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Denis Robert vire un pilier de Blast

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28 juin 2022

Temps de lecture : 5 minutes
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Denis Robert vire un pilier de Blast

Temps de lecture : 5 minutes

Le journaliste Serge Faubert vient d’annoncer son départ forcé de la chaîne d’info en ligne Blast dirigée par Denis Robert. En cause : une chronique de Faubert sur Taha Bouhafs sortant des clous et l’étalage de dissensions au sein de la France insoumise. Robert accuse depuis Faubert de créer le scandale pour lancer sa nouvelle chaîne. Faubert persiste et signe : il n’a fait que respecter la Charte de déontologie de Munich et accuse Robert d’avoir voulu dissimuler des faits avérés sur le candidat malheureux de Vénissieux.

Serge Faubert s’estime victime d’une censure 

Con­nu pour son émis­sion heb­do­madaire sur Blast, « Un Bour­bon sinon rien », Serge Faubert a été licen­cié de la Web TV lancée il y a un an par l’écrivain et jour­nal­iste Denis Robert. Faubert affirme avoir été cen­suré par la direc­trice de la rédac­tion de Blast, Soumaya Benais­sa, et par Denis Robert, pour sa chronique du 28 avril 2022, plus exacte­ment sur la séquence por­tant sur Taha Bouhafs, can­di­dat aux lég­isla­tives qui sera plus tard écarté par LFI pour des accu­sa­tions de vio­lences sexuelles.

La direc­trice de la rédac­tion et Denis Robert auraient refusé de dif­fuser des infor­ma­tions pour­tant large­ment répan­dues dans la presse main­stream : le tweet de Bouhafs con­tre Char­lie Heb­do, l’affaire de la fake news du blessé de la fac­ulté de Tol­bi­ac et la con­damna­tion en pre­mière instance dans le procès inten­té par une syn­di­cal­iste policière.

Des sujets d’autant plus sen­si­bles que Faubert avait eu vent de con­flits au sein de la France insoumise sur la per­son­nal­ité de Taha Bouhafs, et prévoy­ait de les révéler. Inac­cept­able pour Denis Robert.

Voir aus­si : Taha Bouhafs, portrait

« Logorrhée de l’extrême-droite »

Serge Faubert pré­tend avoir eu droit au tra­di­tion­nel cou­plet du « jeu de l’extrême-droite ». Il évoque un SMS que lui aurait adressé Denis Robert pour lui deman­der de procéder à de gross­es coupes voire de ne pas du tout évo­quer le sujet Bouhafs dans sa chronique :

« Nous ne sommes ni BFM ni Valeurs Actuelles […], [tu joues] de la même log­or­rhée que la droite Valls et que l’extrême-droite. »

Si cela est vrai, on aura con­nu Denis Robert plus courageux…

Blackrock et BHL, oui, Taha Bouhafs, non ? 

Il faut le recon­naître : Blast occupe une place par­ti­c­ulière dans la galax­ie des médias de gauche. Il arrive à cette chaîne de déranger et de faire bouger les lignes, alors que son chef de file et ancien du Média, Denis Robert, est incon­testable­ment un jour­nal­iste de qual­ité. Ce dernier s’est fait con­naître pour ses travaux de jour­nal­iste d’investigation — une approche du jour­nal­isme peu répan­due et mal-maîtrisée en France — sur dif­férentes affaires politi­co-finan­cières. Il est égale­ment l’auteur d’un ouvrage intéres­sant sur le pre­mier gérant d’actifs financiers du monde, Black­rock. Récem­ment, Blast a même fait con­damn­er BHL dans le cadre d’un procès en diffama­tion, autant dire pas une mince affaire ! Robert avait eu le courage d’évoquer BHL en ces ter­mes : « pigiste de luxe qui refour­gue sa quincaillerie »

Denis Robert n’a donc pas peur de BHL, mais reculerait devant Taha Bouhafs ? Éton­nant… Voire inquié­tant : cela laisse entrevoir le poids de l’is­lamo-gauchisme au sein de cette « nou­velle gauche », mais encore l’in­er­tie de cer­tains tabous chez un homme comme Robert, que l’on ne peut tax­er de naïveté ou de couardise.

Autre blocage men­tal : l’Ukraine. Face à Marc Eichinger, dans une émis­sion inti­t­ulée « Ukraine : les oli­gar­ques et vendeurs d’armes der­rière la guerre », Denis Robert peinait à dis­simuler qu’il fai­sait sem­blant de décou­vrir que Zelen­sky n’était pas tout rose et que l’Ukraine était aux mains d’oligarques depuis la chute du Mur, tout en feignant la sur­prise en enten­dant que ces oli­gar­ques n’étaient pas russ­es mais ukrainiens.

Robert n’a pas la même version des faits 

Pour se défendre, il affirme que son ancien col­lègue Faubert a inven­té cette his­toire de toute pièce pour lancer sa nou­velle chaîne YouTube — à peine créée, elle compte déjà plus de 35 000 abon­nés. Denis Robert promet quant à lui de prou­ver très prochaine­ment qu’il a rai­son et que Faubert ment dans cette affaire.

Quoiqu’il en soit, cet épisode mon­tre une chose : ceux déclarant faire la pro­mo­tion du col­lec­tif, de la coopéra­tion et de l’émulation sont d’or­di­naire les moins aptes à tra­vailler en bonne entente. Le décalage entre le dis­cours et la réal­ité est abyssal et la gauche compte par­mi ses rangs tout autant de per­son­nal­ités fortes et autori­taires que la droite. Avec peut-être le côté mélo­dra­ma­tique et procé­duri­er en plus.

Faubert va aux Prud’hommes

Dans un mail adressé à ses col­lègues le 29 avril, qui aurait déclenché son licen­ciement, Serge Faubert demande aus­si la créa­tion d’une SDJ (Société des Jour­nal­istes), c’est-à-dire d’une instance col­lec­tive qui en cas de désac­cord édi­to­r­i­al serait en mesure d’assurer un rôle de médiation.

Faubert sou­tient, dans sa let­tre de moti­va­tion, que cette demande a été qual­i­fiée de « volon­té d’imposer par des manœu­vres aus­si sournois­es que bru­tales dans le but d’imposer un pro­jet jour­nal­is­tique dif­férent de celui défi­ni dès la créa­tion de Blast. »

Le hic, selon Faubert, c’est que Blast n’a pas de charte édi­to­ri­ale et que la direc­tion se pré­vaut donc de quelque chose qui n’existe pas. Une lacune qui, selon lui, risque d’interpeller ceux qui se pronon­ceront sur le bien-fondé de son licen­ciement au con­seil des Prud’hommes. Affaire à suivre.