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Ivanne Trippenbach

1 août 2024

Temps de lecture : 12 minutes
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Ivanne Trippenbach

Temps de lecture : 12 minutes

Une nouvelle croisée contre l’extrême-droite

Ivanne Trippenbach, passée de L’Opinion au Monde, a fait de “l’extrême-droite” son cheval de bataille. Pour diaboliser son adversaire idéologique, la journaliste n’est pas à un détail près ; comme lorsqu’elle s’attaque à la question du Grand Remplacement dans une enquête de L’Opinion à coups d’approximations, voire de fausses informations. Son compagnon Rayan Nezzar est nommé au cabinet de Gabriel Attal fin janvier 2024 et elle doit quitter précipitamment son poste de chef du service politique du Monde pour rejoindre l’équipe des grands reporters du quotidien.

Formation

La jeune jour­nal­iste reste dis­crète sur sa vie privée, une par­tie de sa famille serait d’o­rig­ine indochi­noise. Elle clôt ses études sec­ondaires sec­ondaire au lycée Albert Camus de Bois-Colombes, com­mune dont elle est orig­i­naire. En ter­mi­nale, elle passe qua­tre mois au sein de l’ONG Trans­paren­cy Inter­na­tion­al en tant que stagiaire.

Après l’obtention avec men­tion « Très Bien » d’un Bac­calau­réat Sci­en­tifique en sec­tion européenne spé­cial­ité anglais, Ivanne Trip­pen­bach com­mence ses études par une année à l’université pon­tif­i­cale catholique du Chili où elle étude les sci­ences poli­tiques, les rela­tions inter­na­tionales et la communication.

Elle entre ensuite à Sci­ences Po, dont elle sort diplômée d’un mas­ter en affaires publiques en 2015. À l’école, elle est un des mem­bres fon­da­teurs du Comité de Réflex­ion pour la qual­ité de la loi. Le Comité organ­ise un col­loque à l’Assemblée Nationale en 2013 sur le thème « Agir pour la qual­ité de la loi en France » et rassem­ble des inter­venants réputés, aus­si bien des par­lemen­taires que des pro­fesseurs de droit. Cette activ­ité asso­cia­tive lui ouvre des portes et con­stitue un point de con­tact avec les sphères du pou­voir. Un an plus tard, son nom est cité par­mi les rédac­teurs du dis­cours d’introduction de Jean-Marc Sauvé, ancien vice-prési­dent du Con­seil d’État, à un cycle de con­férences inti­t­ulé « Où va l’État ? ».

Elle réus­sit bril­lam­ment ces études puisqu’elle obtient une men­tion Cum Laude et se trou­ve admis­si­ble aux con­cours de l’ENA et de l’Assemblée. Elle pour­suit ses études au CFJ, le Cen­tre de for­ma­tion des jour­nal­istes, dont elle sort diplômée deux ans plus tard, en 2018.

Les activ­ités asso­cia­tives de la jeune femme durant ses études témoignent déjà de son intérêt pour le jour­nal­isme : alors qu’elle est à l’université pon­tif­i­cale catholique du Chili, elle cou­vre pour un jour­nal local les émeutes étu­di­antes qui survi­en­nent à ce moment dans le pays. Elle tient ensuite une chronique sur Radio Sci­ences Po au cours de son pas­sage dans l’école.

Elle rejoint l’équipe de L’Opinion en tant que jour­nal­iste dès 2016, à la sor­tie de Sci­ences Po. Elle mène donc ses études de jour­nal­iste au CFJ en par­al­lèle de ce pre­mier emploi. Elle se spé­cialise pour le jour­nal dans le suivi de l’extrême droite et les ques­tions régali­ennes. Elle s’attelle à tra­quer l’islamisation d’une part, et surtout l’extrême-droite anti-immi­gra­tion. Ses titres accrocheurs au par­fum de com­plot visent générale­ment à faire peur en soulig­nant les soi-dis­ant liens des per­son­nal­ités poli­tiques dites d’extrême-droite avec les groupes mil­i­tants anti-immigration.

En 2016, elle pub­lie dans Le Monde une tri­bune inti­t­ulée « Voir l’ENA comme école du pou­voir est passéiste » qui cri­tique les méth­odes de recrute­ment de l’école.

Elle par­ticipe à l’enquête Inch’Allah pub­liée en 2018 chez Fayard sous la direc­tion de Gérard Dav­et et Fab­rice Lhomme. Elle con­tin­ue par ailleurs à tra­vailler sur la ques­tion de l’islamisme, avec de nom­breux arti­cles sur le sujet dans L’Opinion.

La même année, le 24 avril, elle signe un arti­cle qui dénonce les liens sup­posés du Front Nation­al avec le groupe mil­i­tant Généra­tion Iden­ti­taire sous forme de révéla­tions choc au par­fum de scan­dale. La jour­nal­iste fonde son affir­ma­tion sur les réac­tions des deux vice-prési­dents du FN au moment des faits, Louis Aliot et Nico­las Bay au blocage mené par le groupe mil­i­tant dans les Hautes-Alpes con­tre l’immigration de masse. Les hommes poli­tiques auraient salué de la part du groupe mil­i­tant « une action effi­cace ».

Elle est occa­sion­nelle­ment invitée en tant que jour­nal­iste poli­tique dans plusieurs émis­sions télévi­suelles, comme « le Live BFM ».

Le spec­tre de l’extrême-droite sem­ble inquiéter la jour­nal­iste au-delà de la sphère poli­tique puisqu’elle traque ses mem­bres jusque dans leurs activ­ités privées. Elle signe en juin 2019 une enquête dans L’Opinion sur les « dérives extrémistes » du club Saint-Hubert, plus vieux club de chas­se de France. En cause ? Les liens de l’association avec la Russie et la Ser­bie. Des mem­bres du club auraient dor­mi sur la route de retour d’un voy­age en Ser­bie à Bercht­es­gaden, ville de vil­lé­gia­ture d’Hitler qui avait eu le mal­heur de se trou­ver sur leur chemin. Une autre accu­sa­tion est portée par la jour­nal­iste, plus ter­ri­ble que la pre­mière ; invité à une soirée du club durant laque­lle il aurait accusé ses mem­bre d’entre soi, le con­seiller chas­se et rural­ité Thier­ry Coste aurait enten­du des chants roy­al­istes et des chants en allemand.

En 2020, ce sont les liens de l’écrivain Gabriel Matzn­eff, con­nu pour ses ten­dances pédophiles, avec l’extrême droite qu’elle dénonce dans un arti­cle du 3 jan­vi­er sur le site de la Ligue de Défense Juive.

En sep­tem­bre 2021, elle rejoint la rédac­tion du Monde où elle suit la droite et l’ex­trême droite, en tan­dem avec un autre jour­nal­iste. Elle est nom­mée ensuite chef du ser­vice poli­tique, poste qu’elle doit quit­ter avec pré­cip­i­ta­tion le 26 jan­vi­er 2024, son com­pagnon Ryan Nez­zar ayant été nom­mé au cab­i­net du jeune pre­mier min­istre Gabriel Attal. Elle rejoint alors l’équipe des grands reporters du quotidien.

Parcours militant

La jour­nal­iste ne milite offi­cielle­ment dans aucun par­ti. Ses arti­cles à charge con­tre l’extrême-droite témoignent toute­fois d’un engage­ment évident.

Elle est l’auteur d’un arti­cle du 11 févri­er 2019 sur L’Opinion, « Emmanuelle Gave, la nou­velle droite dure de Nico­las Dupont-Aig­nan » qui fit scan­dale. Reçue par la can­di­date dans son bureau pour faire son por­trait, la jour­nal­iste y aperçoit une car­i­ca­ture sovié­tique anti-cap­i­tal­iste d’avant-guerre con­sid­érée à tort de car­ac­tère anti­sémite. Elle exhume ensuite quelques posts Face­book jugés racistes et se scan­dalise de l’opposition de la can­di­date aux lois mémorielles. Le couperet tombe : Emmanuelle Gave serait réac, révi­sion­niste et anti­sémite. Suite au scan­dale lancé par Ivanne Trip­pen­bach, ni Emmanuelle Gave ni son père Charles Gave, ne seront finale­ment investis sur les listes pour les élec­tions européennes. Qu’importe le fond, les Gave sont dia­bolisés puis évincés. Le com­men­taire de Charles Gave sur le site Groupe Gaulliste Sceaux, « Réflex­ions sur un assas­si­nat médi­a­tique » pub­lié le 25 févri­er 2019 résume les ten­ants et aboutis­sants de l’affaire en quelques traits de plume.

En sep­tem­bre 2019, elle se voit avec Camille Vigogne Le Coat et Tris­tan Berteloot refuser l’accréditation de jour­nal­iste pour cou­vrir la Con­ven­tion de la droite, qui argue de sa mau­vaise foi et de sa volon­té de nuire. Suite à l’appel au boy­cott de la Con­ven­tion par Camille Vigogne Le Coat, les organ­isa­teurs finis­sent par céder.

Publications

Elle pub­lie avec Philippe Brun aux édi­tions Thémis une Présen­ta­tion de la prob­lé­ma­tique de la qual­ité de la loi suite au col­loque qu’elle organ­ise avec lui sur le même thème dans le cadre de ses études à Sci­ences Po. La courte brochure est un compte-ren­du du col­loque. Les auteurs déplorent l’inflation lég­isla­tive et nor­ma­tive qui pré­vaut en France : « La loi échappe aux citoyens alors quils en sont les prin­ci­paux des­ti­nataires, le risque étant de voir émerg­er des laissés‑pour-compte de l’État de droit. La com­plex­ité des normes est quant à elle présentée comme une mal­adie de la démoc­ra­tie : elle sincar­ne en France dans plus de 10 000 lois et pas moins de 120 000 décrets et arrêtés. »

Elle par­ticipe lors de son pas­sage au CFJ avec qua­tre autres étu­di­ants, Célia Mebroukine, Romain Gas­par, Hugo Win­tre­bert et Charles Delouche, à l’écriture de l’enquête Inch’Allah, pub­liée en 2018 chez Fayard. L’ouvrage pro­pose une enquête menée par les jour­nal­istes du Monde Gérard Dav­et et Fab­rice Lhomme sur l’islamisation dans le 93, et notam­ment à Saint-Denis.
L’ouvrage fait rapi­de­ment polémique, jugé par cer­tains « islam­o­phobe » et inutile­ment alarmiste. Le Jour­nal de Saint-Denis dénonce à son égard des con­fu­sions et des impré­ci­sions. Medi­a­part et le Bondy Blog se fend­ent quant à eux d’un arti­cle com­mun pour cri­ti­quer l’ouvrage comme n’étant qu’une col­lec­tion d’anecdotes dénuée d’analyse : « Les lecteurs reçoivent cette col­lec­tion d’anecdotes sans jamais pou­voir en tir­er du sens. Aucun soci­o­logue ou his­to­rien n’intervient jamais pour injecter un peu de per­spec­tive à ce chapelet d’histoires à la tem­po­ral­ité floue ». La dif­fu­sion de pas­sages de l’enquête sur les réseaux soci­aux par des sym­pa­thisants d’extrême-droite pour attir­er l’attention sur l’islamisation de la France dessert forte­ment l’ouvrage, accusé de nour­rir les fan­tasmes anti-immi­gra­tion et anti-islam de la droite.

Le tra­vail d’enquête des étu­di­ants en jour­nal­isme fait l’objet d’un doc­u­men­taire dif­fusé sur LCP, « La Plume dans la plaie ».

Ce qu’elle gagne

Non ren­seigné.

Sa nébuleuse

Gérard Dav­et : jour­nal­iste d’investigation au Monde, il est con­nu pour son tra­vail d’enquête dans les affaires Clearstream, Karachi et Byg­malion avec son con­frère Fab­rice Lhomme. Les deux jour­nal­istes pub­lient en 2016 une série d’entretiens avec François Hol­lande, Un Prési­dent ne devrait pas dire ça… Deux ans plus tard, ils mènent une enquête sur l’islamisation, pub­liée chez Fayard sous le titre Inch’Allah. C’est au cours de ce tra­vail qu’il fait la con­nais­sance d’Ivanne Trip­pen­bach, qui y par­ticipe en tant qu’étudiante en journalisme.

Fab­rice Lhomme : jour­nal­iste d’investigation au Monde, il est con­nu pour les mêmes affaires que Gérard Dav­et, avec lequel il tra­vaille en étroite col­lab­o­ra­tion. Il pub­lie avec lui Un Prési­dent ne devrait pas dire ça… en 2016, et Inch’Allah en 2018, auquel Ivanne Trip­pen­bach a con­tribué en tant qu’étudiante. Il est avec Gérard Dav­et l’auteur d’ouvrages remar­qués sur la droite française.

Rayan Nez­zar : énar­que d’origine algéri­enne, il con­tribue à la rédac­tion du pro­gramme d’Emmanuel Macron sous la houlette de Marc Fer­rac­ci. Il con­naît son quart d’heure warholien lorsque, novice en poli­tique, il est nom­mé porte-parole du gou­verne­ment début 2018. Des tweets très incisifs et insul­tants, écrits alors qu’il n’était qu’étudiant, à l’endroit de per­son­nal­ités poli­tiques de droite sont exhumés par le défunt site d’actualités Buz­zfeed et le con­traig­nent à ren­dre sa démis­sion cinq jours après sa nom­i­na­tion. Il ne se laisse toute­fois pas démon­ter et se présente deux ans plus tard aux élec­tions munic­i­pales dans le 20ème arrondisse­ment de Paris, sur la liste de Cédric Vil­lani « Vivons Paris », où il est élim­iné au pre­mier tour. Il est nom­mé au cab­i­net du jeune pre­mier min­istre Gabriel Attal fin jan­vi­er 2024.

Vie privée

Par sa famille pater­nelle, la jeune femme descendrait d’une famille de Français d’Indochine.

Elle l’a dit

Sur l’enquête qu’elle a mené avec d’autres étu­di­ants en jour­nal­isme pour Fab­rice Lhomme et Gérard Dav­et, sur le plateau de « Quo­ti­di­en » de Yann Barthès sur TMC du 19 octo­bre 2018 : « Le sujet nous a excité dès le début […] et ensuite sur le ter­rain […], là quand même on a un peu flippé ».

Sur le con­cours de l’ENA, dans un arti­cle du Monde pub­lié le 23 mars 2016  : « Au “for­matage” des can­di­dats répond celui du jury. Celui-ci se man­i­feste dans des attentes, non dites, en décalage avec la société. Pour ces servi­teurs de l’État d’hier, recru­teurs aujourd’hui, le haut fonc­tion­naire – au mas­culin, de préférence – est celui qui “incar­ne l’autorité” et qui “mod­ère son enthousiasme”. »

Dans le même arti­cle, elle reproche le manque de par­ité dans les admis­sions : « Depuis quelques années, on note l’absence de par­ité dans les cohort­es d’énarques : au con­cours externe de 2015, seules 11 femmes étaient admis­es sur 42 reçus, soit 25,6 % des admis. »

Pour la jour­nal­iste, la pédophilie sem­ble plus grave lorsqu’elle est per­pétrée à l’extrême droite qu’à gauche, où elle paraît n’être sous sa plume qu’un gen­til quipro­quo. Elle écrit ain­si dans un arti­cle du 3 jan­vi­er 2020 sur les liens de Gabriel Matzn­eff avec l’extrême droite pub­lié sur le site de la Ligue de Défense Juive : « Certes, la gauche soix­ante-huitarde a porté aux nues l’écrivain quand la droite le dénonçait au nom de la morale. « Mais il est faux de réduire la pédophilie mil­i­tante à un mou­ve­ment gauchiste ; elle se car­ac­térise par une trans­ver­sal­ité poli­tique allant jusqu’aux anti-68 les plus durs », souligne le soci­o­logue Pierre Ver­drager. L’extrême gauche pro-pédophilie gom­mait l’écart d’âge au nom du libre arbi­tre et de la matu­rité sex­uelle des enfants ; l’extrême droite pédophile, au con­traire, exalte leur iné­gal­ité, la rela­tion d’autorité et de dom­i­na­tion, sur fond de références cul­turelles grec­ques ou celtes. »

Comme la majorité de ses con­frères, elle sem­ble se gar­garis­er sur Twit­ter de l’État de droit, sorte de par­avent de la dic­tature des juges : « Dire à l’an­tenne que les musul­mans sont la source d’un “énorme problème” con­tribuant à un “grand rem­place­ment” et à “l’in­va­sion de l’Eu­rope” relève de l’inci­ta­tion à la haine ou à la vio­lence, con­firme le @Conseil_Etat … deux ans après #Zem­mour ».

On a dit sur elle

Gérard Dav­et sur le plateau de « Quo­ti­di­en » de Yann Barthès sur TMC du 19 octo­bre 2018  : « Ivanne, c’est la cérébrale hyper effi­cace ».

Charles Gave dans un droit de réponse, repro­duit dans L’Opinion, à un por­trait incen­di­aire de la jour­nal­iste : « Votre jour­nal­iste laisse enten­dre que nous seri­ons anti­sémites, ce qui est une mon­stru­osité qui ne repose sur rien. […] Les car­i­ca­tures qui sont dans nos bureaux trou­vent leur orig­ine dans des jour­naux de la grande époque com­mu­niste et mon­trent le com­bat du tra­vailleur con­tre le cap­i­tal­iste. Seul un esprit peu aver­ti a pu voir dans le cap­i­tal­iste représen­té sur ces affich­es une image de juif ! ».

Pho­to : cap­ture d’écran vidéo France 5 (“C’est dans l’air”, 20 juil­let 2019)

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