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Pour Radio France, il faut sauver le soldat Pap Ndiaye

28 mai 2022

Temps de lecture : 7 minutes
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Pour Radio France, il faut sauver le soldat Pap Ndiaye

Temps de lecture : 7 minutes

Suite à la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République le 24 avril 2022, la composition du nouveau gouvernement a été dévoilée le vendredi 20 mai. Parmi les nominations, celle du ministre de l’éducation, Monsieur Pap Ndiaye, a provoqué de nombreuses réactions négatives. Heureusement, la radio d’État était là pour défendre sans aucune mesure le choix pour le moins controversé d’Emmanuel Macron.

Radio France, de beaux restes de l’ORTF

Les plus anciens se sou­vi­en­nent de l’information étroite­ment corsetée du temps de l’Of­fice de Radiod­if­fu­sion Télévi­sion Française (ORTF). En mai 1968, l’ORTF était accusée par les con­tes­tataires de men­songe, de par­tial­ité et de col­lu­sion avec le pouvoir.

En 2022, le ser­vice d’État de radio et de télévi­sion est assuré par France Télévi­sions et Radio France. L’ARCOM, l’Autorité de régu­la­tion de la com­mu­ni­ca­tion audio­vi­suelle et numérique (ex CSA), est cen­sée veiller à ce que les médias audio­vi­suels et numériques soient « plu­ral­istes et respectueux de toutes et tous ». Autres temps, autres mœurs ?

L’idéologie post-soix­ante-huitarde libérale lib­er­taire est désor­mais bien représen­tée dans les stu­dios de la radio d’État. On peut même dire qu’elle y est en sit­u­a­tion de quasi-monopole.

Les com­men­taires suite à la nom­i­na­tion du nou­veau min­istre de l’éducation, Mon­sieur Pap Ndi­aye, en sont une nou­velle illus­tra­tion. Il suf­fit pour s’en con­va­in­cre d’écouter deux émis­sions dif­fusées dimanche 23 mai sur France Inter et France Cul­ture pen­dant la tranche horaire 18–19 heures.

Un dimanche de campagne très engagé

En cette fin de week-end, Claire Ser­va­jean com­mente avec Thomas Legrand et leurs invités l’actualité poli­tique sur France Inter. « La nom­i­na­tion de Mon­sieur Pap Ndi­aye a provo­qué la fureur de l’extrême droite, à com­mencer par celle de Marine Le Pen sur BFM », assène Claire Ser­va­jean. Les doutes d’un député Modem sur cette nom­i­na­tion sont égale­ment évoqués.

Thomas Legrand s’érige en redresseur de tort en bal­ayant d’un revers de main (à la 13e minute) l’opposition entre les « uni­ver­sal­istes clas­siques » et les « wok­istes, racial­istes et décolo­ni­aux ». Il ajoute :

« En fait, ça n’est pas ça du tout, il y a des extrêmes de chaque côté, qu’on voit beau­coup sur des chaines bol­lorisées (…) pour polaris­er le débat, pour faire du show. La vérité du débat c’est que Pap Ndi­aye, il suf­fit de lire ce qu’il écrit et d’écouter ce qu’il dit, c’est un grand uni­ver­sal­iste ».

La suite de l’émission n’apporte aucune con­tra­dic­tion à cette bonne parole et ne reprend aucune des déc­la­ra­tions de l’ancien uni­ver­si­taire et directeur du musée de l’immigration qui sont à l’origine de la polémique.

Soft power, tout en douceur

Sur France Cul­ture, Fréder­ic Mar­tel s’empresse égale­ment de nous ras­sur­er (à la 25e minute) :

« Ce n’est pas con­traire­ment à ce que l’extrême droite veut nous faire croire ces derniers jours un mil­i­tant décolo­nial, woke ou com­mu­nau­tariste, c’est un uni­ver­si­taire réputé, très mod­éré, très calme dans ses analy­ses. L’attaquer un peu par principe sur sa race comme font cer­tains Zem­mouriens ces derniers jours est indigne de notre République. Ce n’est pas up-to-date mais up-to-hate ( avec de la haine NDLR) que de l’attaquer, c’est tout sim­ple­ment raciste ».

Sur France Cul­ture comme sur France Inter, les moin­dres cri­tiques con­tre le nou­veau min­istre de l’éduction ont donc rapi­de­ment été évac­uées par des procédés très prisés sur les ondes publiques :

- la dis­qual­i­fi­ca­tion : les cri­tiques con­tre Pap Ndi­aye vien­nent de « l’extrême droite ». Sous-enten­du, elles vien­nent de per­son­nes extrêmes qui n’ont aucune mesure dans leur juge­ment et leurs cri­tiques ont des arrières pen­sées politiques.

- la con­damna­tion morale. Fréder­ic Mar­tel se pose sur France Cul­ture en juge et apporte une qual­i­fi­ca­tion juridique aux cri­tiques à l’encontre du nou­veau min­istre de l’éducation : celles-ci seraient « racistes ». Jusqu’à présent, l’autorité de la chose jugée reve­nait aux tri­bunaux. Mais c’est sans compter sur les petits pro­cureurs de la radio d’État qui se gar­dent bien de don­ner la parole à ceux qu’ils accusent : ceux qui ont eu le mal­heur d’émettre des cri­tiques à l’encontre du nou­veau min­istre de l’éducation.

Les écrits et les paroles de Pap Ndiaye auxquels vous avez échappé

Était-il oppor­tun comme l’ont fait les deux radios d’Etat de clore tout débat sur le sujet ? Celles-ci ont passé sous silence des écrits et des paroles de Pap Ndi­aye qui auraient mérité d’être rappelés :

En 2016, Pap Ndi­aye par­ticipe à une réu­nion sur le thème « être noir‑e en France » inter­dite aux blancs. Ses déc­la­ra­tions ultérieures don­nent un éclairage par­ti­c­uli­er à cette participation.

En mai 2020, Pap Ndi­aye donne une inter­view au site Medi­a­part. Comme le souligne Pierre Romain Thion­net : « après s’être félic­ité de l’ou­ver­ture du débat sur la vio­lence raciste de la police avec les man­i­fs Adama Tra­oré, #Pap­N­di­aye pro­pose de faire le lien avec la pra­tique des rafles de Juifs sous Vichy. Rien que ça ».

Le 4 juin 2020, inter­viewé par France Inter, il s’exprime sur le silence des autorités français­es sur les « vio­lences poli­cières » : “Cela ne me sur­prend pas, parce que l’attitude de déni en ce qui con­cerne les vio­lences poli­cières en France est clas­sique depuis longtemps”.

En juil­let 2020, il déclare lors d’une inter­view au jour­nal Le Monde au sujet d’Assa Troaroé :

« son dis­cours est rassem­bleur. J’entends un dis­cours de con­ver­gence plutôt qu’un dis­cours de cli­vage et de sépa­ra­tion, un dis­cours qui réclame l’égalité. »

En févri­er 2021, à l’occasion d’un inter­view pour France Info, il déclare que le racisme anti-blanc fait par­tie du vocab­u­laire d’extrême droite, qu’il est impor­tant de décon­stru­ire. Il affirme égale­ment que «  le terme d’ ”islamo-gauchisme” est “une manière de stig­ma­tis­er des courants de recherche” ».

En jan­vi­er 2021, il pub­lie un rap­port sur la diver­sité à l’Opéra nation­al de Paris. Cer­taines de ses pré­con­i­sa­tions mon­trent une obses­sion jusqu’au ridicule de la ques­tion raciale :

« Pro­scrire sur scène le black­face, le yel­low face et le brown­face à l’Opéra nation­al de P. Cess­er de blanchir les peaux dans le bal­let clas­sique et favoris­er les com­man­des d’œuvres con­tem­po­raines de danse sur pointe ».

« Con­vers­er avec les autres Opéras de France et du monde en instau­rant un groupe d’échange sur les bonnes pra­tiques s’agissant notam­ment de diversité »

« Réalis­er un état des lieux pré­cis de la diver­sité à l’Opéra nation­al de Paris, et se dot­er d’outils pour suiv­re les recrute­ments à toutes les étapes ain­si que les pro­gram­ma­tions et les pro­gres­sions de carrière ».

Par­mi les his­to­riens, l’heure n’est égale­ment pas à l’unanimité. Bien qu’il s’en soit défendu par la suite, Alexan­dre Devec­chio affirme sur Twit­ter que Ben­jamin Sto­ra aurait affir­mé à pro­pos de la nom­i­na­tion du nou­veau min­istre de l’éducation :

« Ces pro­pos flir­tant avec l’indigénisme ne sont pas com­pat­i­bles avec l’éloge de la République qui a été le sien durant la pas­sa­tion de pou­voirs. Il va devoir choisir… »

Dans un Tweet du  22 mai, Zineb El Rhaza­oui, se base sur un arti­cle écrit sur un blog en févri­er 2022 pour affirmer :

« L’historien @GerardNoiriel aler­tait bien avant la nom­i­na­tion de #Pap­N­di­aye: ses recherch­es réha­bili­tent la notion de #race pour mieux cri­ti­quer le mod­èle répub­li­cain. Le nou­veau min­istre de @education_gouv est bien un racial­iste ».

Tou­jours sur Twit­ter, le 24 mai, Eugénie Bastié souligne à pro­pos d’une inter­view au jour­nal suisse Le Temps,

« Quand Pap Ndi­aye qual­i­fi­ait les pro­pos de Macron sur les “uni­ver­si­taires” woke qui voudraient “cass­er la République en deux” (en juin 2020) de “pas si éloignés” de ceux de Trump. La ques­tion est : qui des deux, Macron ou Ndi­aye, a plus viré sa cuti? ».

Toutes ces déc­la­ra­tions, tous ces écrits, sans doute trop gênants, n’ont évidem­ment pas été évo­qués sur France Inter et sur France Cul­ture. On ne peut s’empêcher de penser à la meute de jour­nal­istes qui ont sans cesse relancé Éric Zem­mour sur des pro­pos tenus dans le passé, notam­ment sur le régime de Vichy. Ce qui a été fait pour le can­di­dat à l’élection prési­den­tielle ne pour­rait donc pas l’être pour le nou­veau min­istre de l’éducation, car cela serait du « racisme ». Cherchez l’erreur…

Pho­to : Pap Ndi­aye à La Colonie le 13 octo­bre 2018. Auteur : LurKin. Source : Wikimé­dia.

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