo, qui ne retient que cet élé­ment de « Com­plé­ment d’enquête », le point de départ de toute l’affaire cen­sée être révélée par le reportage de France 2. La famille de Vil­liers aurait mis en place « une mys­térieuse struc­ture », incon­nue des bénév­oles, qui peu à peu s’emparerait de l’entreprise Le Puy du Fou. Le 12 sep­tem­bre 2023, L’Obs s’attaque à ceux qui cri­tiquent « Com­plé­ment d’enquête » tout en reprenant le même genre d’argumentaire que Fran­ce­In­fo, en pub­liant un bil­let : « Après la dif­fu­sion d’un reportage sur le Puy du Fou, « Com­plé­ment d’enquête » est sous le feu du groupe Bol­loré. Une manière, estime notre chroniqueur François Rey­naert, de faire oubli­er les gênantes révéla­tions de l’émission. »

Hystérie à Libération

La palme de l’article hys­térique, très éloigné du jour­nal­isme, revient cepen­dant à Libéra­tion. Adrien Franque voit des « médias d’extrême droite en croisade con­tre « Com­plé­ment d’enquête ». Selon lui, « toute l’extrême droite médi­a­tique », c’est-à-dire Cnews, Europe 1, le JDD, Le Figaro ou Front Pop­u­laire s’attaquerait « aux vils jour­nal­istes gauchistes de France 2 ». Pour Adrien Franque, les prin­ci­paux points soulevés par « Com­plé­ment d’enquête » seraient « un recours au bénévolat jugé abusif avec des soupçons de tra­vail dis­simulé, l’expansion du parc dévo­rant les ter­res agri­coles alen­tour, ou le com­bat cul­turel con­tre-révo­lu­tion­naire qui ani­me le Puy du fou depuis ses débuts ». Mais ce n’est pas cela qui l’intéresse. Il veut s’en pren­dre à des jour­nal­istes sup­posés d’extrême droite et les citer nom­mé­ment, les dénon­cer en somme. Qui ? Eugénie Bastié, Math­ieu Bock-Côté ou encore Pas­cal Praud. La déla­tion, une vieille tech­nique elle-aussi.

La parole est à la défense

Invité de Pas­cal Praud sur Cnews et Europe 1, Nico­las de Vil­liers a pu répon­dre aux allé­ga­tions de « Com­plé­ment d’enquête », dès le ven­dre­di 8 sep­tem­bre. Sur Europe 1, Praud demande : « un doc­u­men­taire à charge ? ». Réponse : « Oui, alors c’est France 2 qui est le seul média qui vis­i­ble­ment est totale­ment insen­si­ble à ce que nous essayons de faire, c’est-à-dire une belle aven­ture française qui a le défaut d’être née du bénévolat, et qui a un autre défaut c’est celui d’entretenir le bénévolat, c’est-à-dire qu’aujourd’hui Le Puy du Fou n’a pas besoin du bénévolat pour vivre, au sens économique, mais Le Puy du fou l’a gardé » car il « per­met d’écarter toute ten­ta­tion de l’argent ». Le Puy du Fou, c’est 4300 bénév­oles. En une ving­taine de min­utes, l’émission répond point par point aux accu­sa­tions de « Com­plé­ment d’enquête ».

Et Pas­cal Praud rap­pelle un aspect fon­da­men­tal : le reportage est entière­ment au con­di­tion­nel, donc le con­traire même du journalisme.

Der­rière la polémique autour du Puy du Fou appa­raît un début d’évolution : les prémiss­es d’une fin pro­gres­sive d’une seule et même pen­sée idéologique sur l’ensemble des médias français. Ce serait une très bonne nou­velle… qui reste à confirmer.

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