Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Macron et la France dans la presse internationale

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

13 avril 2023

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Macron et la France dans la presse internationale

Macron et la France dans la presse internationale

Temps de lecture : 6 minutes

La caste mondialiste et libérale libertaire au pouvoir reproche souvent à l’affreux peuple français de ne pas regarder ce qui se passe à l’étranger. Les Français seraient trop fermés, pas assez sensibles aux expériences étrangères. Il leur faudrait remettre leurs certitudes en question, prendre exemple sur d’autres et s’adapter à la marche du monde. Chiche !

« Macron se soumet à la populace »

Ne ratant jamais une occa­sion de se moquer de son voisin français, le Dai­ly Mail voit dans l’annulation de la vis­ite de Charles III à Ver­sailles un Macron qui « se soumet à la pop­u­lace ». Enfonçant le clou, le jour­nal bri­tan­nique cite une source dépeignant un prési­dent français devenu ris­i­ble depuis son pas­sage en force sur la réforme des retraites, une déci­sion ayant déclenché des « vio­lences, des actes crim­inels et des man­i­fes­ta­tions aux qua­tre coins de la République ».

Une sit­u­a­tion des plus embar­ras­santes pour le chef de l’État français, inca­pable de créer les con­di­tions néces­saires à la récep­tion d’un homo­logue étranger, selon la respon­s­able des affaires royales au Dai­ly Mail, Rebec­ca Eng­lish. Cette dernière rap­pelle qu’il s’agit de la pre­mière vis­ite à l’étranger du sou­verain bri­tan­nique, qui, con­traint d’annuler sa venue en France, s’est finale­ment ren­du en Alle­magne, le 29 mars.

« Charles III, connaissez-vous la guillotine ? »

Tout aus­si intran­sigeant, le Tele­graph s’est lui aus­si saisi de l’affaire pour rap­pel­er sa ligne pro-Brex­it et à quel point, selon lui, la « réini­tial­i­sa­tion [des rap­ports] entre l’Union européenne et le Roy­aume-Uni [est] en plein désarroi ».

Le quo­ti­di­en con­ser­va­teur se plait à laiss­er tran­spir­er l’idée d’une France faite de chaos et de désor­dre, d’un pays peu­plé de gueux au tem­péra­ment régi­cide. Un lupa­nar man­i­feste­ment bien indigne pour que la Couronne bri­tan­nique ne s’y rende. D’ailleurs, le Tele­graph tient à met­tre en garde con­tre cette terre d’affreux réfrac­taires, et fait d’un graf­fi­ti repéré dans les rues de Paris son titre.

Cachez cette matraque que je ne saurais voir !

Les médias étrangers n’ont évidem­ment pas eu les mêmes pudeurs que les médias français de grand chemin quand il s’est agi de mon­tr­er les scènes de vio­lence s’étant déroulées dans les grandes villes français­es à la fin du mois de mars.

NBC News, Bloomberg Tele­vi­sion, 9 News Aus­tralia, BBC News, The Sun, etc. Ces médias que l’on ne peut pour­tant soupçon­ner d’être du mau­vais côté du manche ont fait leur tra­vail et relay­er les images mon­trant la France de Macron : poubelles en feu, man­i­fes­ta­tions sauvages et répres­sion poli­cière. Pour se faire une idée claire de la sit­u­a­tion en France, il fal­lait donc con­sul­ter des canaux Telegram, boud­er la presse sub­ven­tion­née française et se tourn­er vers des médias étrangers. Triste séquence pour l’état de la presse en France, qui une  fois de plus s’est révélée bien timide dans ce qui devrait être sa mis­sion la plus impor­tante : mon­tr­er le réel.

Voir aus­si : Amnesty Inter­na­tion­al con­damne la répres­sion des man­i­fes­ta­tions en France

« C’est une guerre »

Pour­tant peu habitué à nag­er à con­tre-flots, le Cour­ri­er inter­na­tion­al a com­mis un mon­tage vidéo inti­t­ulé « C’est une guerre » et rassem­blant les points de vue de médias étrangers sur la sit­u­a­tion en France. Du Kenya à l’Allemagne, en pas­sant par l’Inde et la Bel­gique, le son de cloche est le même : la France est jonchée de poubelles, l’ambiance est à la lim­ite de la guerre civile, la police tape fort et le prési­dent Macron est absent.

On y apprend notam­ment que les LBD (« lanceurs de balles de défense ») sont inter­dits en con­texte de man­i­fes­ta­tion dans de nom­breux pays européens, y com­pris au Koso­vo. Le jour­nal­iste suisse Richard Wer­ly est caté­gorique : les charges de CRS et les vio­lences poli­cières en man­i­fes­ta­tions sont une spé­cial­ité française.

La BBC s’est de son côté intéressée à la désor­mais célèbre BRAV‑M (brigade de répres­sion de l’action vio­lente motorisée) et a relayé des images et des enreg­istrements faisant état d’une unité aux procédés bru­taux. La RTS et le Guardian ont quant à eux titré sur l’usage exces­sif de la force et les arresta­tions arbi­traires. Depuis l’étranger, le tableau est clair : la France est le lieu d’une tiers-mondi­s­a­tion et d’une police hors de contrôle.

À l’étranger, le 49.3 ne passe pas

En France, les médias de grand chemin ont fait œuvre de « péd­a­gogie ». Il leur fal­lait expli­quer aux gaulois réfrac­taires les sub­til­ités de notre droit con­sti­tu­tion­nel, con­vo­quer les fameux experts en la matière (et même faire revenir Jean-Louis Debré !), rel­a­tivis­er l’emploi de l’article 49.3, refaire son his­toire et dire qu’il n’y avait là rien de très grave.

Pour des raisons évi­dentes, les médias étrangers ne sont quant à eux pas encom­brés de longs cours de droit con­sti­tu­tion­nel. Ils se devaient de trou­ver une for­mule résumant l’emploi du 49.3 et expli­quer une logique qui sem­ble n’être com­prise que par les chiens de garde de la Macronie.

Ils sont dans l’ensemble tombés sur une for­mule peu reluisante pour l’image du prési­dent français : « sans vote ». C’est ce que retien­dront finale­ment de cette affaire les Bri­tan­niques, les Améri­cains (« with­out vote »), les Alle­mands (« ohne Abstim­mung »), les Ital­iens (« sen­za voto »), les Espag­nols (« sin votación »), les Hon­grois (« szavazás nélkül »), les Polon­ais (« bez głosowa­nia »), et bien d’autres : la réforme des retraites est passée sans vote sur le texte. Voilà le prin­ci­pal mes­sage relayé par la presse étrangère, qui plante ain­si un décor fait de méth­odes gou­verne­men­tales tout sauf démocratiques.

Par ailleurs, ces mêmes médias ont présen­té le résul­tat du vote sur la motion de cen­sure comme un évène­ment cru­cial pour Emmanuel Macron, comme si le locataire de l’Élysée était en perdi­tion et à la tête d’un pays qu’il ne maîtrise plus.

Macron pourra-t-il encore faire la leçon aux Hongrois et aux Polonais ?

En défini­tive, l’image don­née de la France à l’étranger est on ne peut plus claire : le pays des droits de l’homme jamais avare de leçons de morale sur le respect des lib­ertés et de l’État droit s’est trans­for­mé en cham­pi­on européen de la répres­sion poli­cière et du fait du prince. Cette sit­u­a­tion a d’ailleurs con­duit le min­istre des Affaires étrangères hon­grois à expli­quer qu’il serait à l’avenir dif­fi­cile pour les Européens de l’Ouest de cri­ti­quer la Hon­grie sur la ques­tion de l’État de droit au vu des méth­odes employées en France.

Même ambiance en Pologne, pays qui fait égale­ment l’objet d’une croisade poli­tique sous cou­vert de pré­textes pseu­do-juridiques liés à l’État de droit, et où l’image du chef de l’État français n’en finit plus de se dégrader.

Les scènes de vio­lence vécues en France ces dernières semaines et les méth­odes de gou­verne­ment du prési­dent Macron sont en effet impens­ables à l’heure actuelle en Hon­grie et en Pologne, où la presse est d’ailleurs bien moins uni­voque qu’en France. Pour bien moins cela, Varso­vie et Budapest sont pour­tant les mou­tons noirs de l’Union européenne, alors que le héraut de l’État de droit Macron a les mains libres pour gou­vern­er par­fois à coups de matraques ou de 49.3.