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Sophie Broyet, journalisme de délation et oubli de la charte de Munich

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15 août 2022

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Sophie Broyet, journalisme de délation et oubli de la charte de Munich

Sophie Broyet, journalisme de délation et oubli de la charte de Munich

Temps de lecture : 4 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale. Pre­mière dif­fu­sion le 18 févri­er 2022

La charte de Munich ? Appelée aussi Déclaration des droits et des devoirs des journalistes, elle a été adoptée en 1971 à Munich. Elle stipule cinq droits et dix devoirs. Le quatrième devoir énonce « Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ». Il arrive que des journalistes s’assoient gentiment dessus comme une certaine Sophie Broyet de France 2, plus proche de l’auxiliaire de police (politique) que de Jack London. Voyons comment.

Vous avez dit déontologie ?

Le respect de la déon­tolo­gie est sou­vent l’une de ces notions avec laque­lle cer­tains attaque­nt facile­ment des reportages allant à con­tre sens de leurs opin­ions. Ce respect est atten­du (en théorie) de chaque jour­nal­iste. Néan­moins, cer­tains peu­vent se per­me­t­tre de la laiss­er au plac­ard dans un silence général. C’est le cas de Sophie Broyet, reporter pour l’Oeil du 20h de France 2.

Camouflage/infiltration

La jour­nal­iste s’é­tait déjà illus­trée en novem­bre 2021, en infil­trant le mou­ve­ment « One Nation », qual­i­fié de séces­sion­niste et com­plo­tiste par le Min­istère de l’In­térieur. Une infil­tra­tion qui lui avait valu son quart d’heure de gloire sur BFMTV. Voilà qu’elle récidive cette fois avec Acad­e­mia Chris­tiana, insti­tut de for­ma­tion poli­tique catholique.

Ain­si la jour­nal­iste, payée par la rede­vance des Français, s’est infil­trée dans plusieurs réu­nions du mou­ve­ment sous le pseu­do­nyme d’« Aman­dine Loramar », ain­si que dans une école hors con­trat, en omet­tant de pré­cis­er qu’elle était jour­nal­iste. Si la méth­ode – con­traire à l’article 4 de la charte de Munich – peut déjà sus­citer quelques émois, les agisse­ments – qua­si policiers – de la jour­nal­iste, eux, posent encore plus problème.

Une maman bien particulière

Le 28 jan­vi­er 2022, la jour­nal­iste débar­que à Sées en Nor­mandie, à l’In­sti­tut Croix des Vents, en se faisant pass­er pour une mère souhai­tant inscrire sa fille dans cet étab­lisse­ment hors con­trat. Elle y vis­ite les bâti­ments – en caméra cachée – avec l’au­tori­sa­tion du directeur. Puis, à la sor­tie, elle va à la gare, à la ren­con­tre des élèves de l’Institut afin de savoir s’ils sont racistes, si les prêtres sont vio­lents, et s’ils apparte­naient à Acad­e­mia Chris­tiana, en finis­sant par pren­dre, sans autori­sa­tion, des pho­tos et des vidéos des élèves dans le train. Elle avait aupar­a­vant par­ticipé à plusieurs réu­nions d’A­cad­e­mia Chris­tiana, en se faisant pass­er pour une sym­pa­thisante souhai­tant inté­gr­er le mouvement.

Cette méth­ode, basée à la fois sur le men­songe et l’omis­sion, con­tre­vient à la charte de Munich (voir supra) qui stip­ule qu’il ne faut pas user de méth­odes déloyales pour obtenir des infor­ma­tions. Com­ment qual­i­fi­er le fait d’in­ter­roger des gens sans pré­cis­er ses inten­tions, et en les pous­sant au vice sur des ques­tions ori­en­tées ? Un manque à la déon­tolo­gie jour­nal­is­tique qui n’émeut pas plus que ça les médias puisqu’ils n’en par­lent pas ou peu. Pour­tant, lorsque M6, le 22 jan­vi­er 2022, dif­fu­sait un Zone Inter­dite à pro­pos de l’is­lam rad­i­cal, nom­breuses ont été les polémiques et les accu­sa­tions de manque à la déontologie.

Un reportage publié à pic

Hasard du cal­en­dri­er, le 16 févri­er 2022, France 2 dif­fuse le reportage en infor­mant les per­son­nes inter­rogées par Sophie Broyet le jour même par mail. Un délai très court, avec une liste de ques­tions très ori­en­tées, sous forme d’interrogatoire de police : êtes-vous anti­sémites ? Appelez-vous à la vio­lence ? Dans ce même mail, Sophie Broyet admet avoir « mené une enquête ». Un élé­ment qu’elle avait nié lorsque des per­son­nes qu’elle a inter­rogées avaient décou­vert le pot aux ros­es. Pra­ti­quant avec bon­heur la jux­ta­po­si­tion d’éléments hors de leur con­texte, elle mon­tre par exem­ple un prêtre qui tire au ball-trap, filmé comme une for­ma­tion de pré­pa­ra­tion à la guerre (sic). Elle qui assure sur son Twit­ter « assumer (presque) tout ». Inclue-t-elle ce genre d’enquête dans « presque » ?

Appel à la dissolution

Cerise sur le gâteau, la jour­nal­iste inter­pelle le 16 févri­er sur Twit­ter le Min­istre de l’Intérieur pour l’inciter (sans que le mot soit pronon­cé) à la dis­so­lu­tion de l’association catholique, illus­trant ain­si une nou­velle (et anci­enne aus­si) forme de jour­nal­isme, le jour­nal­isme polici­er. De mau­vais esprits y ver­raient une com­mande poli­tique bien­v­enue en péri­ode élec­torale, mais ce sont de mau­vais esprits…