Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
À 75 ans, Presse-Océan plus près de la tombe que de la renaissance

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

25 août 2019

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | À 75 ans, Presse-Océan plus près de la tombe que de la renaissance

À 75 ans, Presse-Océan plus près de la tombe que de la renaissance

Temps de lecture : 4 minutes

À Nantes, le journal Presse-Océan fête ses 75 ans, sans tambour ni trompette. Malgré un texte triomphant, le journal historique perd au fil des années abonnées, lecteurs et influence. Cannibalisé par Ouest-France, il n’arrive guère à faire vivre ses sensibilités – anti-aéroport quand Ouest-France était à fond pour, pro-réunification bretonne quand Ouest-France glorifie les régions administratives et leurs confortables budgets publicitaires.

Concurrence aiguë

L’an dernier, l’abandon prévu de la rédac­tion de Saint-Nazaire par Presse-Océan a fait réa­gir jusqu’à la mairie du pre­mier port bre­ton. Saint-Nazaire ne manque pour­tant pas de médias locaux, mais seul Ouest-France sem­ble proche de la munic­i­pal­ité de gauche plurielle actuelle. Le tout nou­veau Saint-Nazaire News est plutôt dis­tant, tan­dis que Saint-Nazaire Infos est tenu depuis des années par Jean-Bap­tiste Rochard, certes en rup­ture de ban avec l’UMP locale, mais surtout héri­ti­er du gaullisme his­torique dans la ville. Plus à l’ouest, La Baule + est aus­si plutôt mar­qué à droite – et tient un jour­nal gra­tu­it qui est l’un des plus qual­i­tat­ifs de France, tout en étant incon­tourn­able pour qui veut s’insérer dans l’économie de la Baie.

Indif­férent aux dif­fi­cultés, l’éditorialiste fan­faronne : « depuis sa créa­tion, Presse-Océan reste fidèle à ses valeurs : démoc­ra­tie, République, respect des lib­ertés. Le jour­nal s’inscrit dans le long héritage de la presse en Loire-Atlan­tique […] mais il ne cesse d’évoluer pour rester au plus près des attentes de ses lecteurs […] en 1979, la couleur dans ses pages, les nou­veaux out­ils infor­ma­tiques au début des années 1980 ».

Même la can­ni­bal­i­sa­tion pro­gres­sive par Ouest-France, dénon­cée par l’ancien rédac-chef Herv Louboutin qui a ten­té sans suc­cès d’imposer son Nou­v­el Ouest, est repeinte en rose : « avec son inté­gra­tion au groupe Sipa Ouest-France en 2005, et le lance­ment du for­mat tabloïd en jan­vi­er 2009, Presse-Ocean s’est adap­té aux nou­veaux rythmes de la métro­pole nan­taise en pleine expan­sion ». On croirait lire un pro­gramme municipal.

Lectorat en berne et silence sur les sujets qui dérangent

Quant au lec­torat, pas un mot, l’éditorialiste préfère men­tion­ner « 2 mil­lions de vis­ites chaque mois » sur le site et l’application mobile, ain­si qu’une « com­mu­nauté de plus de 100.000 per­son­nes suit aujourd’hui les infor­ma­tions de Presse-Océan sur les réseaux soci­aux ».

Il y aurait pour­tant beau­coup à dire : en dix ans, Presse-Océan a per­du 20.514 exem­plaires, soit la moitié de ses lecteurs – et Ouest-France 1 sur 7 (108.000 exem­plaires). Par rap­port au milieu des années 1980, où Presse-Océan atteignait 80.000 lecteurs en Loire-Atlan­tique et en Vendée, chaque jour, la déperdi­tion est plus lourde.

Pis, « Presse-Océan a aus­si per­du la sen­si­bil­ité poli­tique qu’il por­tait à l’origine et qui le soute­nait aus­si  », témoigne un con­nais­seur de la presse locale à Nantes. « La droite mod­érée, chré­ti­enne, un peu tra­di­tion­nelle et affairiste de Louboutin n’existe pour ain­si dire plus. Il reste des bobos de droite, comme Gar­nier, qui font des scores minables aux élec­tions [8.46% aux européennes, autant que le FN], en par­tie parce que les électeurs de droite à Nantes préfèrent vot­er là où ils sont enten­dus – sur la côte et à la cam­pagne, en par­tie car leur base élec­torale est par­tie chez Macron pour les rich­es et chez Le Pen pour ceux qui sen­tent venir leur déclasse­ment, en par­tie aus­si car les gens de la classe moyenne droite-chré­ti­enne sont par­tis de Nantes et ont été rem­placés par des bobos parisiens ».

« Résul­tat, Presse‑O se cherche une nou­velle niche poli­tique. Un peu gauchiste – à fond pour taper sur les flics lors de l’affaire Steve, emmené par le dessi­na­teur Eric Chalmel, alias Frap. Raté pour eux car c’est leur con­cur­rent direct Breizh Info qui avait rai­son : vu l’endroit où le corps a été retrou­vé, les flics sont hors du coup. Un peu pro-migrants, mais le créneau est déjà pris par Ouest-France. Un peu pro-bre­ton, mais pas trop, c’est mal vu des plus gros annon­ceurs. Mais sur le seul créneau où ils pour­raient se dif­férenci­er – le traite­ment de la délin­quance qui explose à Nantes, la ges­tion des col­lec­tiv­ités locales PS, ils se taisent, ils font par­tie du sys­tème, de l’omerta. Pas éton­nant que leurs lecteurs se détour­nent ».