Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
L’ICFJ : une pouponnière au service du « monde libre » américain (2)

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

27 décembre 2022

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Dossiers | L’ICFJ : une pouponnière au service du « monde libre » américain (2)

L’ICFJ : une pouponnière au service du « monde libre » américain (2)

Temps de lecture : 6 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 14/10/2022.

Seconde partie. En près de trente années d’existence, cette organisation a étendu ses activités dans près de 180 pays et revendique un réseau fort de plus de 150 000 journalistes. Une puissante machine de formation et de mise en réseaux des journalistes dont on parle peu en Europe. Éclairage sur l’ICFJ, un bras incontournable de la force de frappe médiatique US au plan mondial.

Guerre de l’information contre la Russie

Sans sur­prise, l’ICFJ est égale­ment très act­if dans la guerre de l’information menée par les puis­sances occi­den­tales con­tre la Russie. Et là aus­si, le cen­tre de for­ma­tion wash­ing­tonien voit dans son activ­ité un rôle « vital ».

Dans un doc­u­ment pub­lié le 31 août dernier, l’ICFJ a tenu à faire un faire point sur son rôle dans la guerre de l’information depuis l’ « inva­sion bru­tale de l’Ukraine par la Russie » com­mencée six mois plus tôt.

Ces derniers mois, ce rôle a con­sisté en des sou­tiens financiers à des jour­nal­istes tra­vail­lant pour des médias ouverte­ment hos­tiles au prési­dent russe et basés non seule­ment en Russie et en Ukraine mais aus­si dans des pays con­nus pour com­porter d’importants élé­ments rus­so­phobes (Pologne, Kaza­khstan et Kirghizistan).

C’est ain­si que l’ICFJ a par exem­ple financé à hau­teur de 10 000 dol­lars un pro­jet de car­togra­phie mil­i­taire des « crimes russ­es » porté par trois salariés du groupe ISD (une agence de créa­tion numérique) en étroite col­lab­o­ra­tion avec le média ukrainien Slid­st­vo.

Dans la liste des douze pro­jets soutenus par l’ICFJ, on trou­ve aus­si le finance­ment d’une plate-forme de mise en rela­tion des jour­nal­istes de langue russe, la Discours.io Media Com­mu­ni­ty, un site où se fréquentent env­i­ron 800 jour­nal­istes tous décidés à en découdre avec le Krem­lin. Mais encore un sou­tien financier à la jour­nal­iste ukraini­enne Anas­ta­sia Rudenko, qui s’occupe des « impacts écologiques de la guerre », une enveloppe de 3000 dol­lars à Nazi­ra Darimbe, qui lutte « con­tre la dés­in­for­ma­tion russe » depuis le Kazakhstan.

L’ICFJ ne s’en cache absol­u­ment pas : son par­ti-pris dans le con­flit est totale­ment ouvert et il met la main au porte­feuille en con­séquence. Pour ce qui de ces pro­jets de sou­tien aux jour­nal­istes et aux médias trai­tant du prob­lème russe, l’ICFL s’appuie prin­ci­pale­ment sur la Fon­da­tion John S. et James L. Knight.

Voir aus­si : L’ICFJ : une poupon­nière au ser­vice du « monde libre » améri­cain. Pre­mière partie

La très généreuse Fondation Knight

Elle existe depuis 1950 et tient son nom des mag­nats de la presse John S. et James L. Knight, qui ont mis sur pieds une struc­ture finançant chaque année des pro­jets jour­nal­is­tiques à hau­teur de plusieurs dizaines de mil­lions de dol­lars — systé­ma­tique­ment plus de 100 mil­lions de dol­lars par an depuis le début des années 2000, 123 mil­lions en 2020 par exem­ple, alors que son bud­get est de près de 3 mil­liards de dol­lars par an.

Proche de grandes uni­ver­sités améri­caines, de plusieurs titres de presse par le bais de 18 « com­mu­nautés » répar­ties sur tout le ter­ri­toire des États-Unis, cette fon­da­tion est dirigée par Alber­to Ibargüen depuis 2005, qui, avant de pren­dre les rênes de la Knight, occu­pait des postes à respon­s­abil­ité au sein du Mia­mi Her­ald et du El Nue­vo Her­ald.

Alber­to Ibargüen présente égale­ment un CV typ­ique de ces hommes occu­pant de postes impor­tants au sein de ces innom­brables fon­da­tions nord-améri­caines à voca­tion « phil­an­thropique ». Voici une liste, sans doute non-exhaus­tive, des struc­tures dans lesquelles Ibargüen siège ou a siégé : les comités d’AMR Cor­po­ra­tion (Amer­i­can Air­lines), Pep­si­Co, AOL, Nor­we­gian Cruise Lines, le Comité poli­tique des Affaires étrangères du Secré­tari­at d’État, Con­seil des Affaires étrangères ou encore l’Inter-American Dia­logue. Des fils qui mènent tous aux struc­tures de la pro­jec­tion US à l’étranger, que ce soit dans son ver­sant privé ou public.

Les liens de la Fon­da­tion Knight avec l’ICFJ ne sont qu’un exem­ple de cette con­nivence entre le pou­voir US et de ce jour­nal­isme fier de son indépen­dance et de son com­bat pour le Bien. Un zoom sur les dirigeants et le réseau de l’ICFJ lèvent tout doute sur la réelle nature de ce cen­tre de formation.

La fine équipe de l’ICFJ

Pour don­ner le ton, com­mençons par le prési­dent du comité des directeurs de l’ICFJ, Michael Gold­en, qui n’est autre que l’ancien vice-prési­dent de la New York Times Com­pa­ny, un homme de médias d’un anti-trump­isme frisant la pathologie.

Au sein du comité de direc­tion de l’ICFJ, on croise aus­si un des piliers de Bloomberg News, Matthew Win­kler, mais aus­si des dirigeants de société d’investissements comme Geer Moun­tain Hold­ings LLC (Jason H. Wright) ou encore Berman Cap­i­tal Advi­sors (Wen­dell Reil­ly). Une des vices-prési­dentes est par ailleurs liée à la Fon­da­tion Scripps Howard, qui, sur le mod­èle de la Fon­da­tion Knight, s’occupe de sou­tien à grandes échelles de pro­jets journalistiques.

Par­mi les directeurs et con­seillers de l’ICFJ, deux tra­vail­lent pour la désor­mais célèbre société McK­in­sey and Co. (Rik Kirk­land, Frank Comes), une pour Face­book (Anne Korn­blut), un pour Google (Richard Gringras), alors qu’on retrou­ve des jour­nal­istes de Politi­co, du New York Times, de la NBC et de la MSNBC, du Wall Street Jour­nal et des pro­fils passés par la pres­tigieuse John F. Kennedy School of Gov­ern­ment, une chapelle for­mant les élites poli­tiques améri­caines au sein de l’université de Harvard.

Éplucher les par­cours des col­lab­o­ra­teurs et des dirigeants de l’ICFJ donne de sérieux indices sur l’affiliation de cette organ­i­sa­tion, mais rien ne peut rivalis­er avec un sim­ple coup d’œil à la liste des donateurs.

Les bienfaiteurs de l’ICFL, une belle brochette !

L’ICFJ a der­rière lui un batail­lon de dona­teurs bien gar­ni et des plus pres­tigieux. Dans son rap­port annuel de 2020, il a dressé la liste des bien­fai­teurs ayant ver­sé plus de 5000 dol­lars. On y trou­ve le Départe­ment d’État ain­si que l’Agence US pour le Développe­ment inter­na­tion­al, mais aus­si des entre­pris­es privées. En voici une sélec­tion : Face­book Jour­nal­ism Project, Dow Jones/News Corp, Microsoft, Google News Ini­tia­tive, Al Jazeera Media Net­work, Apple News, Nation­al Geo­graph­ic, CBS News, CNN, Dis­cov­ery, Fox, McK­in­sey and Com­pa­ny, Politi­co, The NYT Com­pa­ny, The Wash­ing­ton Post, Ernst and Young.

Des par­rains qui ne sont pas moins pres­tigieux quand on se penche sur les organ­i­sa­tions et les fon­da­tions finançant l’ICFJ : l’Organisation Mon­di­ale de la San­té, Radio Free Asia, Free­dom House, Stan­ford Uni­ver­si­ty, Nation­al Endow­ment for Democ­ra­cy, Bill and Melin­da Gates Fon­da­tion et Bloomberg Philanthropies.

La grande presse, les GAFAM, les papes de l’IT et des biotechs, les grandes uni­ver­sités améri­caines et les fon­da­tions en charge de la prop­a­ga­tion des valeurs US, tous réu­nis pour aider le tra­vail soi-dis­ant bien inten­tion­né de l’ICFJ, au ser­vice de… vous pou­vez compléter.