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Délinquance des mineurs étrangers : un phénomène isolé pour les médias de grand chemin

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2 mars 2020

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Délinquance des mineurs étrangers : un phénomène isolé pour les médias de grand chemin

Délinquance des mineurs étrangers : un phénomène isolé pour les médias de grand chemin

Temps de lecture : 6 minutes

Les derniers chiffres du ministère de l’intérieur le montrent : la délinquance est en pleine expansion. Parmi les délinquants, les jeunes étrangers qui se prétendent mineurs sont de plus en plus nombreux. L’analyse des articles des médias consacrés à ce sujet est riche d’enseignements.

Des faits isolés selon de nombreux médias

Les jour­naux et sites d’information régionaux con­sacrent de nom­breux arti­cles à la délin­quance des mineurs étrangers, par­fois appelés « mineurs non accom­pa­g­nés ». On peut par­ler d’un véri­ta­ble phénomène de société, mais qui n’est pas décrit comme tel : en effet, aucun lien n’est don­né entre les dif­férents faits relatés. Ceci bien qu’ils aient les mêmes caractéristiques.

Les pharmacies particulièrement visées

Plusieurs titres de presse ou sites d’information en font état : un peu partout en France, des phar­ma­cies sont cam­bri­olées par des mineurs étrangers. Cer­tains ne men­tion­nent pas la nation­al­ité des délin­quants, comme les cam­bri­o­lages com­mis par des « mineurs » en Seine et Marne selon Actu.fr, à Mont­pel­li­er selon France bleu, à Laon selon Le Cour­ri­er picard, etc. Actu.fr relate l’arrestation de mineurs isolés et cam­bri­oleurs à Ram­bouil­let et au Perray.

Cer­tains médias, plus rares, ne cachent pas la nation­al­ité des jeunes délin­quants. Le Cour­ri­er picard fait état en jan­vi­er de trois mineurs maro­cains inter­pel­lés lors du cam­bri­o­lage d’une phar­ma­cie à Chan­til­ly. À Orange, en sep­tem­bre 2019, ce sont selon Le Dauphiné des jeunes maro­cains qui sont inter­pel­lés alors qu’ils s’en pren­nent à une phar­ma­cie. À Chalons, en décem­bre 2019, un jeune « d’origine étrangère » est jugé pour avoir cam­bri­olé des phar­ma­cies selon L’Union, etc.

Des vols et agressions en tous genres

Les méfaits de cer­tains jeunes étrangers ne s’arrêtent pas là. Ce sont des vols et des agres­sions en tous gen­res que rela­tent les médias régionaux.

À Nan­cy, des « mineurs non accom­pa­g­nés » (traduire : de jeunes étrangers) com­met­tent selon 20 Min­utes le 27 jan­vi­er des vols de porta­bles avec violence.

À Nantes selon Ouest-France comme ailleurs, les inter­pel­la­tions des jeunes délin­quants ne sont pas suiv­ies d’effet.

À Pont Sainte Max­ence, le maire est obligé d’instaurer un cou­vre-feu pour les mineurs selon Actu.fr L’objectif est de faire cess­er l’arrivée des jeunes étrangers qui vien­nent de région parisi­enne pour com­met­tre leurs méfaits.

En Gironde, la délin­quance est en hausse et les mineurs étrangers ne sont pas en reste selon France 3. À Mont­pel­li­er, les « mineurs » délin­quants sont finale­ment majeurs selon Actu.fr.

Le 21 févri­er selon Le Parisien, « quinze mineurs isolés (ont été) inter­pel­lés pour plusieurs cam­bri­o­lages dans les Yve­lines ». Algériens ou maro­cains, les jeunes étrangers ont fait l’objet d’un …rap­pel à la loi bien qu’ils aient recon­nu les faits.

Des tentatives d’analyse circonscrites géographiquement

Les médias qui essaient d’analyser le phénomène sont rares. Quand les ten­ta­tives d’explications exis­tent, elles ne dépassent pas un cadre géo­graphique restreint : la ville ou le département.

L’Obs con­sacre un arti­cle à l’explosion des vols et des vio­lences à Paris, « en grand par­tie le fait de mineurs ». Si les ter­mes util­isés ne cachent pas la grav­ité de la sit­u­a­tion, l’hebdomadaire de gauche bon teint s’attarde sur… « le dif­fi­cile tra­vail quo­ti­di­en de la sec­tion des mineurs du par­quet de Paris ». Un peu de com­pas­sion pour les vic­times n’aurait pas nui…

Le Préfet de Police de Paris évoque sur Pub­lic Sénat une « vio­lence inquis­i­tive, de voie publique, par­ti­c­ulière­ment sig­ni­fica­tive ». Il par­le sur la chaine par­lemen­taire d’« une réelle spé­ci­ficité à Paris » et se garde bien d’évoquer un phénomène national.

Dans le départe­ment de l’Héraut, Le Midi libre mène une enquête sur la délin­quance dans le départe­ment. « La prob­lé­ma­tique des mineurs délin­quants est très prég­nante sur la ville (Mont­pel­li­er) ». Ils représen­taient 41% de la pop­u­la­tion délin­quante en 2019 con­tre 34% en 2018, nous informe le quo­ti­di­en régional.

Selon Sud-Ouest le 22 févri­er, qua­tre frères « écoulaient le butin » dérobé par des jeunes étrangers à Bor­deaux. « Le phénomène Mineurs Non Accom­pa­g­nés empoi­sonne la jus­tice et la police bor­de­laise depuis plus de trois ans ». Arrachages de chaines de cou ou de télé­phones, cam­bri­o­lages, squats : le quo­ti­di­en région­al nous informe qu’il ne s’agit pas de faits isolés mais bien de plusieurs cen­taines d’objets (télé­phones, col­liers, mon­tres, etc.) qui sont volés chaque semaine.

Si cer­tains titres essaient de dépass­er le traite­ment ponctuel de faits de délin­quance, aucun média ne recoupe les infor­ma­tions épars­es sur ces ban­des de jeunes délin­quants étrangers qui sem­blent opér­er leurs méfaits dans une qua­si impunité, au point d’en faire un phénomène de société en pleine expan­sion mais à bas bruit médiatique.

La réforme de la justice pénale des mineurs

Face à la délin­quance de plus en plus pré­coce de jeunes, le gou­verne­ment a entre­pris une réforme de la jus­tice pénale des mineurs. Son objec­tif serait selon l’Union de « juger mieux et plus vite ».

C’en est déjà trop pour la gauche castafiore qui donne de la voix : à Caen, selon Ouest-France, des édu­ca­teurs de la Pro­tec­tion Judi­ci­aire de la Jeunesse man­i­fes­tent con­tre la réforme. La pho­to de la ban­de­role de la man­i­fes­ta­tion mon­tre une franche oppo­si­tion à l’enfermement. France cul­ture par­le d’une « réforme à marche for­cée ». On craint le pire. France bleu cou­vre une grève d’éducateurs à Car­pen­tras tan­dis que L’Humanité évoque une « jus­tice plus expédi­tive pour les mineurs ».

Une fermeté en trompe l’œil pour un pédopsychiatre bien isolé

Alors que la réforme de la jus­tice pénale pour les mineurs est soumise au Par­lement, un pédopsy­chi­a­tre, Mau­rice Berg­er, estime dans une tri­bune parue dans Le Figaro du 23 févri­er 2020 que celle-ci n’apportera pas les répons­es néces­saires à la délin­quance des mineurs. Il rap­pelle qu’un fait de vio­lence gra­tu­ite a été com­mis toutes les 44 sec­on­des en 2018 et que la part des mineurs dans ces vio­lences qui peu­vent causer la mort est impor­tante. Il cite plusieurs dis­po­si­tions qui ne vont pas dans le sens de la fer­meté : « pré­somp­tion de non dis­cerne­ment pour les moins de 13 ans », droit du mineur à l’accompagnement par les par­ents lors de l’enquête judi­ci­aire, fin de la prison ferme pour les peines inférieures à un mois, etc. La liste est longue.

Un remake de la loi Asile et immigration ?

Le jeu des acteurs dans cette réforme relayé par les médias de grand chemin ressem­ble étrange­ment à celui qui a été tenu lors du débat sur la loi Asile et immi­gra­tion en 2018. Un jeu médi­atisé sans grand recul dans les médias.

Cen­sée résoudre un prob­lème – la délin­quance crois­sante des jeunes mineurs – grâce à une accéléra­tion des procé­dures, la réforme fait l’objet d’un tir de bar­rage de la gauche castafiore. Des syn­di­cal­istes et des mil­i­tants de gauche utilisent les médias comme un porte-voix à leur oppo­si­tion à tout dur­cisse­ment de la loi applic­a­bles aux mineurs. Pour faire pass­er sa réforme, le gou­verne­ment donne des gages à la gauche, notam­ment en évi­tant soigneuse­ment de revenir sur une mesure essen­tielle : la dis­pense pour les mineurs d’avoir un titre de séjour, qui rend l’expulsion des mineurs étrangers délin­quants très dif­fi­cile voire impossible.

Il est plus que prob­a­ble que les médias con­tin­u­ent à l’avenir d’évoquer ponctuelle­ment l’augmentation con­tin­ue de la délin­quance des jeunes étrangers, sans se pos­er out­re mesure des ques­tions dérangeantes. Des jeunes qui plus que jamais con­sid­éreront la France comme un pays de cocagne où un sim­ple rap­pel à la loi est sou­vent le sol­de de tout compte de vols à répétition…Sans que cela provoque out­re mesure une bron­ca médiatique.