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1 mars 2023

Temps de lecture : 10 minutes

1 mars 2023

Accueil | Portraits | Céline Pigalle

Céline Pigalle

Temps de lecture : 10 minutes

Dans le sens du vent, toujours

Céline Pigalle est née le 31 janvier 1972 à Gonesse. Après quinze ans de journalisme à Europe 1, elle prend la direction de la chaîne d’information i>Télé avant d’en être exclue par Vincent Bolloré. C’est à la suite d’un passage éclair à TF1 qu’elle devient directrice de la rédaction de BFMTV. Sans transition, elle débarque à la tête de France Bleu pour faire passer les mesures impopulaires concoctées de Sybile Veil et Delphine Ernotte. Travaillant pour la première fois de sa carrière pour un média du service public, elle affirme porter haut « ses valeurs ». Mais de quelles « valeurs » s’agit-il au juste ?

i>Télé : entre « un certain humanisme » et éviction des « gêneurs »

Durant son pas­sage à i>Télé, Céline Pigalle et sa direc­trice Cécil­ia Rague­neau enten­dent dévelop­per « un dis­cours autour de valeurs pour se démar­quer de la pre­mière chaîne d’information, BFMTV, mêlant la recherche d’un recul con­tre l’immédiateté de l’information en temps réel et la défense d’un cer­tain human­isme ». Alors qu’elle est direc­trice de la rédac­tion, elle appuie le licen­ciement d’Éric Zem­mour d’i>Télé, en 2014, jugeant que le com­porte­ment de l’auteur du Sui­cide français a provo­qué la gêne par­mi la société des rédac­teurs de la chaîne à l’occasion de son émis­sion « Ça se dis­pute ». Un choix stratégique con­testable, puisque l’émission compte alors par­mi les meilleures audi­ences de la chaîne… Pigalle indique alors au jour­nal Le Monde : « On a tout fait pour aller jusqu’au bout, en écoutant Éric, mais là, on était au bout ». L’affaire se sol­dera au tri­bunal : attaquée par Zem­mour, i>Télé sera con­damnée à pay­er 50 000 euros de dom­mages et intérêts au jour­nal­iste pour « rup­ture bru­tale et abu­sive du con­trat, sans préavis et sans invo­quer aucun man­que­ment con­tractuel ».

En sep­tem­bre 2015, Pigalle est évincée d’i>Télé par Vin­cent Bol­loré. À l’occasion de son départ, elle aurait été « vive­ment applaudie par ses troupes », si l’on en croit Le Monde. La société des jour­nal­istes d’i>Télé fera d’ailleurs part dans son com­mu­niqué « de sa vive émo­tion face à la bru­tal­ité du départ de Cécil­ia Rague­neau, direc­trice générale, et de Céline Pigalle, direc­trice de la rédac­tion » et rap­pellera « son attache­ment aux principes intan­gi­bles d’une infor­ma­tion libre, indépen­dante et objec­tive ».

Le professionnalisme au service de la trahison

« Nous sommes très heureux d’ac­cueil­lir Céline Pigalle au sein de LCI. Avec Cather­ine Nayl, nous avons la con­vic­tion que son pro­fes­sion­nal­isme et son expéri­ence seront des atouts pré­cieux pour men­er à bien les mis­sions qui lui seront con­fiées et relever les défis du pas­sage de LCI sur la TNT gra­tu­ite et de ses futurs développe­ments dig­i­taux ».

Der­rière les aimables pro­pos de Nico­las Char­bon­neau et Jean-François Mul­liez, DG de LCI, se des­sine le fructueux avenir de Pigalle au sein du groupe privé. Inté­grant TF1 pour accom­pa­g­n­er le pas­sage en gra­tu­it de LCI, Pigalle quitte la chaîne trois mois après l’avoir inté­grée pour cause de désac­cords sur la stratégie édi­to­ri­ale avec les cadres de la chaîne et, au pre­mier chef, Nico­las Char­bon­neau. Cette « pro­fes­sion­nelle », qui opère donc un départ sur­prise, saura rebondir. Six mois plus tard, elle intè­gre BFMTV dont elle est la nou­velle direc­trice de la rédac­tion. Ironie du sort : elle avait été recrutée pré­cisé­ment dans l’objectif de « lut­ter con­tre le leader de l’information en con­tinu : BFMTV ». Du pro­fes­sion­nal­isme à la trahi­son, il n’y a qu’un pas…

BFMTV : Pigalle dans le sens du vent… gouvernemental

C’est avec les man­i­fes­ta­tions des Gilets jaunes et le traite­ment fait par BFMTV de la crise san­i­taire que Céline Pigalle va se retrou­ver une nou­velle fois sous le feu de critiques.

À l’occasion de la crise des Gilets jaunes, BFMTV fait ain­si l’objet de nom­breuses con­tes­ta­tions, soit de poli­tiques dénonçant l’intérêt trop impor­tant prêté à ceux-là, soit par les pro­tag­o­nistes des man­i­fes­ta­tions soulig­nant la dénat­u­ra­tion faite de leur com­bat. La direc­trice de la rédac­tion se défend alors en pro­posant : « Peut-être aus­si qu’il ne faut pas la regarder toute la journée » ou « les poli­tiques la con­som­ment sur des durées absol­u­ment épou­vanta­bles et en effet se sen­tent frag­ilisés ». Lim­iter les audi­ences pour ne pas se sen­tir frag­ilisés : une drôle de propo­si­tion de la part de cette respon­s­able des pro­grammes diffusés…

La ligne de défense adop­tée pour défendre le traite­ment de la crise san­i­taire n’aura guère plus de suc­cès. Alors qu’elle est invitée à par­ticiper à une table ronde sur les médias à l’épreuve de la crise san­i­taire, Céline Pigalle admet s’être large­ment adossé sur le dis­cours gou­verne­men­tal sans y apporter des lumières cri­tiques. Elle indique alors : « dans un moment aus­si, où on veut dit qu’on est en guerre et où toute la notion de cohé­sion générale de la société, vous êtes rap­pelés au fait qu’il ne faut pas non plus trop trou­bler les gens. Et finale­ment, même si on a ten­té au max­i­mum de s’extraire de tout ça, pas trop aller à rebours de la parole offi­cielle, puisque ce serait frag­ilis­er un con­sen­sus social ». Elle se dédouan­era de ses paroles, jugées par elle « un peu con­fus­es », jus­ti­fi­ant le traite­ment unanime de BFMTV en matière de crise san­i­taire par un « cli­mat glob­al qui rendait la dis­cus­sion sci­en­tifique moins sim­ple, car elle était brouil­lée par le poli­tique. » L’argument avancé appa­raît faible : le con­stat, général­iste, pour­rait être appliqué à de nom­breux sujets traités par la chaîne d’infos en continue.

France Bleu : à la rescousse de nos territoires

En févri­er 2023, con­tre toute attente, elle est nom­mée par Sibyle Veil à la tête du réseau de radios publiques locales France Bleu en lieu et place de Jean-Emmanuel Casalta. La patronne de Radio France voit en elle « une grande pro­fes­sion­nelle des médias » qui « con­naît la radio et a dirigé de grandes rédac­tions ». Il lui incombe de faire cess­er l’érosion pro­gres­sive des audi­ences et de démo­bilis­er une rédac­tion éprou­vée par la « bru­tal­ité du man­age­ment » exer­cée par la direc­tion précé­dente. Erik Kervel­lec, ancien directeur de l’information de la sta­tion, était chargé de met­tre en œuvre le rap­proche­ment for­cé avec France 3 (via des mati­nales com­munes et une plate­forme mutuelle), ce qui lui a valu une motion de défi­ance votée à 85 %. Céline Pigalle entre en fonc­tion le 3 avril et intè­gre du même coup le comité de direc­tion de Radio France.

Origines et formations

  • 1990 : Hypokhâgne avec option Sci­ences Po au lycée Vic­tor Duruy à Paris (7e) .
  • 1994 : admise à l’IEP Paris, dont elle ressort diplômée trois ans plus tard.
  • 1996 : diplômée de l’École supérieure de jour­nal­isme de Lille.

Parcours professionnel

  • 1996–2011 : tra­vaille à Europe 1 au ser­vice économie.
  • 2000–2004 : cor­re­spon­dante à Berlin.
  • 2006–2008 : cor­re­spon­dante à Bruxelles.
  • 2008 : rédac­trice-en-chef des édi­tions du matin.
  • 2009 : rédac­trice-adjointe de la rédaction.
  • Mai 2011 : rejoint Canal+. Elle est rédac­trice-en-chef de l’émission quo­ti­di­enne La Matinale.
  • Mai 2012 : direc­trice de la rédac­tion d’i>Télé.
  • Jan­vi­er 2014 : direc­trice de l’in­for­ma­tion du groupe Canal+.
  • 4 sep­tem­bre 2015 : quitte Canal+ et i>Télé. Elle en est évincée par Vin­cent Bolloré.
  • 21 mars 2016 – mai 2016 : pas­sage rapi­de à TF1, à la tête de la rédac­tion de LCI.
  • 22 décem­bre 2016 : direc­trice de la rédac­tion de BFMTV. Elle y retrou­ve Marc-Olivi­er Fogiel qu’elle con­naît bien : celui-ci était aux manettes de la mati­nale d’Europe 1 lorsque Pigalle offi­ci­ait sur la station.
  • Juin 2019 : elle est renou­velée en tant que vice-prési­dente du con­seil d’administration de l’ESJ Lille.
  • Févri­er 2023 : direc­trice de la rédac­tion de France Bleu.

Distinctions

  • 1996 : gain de la Bourse Lau­ga-Del­mas (créée par Europe 1), qui lui per­met de faire ses pre­miers pas de reporter aux infor­ma­tions générales.

Publication

  • Femmes au tra­vail, de qui se moque-t-on ? édi­tions PRAT, col­lec­tion Droits de regards. Mars 2000.

Elle l’a dit

« Nous [Cécil­ia Rague­neau, direc­trice d’i>Télé et elle] avons perçu du trou­ble et de la colère autour des pro­pos d’Éric Zem­mour, mais nous n’avons pas voulu agir dans la pré­cip­i­ta­tion, pour qu’on ne puisse pas dire que nous avons été manip­ulés ou instru­men­tal­isés », à pro­pos du licen­ciement d’Éric Zem­mour, Le Point, 20/12/2014.

« Nous sommes très soucieux de respecter la lib­erté d’expression. Et nous avons défendu celle d’Eric [Zem­mour] pen­dant plus de dix ans, pour que ses idées soient pris­es en compte, con­tred­ites et débattues. Mais aujourd’hui, on a l’impression que c’est lui qui fixe les règles et de quoi on par­le. On a de moins en moins le sen­ti­ment qu’on peut débat­tre. Le dia­logue est devenu de plus en plus dif­fi­cile, voire impos­si­ble. On a l’impression qu’il se par­le à lui-même et à son pub­lic », Le Monde, 19 décem­bre 2014.

« Par ailleurs, sur les recrute­ments, nous faisons atten­tion à ce quil y ait des can­di­da­tures de femmes pour chaque poste. Chez BFM, beau­coup de chefs de rubrique sont des femmes, y com­pris sur les sujets régaliens comme la poli­tique », Club de la presse Occ­i­tanie, 2018.

« Les poli­tiques con­som­ment BFMTV sur des durées absol­u­ment épou­vanta­bles et en effet se sen­tent frag­ilisés », Huff­in­g­ton Post, 20/01/2019.

« Nos métiers néces­si­tent beau­coup d’hu­mil­ité et le sens des respon­s­abil­ités », Huff­in­g­ton Post, 20/01/2019.

« À mon avis, il y a quand même une chose très sin­gulière dans cette crise, c’est la poli­ti­sa­tion des débats sci­en­tifiques. Nous, on est très habitués à être au cœur de cette mêlée poli­tique, mais quand d’un seul coup la sci­ence est un enjeu dans le débat poli­tique… Finale­ment si on reprend un enjeu très basique, très prosaïque : quand Sibeth Ndi­aye dit « on ne va pas avoir besoin de masques parce que finale­ment on ne saurait pas com­ment les porter », vous voyez on est sur quelque chose de… [Elle ne finit pas sa phrase, ndlr] Dans un moment aus­si, où on vous dit qu’on est en guerre et où toute la notion de cohé­sion générale de la société, vous êtes rap­pelés au fait qu’il ne faut pas non plus trop trou­bler les gens. Et finale­ment, même si on a ten­té au max­i­mum de s’extraire de tout ça, pas trop aller à rebours de la parole offi­cielle, puisque ce serait frag­ilis­er un con­sen­sus social. Vous voyez, ce sont vrai­ment des cir­con­stances très, très sin­gulières ». Libéra­tion, 30 jan­vi­er 2022.

« Quand la crise du Covid a com­mencé, il y’avait beau­coup à faire à la mai­son […] et d’un seul coup, toutes les femmes expertes ont quit­té les plateaux. La charge famil­iale pèse encore plus large­ment sur les femmes […] Si vous ne veillez pas à ça, mécanique­ment, tout revient à l’ordinaire », Press Club de France TV, 09/03/2022.

« Le sujet essen­tiel est donc dans l’ex­is­tence de titres indépen­dants, qui soient capa­bles de faire émerg­er cer­taines con­fronta­tions. Il peut s’avér­er utile, pour cela, d’avoir dif­férents groupes de presse, dont des acteurs plus puis­sants que cer­tains groupes indépen­dants et il faut que tout cela cir­cule, au point qu’un cer­tain nom­bre de choses finis­sent par être écrites, y com­pris dans un jour­nal qui n’avait pas for­cé­ment, en pre­mière inten­tion, une envie mas­sive de s’en empar­er. Tel me paraît plutôt être notre enjeu. » Rap­port com­mis­sion d’enquête séna­to­ri­ale : À l’heure du numérique, la con­cen­tra­tion des médias en ques­tion ?, 29/03/2022.

« Je ne déteste pas le terme de fab­ri­ca­tion de l’in­for­ma­tion même si je sais les con­no­ta­tions qu’on peut lui don­ner. Le jour­nal­isme est un petit méti­er d’ar­ti­san et, de ce point de vue, il a peu changé. » Rap­port com­mis­sion d’enquête séna­to­ri­ale : À l’heure du numérique, la con­cen­tra­tion des médias en ques­tion ?, 29/03/2022.

« BFMTV […] s’in­scrit dans la dynamique d’une grande chaîne pop­u­laire, s’adres­sant au plus grand nom­bre sur les sujets d’in­térêt général qui con­cer­nent plus par­ti­c­ulière­ment la France ou ayant une réso­nance pour notre pays, dans le cas d’évène­ments se déroulant à l’é­tranger […] Nous ne sommes pas du tout dans une démarche de télévi­sion d’opin­ion. Nous sommes attachés à demeur­er une grande chaîne d’in­for­ma­tion, ce qui n’empêche pas que des points de vue s’ex­pri­ment sur l’an­tenne ». Rap­port com­mis­sion d’enquête séna­to­ri­ale : À l’heure du numérique, la con­cen­tra­tion des médias en ques­tion ?, 29/03/2022

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