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Pourquoi Matthieu Pigasse vend

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9 novembre 2018

Temps de lecture : 5 minutes
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Pourquoi Matthieu Pigasse vend

Temps de lecture : 5 minutes

Pourquoi Matthieu Pigasse vend-il ses parts au tchèque Daniel Kretinsky ? Deux semaines après l’annonce surprise (en particulier pour la rédaction du journal et peut-être aussi pour certains autres actionnaires), on en sait un peu plus.

Les autres investissements Pigasse

Nous reprenons les ter­mes de notre arti­cle d’octobre :

« Les affaires médi­a­tiques per­son­nelles de Pigasse ne vont pas très bien. Les Inrocks sont en panne et licen­cientRadio Nova ne va guère mieux, il n’est pas cer­tain que Rock en Seine soit béné­fi­ci­aire. MediaOne (voir infra) a besoin de cap­i­taux. Il recherche donc un parte­naire financier. La ten­ta­tion est grande (même s’il s’en défend) de laiss­er sa par­tic­i­pa­tion au Monde au Tchèque pour se con­sacr­er aux sociétés en nom pro­pre dépen­dant des NEI, sa hold­ing per­son­nelle. Ou encore inve­stir dans MediaOne en asso­ci­a­tion avec Xavier Niel et Pierre Antoine Cap­ton, un fonds d’investissement médias où Pigasse annonçait en févri­er 2016, vouloir injecter trois mil­liards d’euros avec ses asso­ciés. »

Et un endettement conséquent

Dans un excel­lent papi­er de Fabi­enne Schmitt paru dans Les Échos le 2 novem­bre 2018, nous en apprenons plus sur la sit­u­a­tion déli­cate de Matthieu Pigasse. Celui-ci emprunte 25 mil­lions d’euros en 2010 à la Banque Pala­tine pour racheter sa part du Monde. Xavier Niel se porte garant (cau­tion) en cas de défaut. En juil­let 2018 la banque demande le rem­bourse­ment du prêt. Pigasse ne peut pay­er et ne souhaite sans doute pas se met­tre à dos Xavier Niel en faisant jouer la cau­tion. D’autant qu’ils sont parte­naires dans MediaOne.

Pigasse est de plus débi­teur de Pierre Bergé (main­tenant de son héri­ti­er) qui lui a con­sen­ti des facil­ités de paiements pour repren­dre une par­tie de ses parts du Monde avant sa mort (voir infra). Il est aus­si pos­si­ble que Pigasse ait emprun­té pour acheter Les Inrocks, Radio Nova etc, puis assur­er leur tré­sorerie. Ven­dre sa part de MediaOne ? C’est laiss­er la par­tie belle à ses parte­naires Xavier Niel et Pierre-Antoine Cap­ton. Arrive alors Daniel Kretinsky auréolé du rachat de Mar­i­anne et Elle. Et pour racheter la total­ité des parts de Pigasse dans Le Monde.

Voir aussi

Tour de passe passe, Niel spectateur

Nous emprun­tons les para­graphes suiv­ants à l’excellente enquête de Fabi­enne Schmitt :

« … Daniel Kretinsky qui vient d’an­non­cer le rachat des plusieurs mag­a­zines de Lagardère en France, dont l’emblématique « Elle », rôde sur la place de Paris à l’af­fût de nou­velles acqui­si­tions dans les médias. Matthieu Pigasse scelle un accord avec lui pour car­ré­ment lui céder l’in­té­gral­ité de sa par­tic­i­pa­tion dans « Le Monde », comme l’a révélé « Libéra­tion ». Mon­tant de la trans­ac­tion : autour de 110 mil­lions d’euros.
Xavier Niel se voit alors impos­er un action­naire de co-con­trôle, alors qu’il pen­sait que Matthieu Pigasse allait faire entr­er un minori­taire. Que faire ? Racheter lui-même les parts ? Xavier Niel préfère large­ment un action­nar­i­at mul­ti­ple. Cela per­met de moins prêter le flanc à des cri­tiques sur un éventuel exer­ci­ce d’in­flu­ence sur le quo­ti­di­en mais aus­si de partager les pertes ou les appels réguliers de fonds pour des investisse­ments. Trou­ver un autre action­naire à la place de Daniel Kretinsky ? Las, l’homme d’af­faires tchèque a payé bien trop cher, per­son­ne n’est prêt à met­tre une somme pareille à Paris… »

Xavier Niel est mis devant le fait accom­pli et comme le remar­que notre confrère :

« La pilule est dure à avaler pour Xavier Niel  qui ne con­naît pas Daniel Kretinsky et ne l’a d’ailleurs tou­jours pas ren­con­tré. Lui seul com­prend tout de suite que cela va faire polémique au sein du jour­nal. Car Matthieu Pigasse n’a pas demandé l’avis des jour­nal­istes. Ceux-ci, en tant qu’ac­tion­naires représen­tés par le pôle d’indépen­dance, sont cen­sés avoir un droit de regard sur tout nou­v­el investis­seur dans le jour­nal. C’est, en tout cas l’e­sprit des accords signés lors du rachat du « Monde » par Niel, Pigasse et Bergé en 2010.
L’an­nu­la­tion de la trans­ac­tion est pos­si­ble mais il en coûterait quelques mil­lions d’eu­ros de dédom­mage­ment pour Daniel Kretinsky… Celui-ci et Matthieu Pigasse se met­tent finale­ment d’ac­cord début sep­tem­bre pour que le pre­mier rachète 49 % de la part du sec­ond. La nou­velle est con­fir­mée à la fin du mois par Matthieu Pigasse au pôle d’indépen­dance du « Monde » mis donc devant le fait accompli. »

Plus-value et respect de l’éthique

Pour sauver les meubles et les apparences, Pigasse accepte de ne céder que 49% de ses parts dans Le Monde à Kretinsky. Mais qui peut croire que le Tchèque se con­tentera d’un strapon­tin ? D’autant que nous apprend La Let­tre A du 6 novem­bre 2017, Pigasse a ven­du cette part minori­taire pour 17 mil­lions d’euros mais a égale­ment emprun­té au même Kretinsky la somme néces­saire pour rem­bours­er le prêt de la Banque Pala­tine de 2010, devenant ain­si le « débi­teur de son nou­v­el asso­cié ».

Pour com­pléter le feuil­leton, lorsque Pigasse reven­dra ses parts note Fabi­enne Schmitt, il réalis­era « une plus-val­ue par rap­port à sa « mise » de départ, à hau­teur de 50 mil­lions d’eu­ros ». Trahissant le con­trat moral ini­tial du pacte implicite des action­naires. « Si l’un d’entre eux devait sor­tir, c’était avec sa mise ni plus ni moins ». Pierre Bergé avant son décès a suivi cette règle. « A la veille de sa mort, il a con­clu « au prix » de ses apports de fonds la ces­sion de ses parts (il avait mis une trentaine de mil­lions) à Niel et Pigasse éch­e­lon­née sur six ans pour que ceux-ci, surtout Pigasse, puis­sent la financer con­fort­able­ment. Et il leur a même fait cadeau de 10 mil­lions d’eu­ros… ». Pigasse aime beau­coup les médias et quand on aime on ne compte pas…