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Partizán Media : stars du web-journalisme hongrois de gauche

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13 mars 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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Partizán Media : stars du web-journalisme hongrois de gauche

Temps de lecture : 8 minutes

Aux yeux des médias de grand chemin occidentaux, la Hongrie est ce trou noir situé au beau milieu de l’Europe où les libertés seraient bafouées, la classe politique dirigeante corrompue, raciste et homophobe et la presse tenue comme sous une obscure république soviétique. L’Ojim s’intéresse souvent à ce pays pour montrer à quel point les médias dominants sont capables de traiter une situation de manière biaisée et partisane.

Des médias « indépendants » sous influence

Un des mythes col­portés par cette presse bien-pen­sante con­siste à ten­ter de faire pass­er au for­ceps l’idée selon laque­lle les médias hon­grois cri­tiques du gou­verne­ment effectueraient leur tra­vail en étant « libres et indépen­dants », et qu’ils seraient en perte de vitesse, voire entravés dans leurs activ­ités. En réal­ité, ces fameux ten­ants de la « lib­erté et de l’indépendance » sont très nom­breux et act­ifs en Hon­grie, et ont des affil­i­a­tions poli­tiques et idéologiques claires. Ils ne sont pas sim­ple­ment cri­tiques du gou­verne­ment, mais camp­ent sur une ligne con­sis­tant à être orbanophobes par principe. Si les médias pro-gou­verne­men­taux domi­nent bien le marché de la presse papi­er et audio-visuelle, les médias anti-gou­verne­men­taux sont quant à eux de plus en plus impor­tants sur la toile.

À mesure que la jeunesse urbaine se wokise, les médias orbanophobes hon­grois pren­nent de l’ampleur, et ce n’est cer­taine­ment pas Vik­tor Orbán qui risque de stop­per cette évo­lu­tion — qui repose sur des lames de fonds soci­ologiques — par un quel­conque mécan­isme de cen­sure fan­tas­mé par les télé­graphistes du camp du Bien.

L’exemple Telex

À cet égard, l’Ojim a à plusieurs repris­es évo­qué le cas du média en ligne Telex, dont le suc­cès mon­tre bien qu’il existe en Hon­grie une presse farouche­ment cri­tique de la poli­tique du gou­verne­ment et ne risquant en rien d’être gênée par ce pou­voir orban­ien si décrié dans les médias sub­ven­tion­nés français. Un autre exem­ple est tout aus­si évo­ca­teur pour démon­ter la nar­ra­tion bien-pen­sante sur les pré­ten­dues prob­lèmes en matière de lib­erté de la presse en Hon­grie : le média en ligne Par­tizán (« Par­ti­san »), à l’« indépen­dance » haute­ment dou­teuse et dont la chaîne YouTube atteint des niveaux de fréquen­ta­tion colos­saux pour un pays de la taille de la Hongrie.

Le succès incontestable de Partizán

Par­tizán, c’est 340 000 abon­nés dans un pays de moins de 10 mil­lions d’habitants, des cen­taines de vidéos, des entre­tiens avec des per­son­nal­ités hon­grois­es, des doc­u­men­taires thé­ma­tiques mon­tés de manière pro­fes­sion­nelle, dont beau­coup con­cer­nent des hommes poli­tiques et des hommes d’affaires de la galax­ie Fidesz, et c’est surtout un vis­age, celui de Már­ton Gulyás, le fon­da­teur de ce média.

De son pro­pre aveu, Már­ton Gulyás n’est pas un jour­nal­iste pro­fes­sion­nel, il entend seule­ment « for­mer la con­science sociale ». Force est de con­stater qu’il le fait très bien. Son style est devenu unique dans la sphère des médias d’opposition, son tra­vail est soigné et son média incon­tourn­able au sein du paysage médi­a­tique hongrois.

Fondé à la veille des élec­tions munic­i­pales de l’automne 2019, ce média est la con­ti­nu­ité de la chaîne Sle­jm ani­mée par Gulyás. Il plaide pour un jour­nal­isme factuel, objec­tif et rem­plis­sant une mis­sion d’information d’intérêt pub­lic, mais son tra­vail réside surtout dans une volon­té de met­tre en dif­fi­culté les milieux gou­verne­men­taux. S’il n’a certes pas d’affiliations par­ti­sanes directes, ce média roule claire­ment pour les forces de la gauche hon­groise, comme en atteste son rôle act­if dans la sur­face médi­a­tique qu’il a offerte aux can­di­dats de la pri­maire de l’opposition à l’automne 2021. Dis­posant d’une grande vis­i­bil­ité — il est la pre­mière chaîne YouTube poli­tique hon­groise et a régulière­ment des résul­tats en ter­mes de vues meilleurs que nom­bre d’émissions de chaînes télévisées pro-gou­verne­men­tales —, il est un atout majeur pour les per­son­nal­ités poli­tiques de l’opposition enten­dant don­ner du poids médi­a­tique à leurs positions.

D’où vient l’argent ?

Le patron de ce média aime entretenir la fable selon laque­lle Par­tizán serait financé par ses petits dona­teurs, et donc que la résis­tance à l’orbanisme serait en marche grâce au sou­tien des abon­nés. La chaîne reçoit évidem­ment des dons de par­ti­c­uliers hon­grois, mais des doutes per­sis­tent sur la présence d’autres finance­ments depuis sa création.

En effet, ce média a un train de vie et une pro­duc­tiv­ité qu’il est impos­si­ble d’assurer par de sim­ples petits dons dans un pays comme la Hon­grie. En 2020, la chaîne évo­quait une somme ris­i­ble de 16 000 euros annuels sous la forme de dons. Pour 2022, le média revendique env­i­ron 15 mil­lions de forints de micro-dons (env­i­ron 39 000 euros). Or, il se trou­ve que les locaux que la chaîne loue à Budapest font plusieurs cen­taines de mètres car­rés et que l’équipe de ce média compte plus de vingt per­son­nes. Sans même par­ler du matériel et du bud­get des­tiné à pay­er des annonces sur YouTube, le compte n’y est absol­u­ment pas.

Une fois de plus, l’anguille sous roche est bien iden­ti­fi­able : des grands dona­teurs mon­di­al­istes. C’est en l’occurrence assez cocasse pour une chaîne nom­mée « Par­ti­san », tou­jours si prompte à pren­dre la défense des pro­lé­taires. Mais dis­ons-le tout net : Par­tizán n’est en réal­ité pas tant du côté des petites gens que de ces nou­veaux pro­lé­taires si chers au marx­isme cul­turel US et au wok­isme « inter­sec­tion­nel ». Des nou­velles idéolo­gies que le gou­verne­ment hon­grois ne porte pas par­ti­c­ulière­ment dans son cœur, mais que les castes mon­di­al­istes aiment tant dif­fuser et financer.

German Marshall Fund

Fin 2021, la chaîne annonçait par exem­ple avoir reçu 15 000 dol­lars du Ger­man Mar­shall Fund (GMF) pour assur­er l’achat de matériel (caméras, lam­pes, etc.). Le GMF a été fondé en 1972 sous l’égide de la Fon­da­tion Carnegie, il fait par­tie de cette vaste nébuleuse de fon­da­tions étant des éma­na­tions des ser­vices US.

Voici une liste rapi­de des bien­fai­teurs du GMF qui finance le jour­nal­isme « libre et indépen­dant » de Par­tizán : Robert Bosch, Google, Ama­zon, Microsoft, Air­bus, Boe­ing, JPMor­gan, Deloitte, Gilead Sci­ences, les Open Soci­ety Foun­da­tions, la fon­da­tion Rock­e­feller, la fon­da­tion Knight, la Com­mis­sion européenne, les min­istères des Affaires étrangères sué­dois et norvégiens, BNP Paris, la délé­ga­tion de l’UE aux États-Unis, les ambas­sades des États-Unis en France et en Alle­magne, la mis­sion des États-Unis à l’OTAN, le min­istère des Armées de la République française, l’ECFR, etc. Mais aus­si l’USAID, l’Agence des États-Unis pour le développe­ment inter­na­tion­al, dont la prési­dente Saman­ta Pow­er s’est récem­ment ren­due à Budapest pour ren­con­tr­er en autres l’ambassadeur US David Press­man, mais surtout faire part de ses inquié­tudes sur l’état de la lib­erté de la presse et de la cor­rup­tion en Hon­grie.

La prési­dente du GMF, Heather A. Con­ley, a avant d’occuper ce poste passé douze ans au Cen­ter for Strate­gic and Inter­na­tion­al Stud­ies (CSIS), où elle a été à l’origine d’une série de travaux inti­t­ulée Krem­lin Play­book, des recherch­es exam­i­nant la doc­trine et la méthodolo­gie de l’économie « malveil­lante » russe en Europe. Le GMF a évidem­ment une ligne 100% pro-ukraini­enne. D’ailleurs, par­mi ses bien­fai­teurs on trou­ve aus­si Gas TSO in Ukraine, la société ukraini­enne en charge de l’importation et du tran­sit du gaz en Ukraine.

The Foundation for Democracy and Pluralism

Par­tizán a aus­si recon­nu avoir reçu 200 000 dol­lars de la part de la Foun­da­tion for Democ­ra­cy and Plu­ral­ism, une somme que le média dit avoir util­isé pour amé­nag­er ses nou­veaux stu­dios. Cette fon­da­tion est récente, elle a été créée en 2021 par Daniel Sachs, un Sué­dois mem­bre du comité des Open Soci­ety Foun­da­tions de George Soros et du con­seil de l’ECFR, un des ten­tac­ules de la pieu­vre du même Soros, alors qu’il est chair­man de l’OSF Invest­ment Com­mit­tee. Autant dire, un per­son­nage de pre­mier plan de la galax­ie Soros.

Sachs est aus­si mem­bre du comité mon­di­al du World Eco­nom­ic Forum de Davos. Il a fait car­rière dans la ges­tion de fonds, notam­ment en créant la société P Cap­i­tal Part­ners, et en tra­vail­lant pour une série de fonds notam­ment act­ifs dans le domaine des éner­gies renouvelables.

Les liens de Sachs avec le Forum économique mon­di­al de Davos expliquent sans doute pourquoi la chaîne Par­tizán a pub­lié le 3 févri­er dernier une vidéo à charge con­tre Lás­zló Toroczkai, prési­dent du par­ti nation­al­iste Mi Hazánk (Notre patrie) et député au Par­lement hon­grois. Toroczkai a été le pre­mier à avoir des posi­tions très cri­tiques sur les « mesures san­i­taires » et dénon­cent régulière­ment l’influence du Forum de Davos. Des posi­tions qui ont vis­i­ble­ment agacé le patron de Par­tizán, selon lequel la dénon­ci­a­tion de Davos ne peut que procéder d’un com­plo­tisme de bas étage. La réac­tion de Toroczkai n’a pas tardé, et elle ne fait pas l’impasse sur les finance­ments pour le moins intéres­sants de la chaîne Partizán.

National Endowment for Democracy

Le tableau ne serait pas com­plet si on ne trou­vait pas par­mi les dona­teurs de la chaîne en quelque sorte la mai­son-mère de toute la galax­ie des ONG et des fon­da­tions pro­mou­vant le Bien aux qua­tre coins du globe : la Nation­al Endow­ment for Dem­crac­cy (NED).

Par­tizán a reçu de la NED 98 000 dol­lars pour le finance­ment d’un « road­show » dans les semaines ayant précédé les élec­tions lég­isla­tives d’avril 2022. Cet épisode avait beau­coup fait jas­er en Hon­grie. Il s’agissait d’une tournée en camion améri­cain dans plusieurs villes de province, man­i­feste­ment pour semer la bonne parole anti-Orbán dans des con­trées peu récep­tives au dis­cours bolché­woke de l’opposition hon­groise. Pour résumer : un immense camion pol­lu­ant copieuse­ment, d’une valeur con­séquente, payé par la NED, un pseudopode de la CIA, en pleine cam­pagne élec­torale, tout cela organ­isé par un média « libre et indépen­dant », qui aime expli­quer qu’Orbán musèle la presse. Il faut recon­naître que c’est assez grotesque. Les maîtres mon­di­al­istes ont les exé­cu­tants locaux qu’ils méritent.

Voir aussi

George Soros et la société ouverte