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Oprah Winfrey : me too, je veux être présidente ? Les médias en pâmoison

16 janvier 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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Oprah Winfrey : me too, je veux être présidente ? Les médias en pâmoison

16 janvier 2018

Temps de lecture : 6 minutes

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Les secousses et répliques du tremblement de terre Weinstein n’en finissent plus de bousculer la société du Spectacle. Du moins, son versant médiatique et ses « élites » culturelles et militantes. En dehors de cela, la majorité des humains continuent tranquillement à vivre, draguer et faire l’amour à la sauvette ou en chantant. Il paraît pourtant qu’une dénommée Oprah Winfrey aurait changé l’humanité d’un coup de Golden baguette magique ?

À l’approche de la retraite, l’animatrice de télévi­sion Oprah Win­frey, dont il faut bien recon­naître l’anonymat dont elle béné­fi­ci­ait jusqu’alors de ce côté de l’Atlantique, a fait pleur­er et frémir l’Amérique. Du moins, la salle des Gold­en Globes, laque­lle a sou­vent le curieux défaut de se pren­dre pour l’ensemble des améri­cains. D’où son incom­préhen­sion et ses caprices mul­ti­ples devant l’élection de son antithèse Don­ald Trump. « Un nou­v­el hori­zon se pro­file pour les femmes » a déclaré, selon le mag­a­zine Pre­mière, celle qui serait, si l’on en croit sa fiche Wikipé­dia, « ani­ma­trice et pro­duc­trice de télévi­sion et de ciné­ma, actrice, cri­tique lit­téraire et éditrice de mag­a­zine ». Une force de la nature, pleine d’énergie, hyper active. Sans doute est-ce pourquoi elle s’est décidée à sauver le monde fémin­iste lors de la céré­monie des Gold­en Globes du 7 jan­vi­er 2018. Elle en a les moyens, Oprah, elle qui est con­sid­érée comme la mil­liar­daire noire la plus riche du monde et la sec­onde plus grande for­tune de l’industrie du diver­tisse­ment, selon Forbes. Comme quoi, con­traire­ment aux idées reçues, on peut être femme, noire, âgée et fort riche !

Les Golden Globes ? Cérémonie militante, comme d’habitude

Que cette remise de prix annuelle soit mil­i­tante n’est en rien nou­veau. C’est même plutôt sa mar­que de fab­rique. Cette année, toutes les récom­pens­es ou presque ont été attribuées en ver­tu de l’ambiance fémin­iste mil­i­tante en vogue. Un mil­i­tan­tisme en réseau, sans fron­tières et qui n’épargne donc pas la France, ain­si que le mon­tre l’écho don­né au dis­cours de l’amie de Barack Oba­ma, poten­tielle­ment can­di­date, selon la rumeur, à l’investiture démoc­rate con­tre Don­ald Trump en vue des prochaines prési­den­tielles. C’est du moins ce qui a été mis en avant juste après son dis­cours fémin­iste pronon­cé lors de la céré­monie des Gold­en Globes, au point que cer­tains obser­va­teurs ont eu le sen­ti­ment d’une affaire politi­co-médi­a­tique ron­de­ment menée. L’animatrice est une star du talk show out­re-Atlan­tique, elle en maîtrise codes et effets. Une sorte d’icône du monde libéral lib­er­taire, démoc­rate, mil­i­tante de toutes les sociétés ouvertes mais aus­si du développe­ment per­son­nel, de la médi­ta­tion et de spir­i­tu­al­ités syn­crétistes et new âge à souhait. L’image même d’un monde minori­taire qui se prend pour le vrai monde, dans le cadre de la mon­di­al­i­sa­tion dont il est le fer de lance spec­tac­u­laire. Femme, noire, médi­ati­co-cul­turelle, de gauche à l’américaine, accroc aux nou­velles spir­i­tu­al­ités… Oprah sem­ble avoir tout pour elle. Mais elle n’a en fait que tout New York et toute la côte Ouest. La réal­ité est autre : d’après Europe 1, le 12 jan­vi­er 2017, une majorité d’américains ne « souhaite pas voir Oprah Win­frey briguer la Mai­son Blanche ». Ils ne sont que 35 % à souhaiter qu’elle se porte can­di­date aux élec­tions de 2020. Aux États-Unis aus­si, l’écart de réal­ité entre le pays légal et le pays réel est loin d’être mince : « même par­mi les démoc­rates, seuls 47 % des sondés sont favor­ables à sa can­di­da­ture », indique Europe 1. Pour­tant, l’écho et le « buzz » ayant suivi le dis­cours d’Oprah Win­frey lors de la céré­monie sem­blaient indi­quer tout le con­traire. C’est pourquoi, cette affaire con­jonc­turelle sym­bol­ise l’état réel des médias mon­di­al­isés et de leurs acteurs : un univers com­plète­ment hors sol rel­a­tive­ment au monde réel des vrais gens.

Retour sur cérémonie

À Los Ange­les, dans la nuit du 7 ou 8 jan­vi­er 2018, Oprah, opu­lente poitrine ample­ment mise en valeur et en avant, a donc pronon­cé un dis­cours faisant « vibr­er la salle » selon Europe 1, et annonçant « une aube nou­velle », expres­sion traduite dans d’autres médias par « nou­v­el hori­zon ». Il est vrai qu’en Europe, « Aube nou­velle » évoque désor­mais cer­tain mou­ve­ment poli­tique grec… C’est en vue de ce nou­v­el hori­zon que la majorité des invitées féminines des Gold­en Globes étaient vêtues de noir. Oprah a donc tout de la future can­di­date de l’Ère du Verseau, ce qui ne serait pas pour déplaire au petit club des « élites » mon­di­al­isées. En France, son dis­cours a été réper­cuté de façon louangeuse par tous les médias offi­ciels sans excep­tion, ceux qui ne seraient jamais pour­voyeurs de fake news si l’on en croit le prési­dent de la République. Le discours ?

« Vio­lente charge con­tre les auteurs de vio­lences sex­istes » pour L’Express, un « dis­cours enflam­mé qui scotche les Gold­en Globes » selon Le Figaro, « un dis­cours inspi­rant et inspiré » pour Téléra­ma, « émou­vant et poli­tique » selon 20 Min­utes, « dis­cours vibrant et engagé » d’après BFM, un « dis­cours poignant » pour Le Monde et Fran­ce­in­fo. Point besoin d’être exhaus­tif, l’immense majorité des médias réag­it de la même façon, Oprah Win­frey parais­sant ain­si rem­plac­er Hilary Clin­ton comme égérie des « élites mon­di­al­isées ». La volon­té de l’animatrice de télévi­sion de faire de la poli­tique n’est pour­tant pas nou­velle, même si cela n’est guère men­tion­né par les mêmes médias. Reste que dès le lende­main du dis­cours, les réseaux soci­aux mil­i­tants s’agitent et la presse en par­le : Oprah pour­rait se présen­ter con­tre Trump en 2020. Et le bat­tre ! Les pre­miers sondages, réal­isés dans l’immédiate foulée, le mon­tr­eraient. L’orchestration ne saurait être plus per­for­mante. Alors, la noire Oprah con­tre le blanc Don­ald ? L’Amérique pré­ten­du­ment de l’intelligence et de la société ouverte con­tre celle des bouseux ? Un remake du match Trump / Clin­ton maquil­lé en match Trump / Win­frey ? La pre­mière femme noire à la Mai­son Blanche ? Sans que per­son­ne dans les médias français ne voit à quel point il est racial­iste de con­sid­ér­er le sexe et la couleur de peau comme critère de sélec­tion d’une can­di­da­ture ? Il sem­ble que les améri­cains ne soient pas, majori­taire­ment, en tant que peu­ple, si embal­lés que cela… D’autant que le chanteur Seal a déjà mis en doute la sincérité de la star des talk shows stu­pides. Selon lui, Oprah Win­frey ne pou­vait ignor­er le com­porte­ment de Wein­stein, l’homme dont les actes sont à l’origine de l’agitation fémin­iste mon­di­ale actuelle. Il a d’ailleurs pub­lié sur Insta­gram des pho­tos mon­trant la com­plic­ité ami­cale entre Oprah et Wein­stein. Pour lui, la nou­velle égérie de la minorité médi­ati­co-cul­turelle améri­caine ment. Alors ? Los Ange­les con­tin­ue à faire son cinéma ?

Crédit pho­to : Palaz­zo Chi­gi via Flickr (cc)

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