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L’EJCAM, école de journalistes antiracistes

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27 février 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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L’EJCAM, école de journalistes antiracistes

Temps de lecture : 6 minutes

L’école de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM), demande à ses étudiants de nombreux travaux pratiques. Mais, et c’est là que le bât blesse, ces travaux ne sont pas exempts d’idéologie conformiste.

Une école ancienne

L’École de jour­nal­isme et de com­mu­ni­ca­tion d’Aix-Marseille (EJCAM) a changé de nom à plusieurs repris­es mais existe depuis 1982. À l’époque nom­mée Cen­tre Trans­Méditer­ranéen de la com­mu­ni­ca­tion (CTMC), elle est recon­nue par la CPNEJ (Com­mis­sion par­i­taire nationale de l’emploi des jour­nal­istes) en 1985. En 1989, elle est renom­mée École de jour­nal­isme et de com­mu­ni­ca­tion de Mar­seille (EJCM), avant de pren­dre son nom actuel en 2012.

L’EJCAM pro­pose entre autres une licence Infor­ma­tion-com­mu­ni­ca­tion et un mas­ter de Jour­nal­isme en deux ans. On entre dans ce dernier par un con­cours ouvert à toute per­son­ne déten­trice d’une licence ou équiv­a­lent. Ce con­cours com­porte un dossier et une épreuve orale et admet chaque année vingt étu­di­ants. Leur par­cours com­porte faire stages de huit semaines, mais le cur­sus peut aus­si être suivi en alter­nance. Les débouchés pro­fes­sion­nels sont prin­ci­pale­ment en presse régionale, notam­ment au Dauphiné Libéré. L’école peut toute­fois se van­ter d’avoir placé quelques per­son­nes dans des titres nationaux, notam­ment à BFMTV et Libéra­tion.

À l’EJCAM, la liberté d’expression à géométrie variable

En tant que jour­nal­iste, on est en général attaché à la lib­erté d’expression. C’est elle qui per­met la pub­li­ca­tion d’articles, même s’ils gênent cer­taines per­son­nal­ités par­fois influ­entes. Car après tout, si les jour­nal­istes n’informent pas les citoyens de ce qu’on voudrait leur cacher, à quoi ser­vent-ils ? Mais à l’EJCAM, la lib­erté d’expression n’est bonne qu’à cer­taines con­di­tions. C’est ain­si que l’école a fer­mé son compte X (ex-Twit­ter) le 23 octo­bre 2023, « Con­for­mé­ment aux recom­man­da­tions d’Aix-Mar­seille Uni­ver­sité », organe dont elle dépend. En effet, le réseau social, depuis son rachat par Elon Musk, ne répondait plus à « ses valeurs de respect, de tolérance et d’hu­man­isme ». Le com­mu­niqué de l’université affir­mait ‑sans rire — que « X est devenu un lieu de prop­a­ga­tion de fake news, de con­tenus haineux, illicites ou vio­lents, ren­trant en con­tra­dic­tion avec notre mis­sion de trans­mis­sion des savoirs et de la sci­ence, d’ouverture aux autres et de tolérance. »

Les « fake news », meilleures ennemies de l’EJCAM

Il est vrai que quand on est jour­nal­iste, on n’aime guère les fake news, et c’est nor­mal, puisque l’on a pour objec­tif d’informer, de dis­penser hon­nête­ment les faits à ses lecteurs et audi­teurs pour qu’ils agis­sent selon leur con­science et leurs con­nais­sances. Seule­ment, par­fois, si l’on n’aime pas les fake news, c’est surtout parce qu’elles entrent en con­flit avec notre logi­ciel de pen­sée, que l’on aimerait partager, voire impos­er. Tou­jours en octo­bre 2023, l’EJCAM pro­mou­vait un cycle de con­férences pro­posé par les bib­lio­thèques uni­ver­si­taires d’Aix-Marseille et inti­t­ulé « La vérité en ques­tion : com­pren­dre les mécan­ismes de la dés­in­for­ma­tion ». Un cycle tail­lé sur-mesure pour des étu­di­ants en jour­nal­isme. En se pen­chant sur le pro­gramme, on trou­ve notam­ment une con­férence inti­t­ulée « La langue de Trump : dés­in­for­ma­tion, poli­tique et tra­duc­tion ». Ne cherchez pas son pen­dant, il n’existe pas. Les fake news n’ont jamais été util­isées que par Trump ou ce qu’il représente, c’est bien connu.

École de journalisme ou de militantisme ?

Ces posi­tions devi­en­nent plus com­préhen­si­bles lorsqu’on envis­age que l’EJCAM soit plus une école de mil­i­tan­tisme que de jour­nal­isme. L’école promeut sur Face­book une con­férence organ­isée par ses étu­di­ants du mas­ter Com­mu­ni­ca­tion des organ­i­sa­tions et développe­ment durable (CODD) sur le thème « Mil­i­tan­tisme, engage­ment, écolo­gie et com­mu­ni­ca­tion », et rap­pelle que « Le 11 jan­vi­er 2024, des experts en sci­ence, poli­tique et com­mu­ni­ca­tion ont exploré le sujet du “Mil­i­tan­tisme à l’ère des réseaux soci­aux numériques”. Il s’agissait de soulign­er l’importance de la sen­si­bil­i­sa­tion à l’écologie avec l’u­til­i­sa­tion des moyens de com­mu­ni­ca­tion dig­i­taux. L’objectif de cette con­férence était de com­pren­dre les défis du mil­i­tan­tisme en ligne. » Pour une école de jour­nal­isme, il est dom­mage de n’avoir pas envis­agé que l’objectif n’était pas seule­ment de « militer » mais aus­si, et peut-être surtout, « d’informer », mots qui n’est d’ailleurs nulle part dans l’intitulé. Peut-être le mil­i­tan­tisme de gauche, friand de can­cel cul­ture et de mise au ban des adver­saires, se con­jugue-t-il mal avec l’information, sen­sée se con­cen­tr­er sur les faits, même lorsqu’ils s’accommodent mal avec la thèse que l’on défend.

Des travaux étudiants orientés

Qu’il s’agisse de pod­casts, de con­férences, de jour­naux, etc., l’école pro­pose de nom­breux travaux étu­di­ants dont elle fait la pro­mo­tion, ce qui est tout à fait louable. Ce qui est plus éton­nant, ce sont les thèmes abor­dés. On trou­ve ain­si « une expo­si­tion sur le thème des stéréo­types de la mas­culin­ité qui touchent les garçons dès l’en­fance », des arti­cles sur la tran­si­d­en­tité dans le jour­nal web école, une expo­si­tion sur les fake news ou la « Journée des droits humains ». Selon le compte de l’école, cette journée met en lumière « les droits des migrants », avec la par­tic­i­pa­tion des ONG Amnesty Inter­na­tion­al, SOS Méditer­ranée et de La Cimade. On espère sim­ple­ment qu’aucun étu­di­ant en jour­nal­isme n’a par­ticipé à l’organisation de cette journée, car on pour­rait alors regret­ter l’absence de con­fronta­tion et de débats sur un thème qui en a bien besoin.

Entre nous et entre soi

On trou­ve enfin des pod­casts, notam­ment la série « Entre Nous », avec un pre­mier épisode sur l’engagement poli­tique des jeunes. L’une des invitées y par­le notam­ment de la guerre entre Israël et le Hamas, regret­tant que l’on soit « influ­encés à soutenir qu’un côté, avec des infor­ma­tions que sur un côté, au lieu d’avoir les deux par­ties, et nous pren­dre notre déci­sion sur qui on a envie de soutenir ou pas. » À l’EJCAM, on trou­ve donc que la parole n’est pas suff­isam­ment don­née aux ter­ror­istes, et ce n’est pas les étu­di­ants qui diront le con­traire, puisqu’aucun de ceux qui gèrent le pod­cast n’apporte de con­fronta­tion à l’invitée qui tient ces propos.

À l’EJCAM, les étu­di­ants sont abreuvés de pro­jets qui vont tous dans le même sens, que ce soit pour en observ­er les livrables dans les couloirs de l’école ou pour y tra­vailler eux-mêmes. De quoi s’inquiéter des idéolo­gies qu’ils porteront dans les titres qui les embaucheront. Soyons cepen­dant ras­surés. En 2016, Chloé témoignait que « Pour le Mas­ter Jour­nal­isme, l’E­J­CAM est vrai­ment en train d’évoluer et de se remet­tre en ques­tion. La for­ma­tion est top et per­met tout de même une cer­taine lib­erté de penser. » Une cer­taine seule­ment, la nuance est riche de sens.Car tout de même, quand on est jour­nal­iste, il ne faut pas unique­ment ou pas tou­jours recracher des idées appris­es. Il s’agit de les véri­fi­er ‑par­fois — avec une cer­taine rigueur.

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