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Benoît Bouscarel sur France Culture ou l’art de la contamination

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13 mai 2016

Temps de lecture : 3 minutes
Accueil | Veille médias | Benoît Bouscarel sur France Culture ou l’art de la contamination

Benoît Bouscarel sur France Culture ou l’art de la contamination

Temps de lecture : 3 minutes

Question : comment stigmatiser une idée ou une initiative en la réduisant à une pantomime ? Réponse : en l’assimilant à un clown un peu inquiétant.

C’est ce qu’a fait avec un cer­tain tal­ent et beau­coup de minu­tie mil­i­tante le ven­dre­di 13 mai dans Benoît Bous­carel dans son bil­let poli­tique quo­ti­di­en sur France Cul­ture.

Résumons : un rappeur peu con­nu et peu ragoû­tant a été invité à se pro­duire à Ver­dun en marge des com­mé­mora­tions devant les jeunes français et alle­mands invités pour l’occasion. Devant la mobil­i­sa­tion d’une par­tie de l’opinion scan­dal­isée les organ­isa­teurs (en se ren­voy­ant la respon­s­abil­ité de l’invitation) ont fini par annuler le concert.

Mails là n’est pas l’objet du bil­let poli­tique du jour, il s’agit de démon­tr­er par une fine mar­que­terie de jux­ta­po­si­tion que la dénon­ci­a­tion de la venue du rappeur est 1) une manœu­vre d’extrême droite, 2) que cette manœu­vre est tout à la fois morale­ment con­damnable de par celui qui est iden­ti­fié comme son prin­ci­pal opéra­teur( Hen­ry de Lesquen) et égale­ment ridicule.

Le titre « La grande famille de l’extrême-droite si divisée sait par­fois retrou­ver une cer­taine unité » annonce le reste de la chronique : le Front Nation­al ver­sion com­man­de­ment général ou ver­sion vieille école , la galax­ie iden­ti­taire et nation­al­iste, les fas­cistes se sont réu­nis autour d’un pré­texte sec­ondaire et mon­trent leur vis­age tou­jours menaçant. Les expres­sions inca­pac­i­tantes font florès: « galax­ie extrêmiste, una­nim­ité d’extrême droite, la fachos­phère, polémique ».

Con­nais­sez vous l’art du « name drop­ping » ? Vous glis­sez plusieurs noms dans une con­ver­sa­tion (un arti­cle, une chronique) pour les con­not­er au sens éty­mologique du terme, leur don­ner le même ton, les amal­gamer. Benoît Bous­carel maîtrise joli­ment la tech­nique. Robert Ménard et Mar­i­on Maréchal Le Pen sont cités en pas­sant (le rassem­ble­ment de Béziers organ­isé par son maire doit y être pour quelque chose) en les égratig­nant au pas­sage. Jean-Marie Le Pen est cité par rac­croc (voir infra), mais don­ner son nom en même temps que celui de sa nièce ajoute de l’eau au moulin du « tous les mêmes au fond ». Le seul sur lequel le chroniqueur s’étend est Hen­ry de Lesquen, cer­tains voient dans ce con­cert « …une nou­velle preuve de la matéri­al­ité du grand rem­place­ment qui serait à l’œuvre en Europe pour la pro­mo­tion d’une cul­ture cos­mopo­lite, cre­do d’Henry de Lesquen (c’est nous qui soulignons), proche de Jean Marie Le Pen, can­di­dat à la prési­dence de la République… par ailleurs patron de Radio Cour­toisie qui etc… ». Pourquoi longue­ment citer Lesquen un pro­tag­o­niste tout à fait mar­gin­al dans cette affaire ? Pourquoi le met­tre au pre­mier plan ? Parce qu’il est le can­di­dat style Fer­di­nand Lop ou Mouna Aguigui qui veut tout à la fois et entre autres annex­er la Bel­gique, inter­dire la « musique nègre » sur les antennes publiques, démon­ter la Tour Eif­fel (sic) et brûler le code du tra­vail. Pas­sons sur sa présence au dîn­er de Rivarol, un rassem­ble­ment tératologique.

Pour l’auditeur pressé la cause est enten­due : la dénon­ci­a­tion de la venue du rappeur est le fait d’une bande d’olibrius énervés et dan­gereux. Dans son livre « La langue des médias » (édi­tions L’Artilleur) la chercheuse de Paris IV Ingrid Riocre­ux définit l’information comme une « vit­re sale ». Jamais l’expression n’a trou­vé meilleure illustration.