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Un journaliste allemand révèle le pouvoir de la CIA sur la presse

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27 novembre 2014

Temps de lecture : 4 minutes
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Un journaliste allemand révèle le pouvoir de la CIA sur la presse

Temps de lecture : 4 minutes

Un ancien rédacteur en chef de l’un des plus gros journaux allemands a révélé sa participation à ce qu’il appelle une « corruption de nouvelles » à l’œuvre dans les médias occidentaux.

Selon Udo Ulfkotte, ancien du Frank­furter All­ge­meine Zeitung, cette manip­u­la­tion à grande échelle est pilotée tout droit des États-Unis via la CIA avec pour but, ni plus ni moins, que de men­er l’Eu­rope dans une guerre con­tre la Russie.

Délire com­plo­tiste ? Sauf que M. Ulfkotte n’est pas n’im­porte qui. Ancien con­seiller du gou­verne­ment Hel­mut Kohl, il est mem­bre du Ger­man Mar­shall Fund, a fait par­tie de la Fon­da­tion Kon­rad Ade­nauer de 1999 à 2003 et a été le cofon­da­teur d’un mou­ve­ment de paix con­tre l’ex­trémisme islamique en Alle­magne. Il a égale­ment rem­porté le prix civique de la Fon­da­tion Annette Barthelt en 2003.

C’est dans un récent livre, disponible unique­ment en Alle­mand et inti­t­ulé « Gekaufte Jour­nal­is­ten (jour­nal­iste achetés) » qu’il a décidé de bris­er l’omer­ta. L’ou­vrage est actuelle­ment en tête des ventes sur Amazon.de.

Pour la télévi­sion russe inter­na­tionale RT, celui-ci explique qu’il a été « éduqué à men­tir, à trahir, et à ne pas dire la vérité au pub­lic ». Devant l’ac­céléra­tion des événe­ments et la mon­tée des ten­sions avec l’est, le jour­nal­iste a décidé de sor­tir de son silence. Très inqui­et d’une nou­velle guerre en Europe, il explique qu’« il y a tou­jours des gens der­rière qui poussent à la guerre, et ce ne sont pas seule­ment les politi­ciens, ce sont les jour­nal­istes aussi ».

Ulfkotte va même jusqu’à assur­er, à par­tir de sa pro­pre expéri­ence, que beau­coup de jour­nal­istes et de cor­re­spon­dants sont directe­ment suiv­is par la CIA, jusqu’à servir d’es­pi­on. « J’ai été une “cou­ver­ture non offi­cielle”. La cou­ver­ture non offi­cielle, ça sig­ni­fie quoi ? Cela sig­ni­fie que vous tra­vaillez pour une agence de ren­seigne­ment, vous les aidez s’ils veu­lent que vous les aidiez, mais jamais, au grand jamais […] lorsque vous êtes attrapés, lorsqu’ils décou­vriront que vous n’êtes pas seule­ment un jour­nal­iste mais égale­ment un espi­on, ils ne diront jamais : “celui-ci était l’un des nôtres” », racon­te-t-il.

Par­lant de son pays, l’Alle­magne, il explique que « nous sommes encore une sorte de colonie améri­caine, et, étant une colonie, il est très facile d’approcher les jeunes jour­nal­istes au tra­vers des organ­i­sa­tions transat­lan­tiques », aux­quelles appar­ti­en­nent de nom­breux hommes de presse. « Ce que font ces organ­i­sa­tions transat­lan­tiques, c’est de vous inviter pour voir les États-Unis, ils paient pour cela, ils paient toutes vos dépens­es, tout. Ain­si, vous êtes soudoyés, vous devenez de plus en plus cor­rom­pus, parce qu’ils font de vous de bons con­tacts », poursuit-il.

Et ce phénomène ne se lim­ite pas à l’Alle­magne. Pour M. Ulfkotte, « c’est plus par­ti­c­ulière­ment le cas avec les jour­nal­istes bri­tan­niques, parce qu’ils ont une rela­tion beau­coup plus étroite », mais aus­si avec les jour­nal­istes israéliens. En France, l’emprise améri­caine est, selon lui, plus lim­itée sur le monde de la presse. « Il y a de nom­breux pays où ça se passe, où vous trou­vez des gens qui déclar­ent être des jour­nal­istes respecta­bles, mais si vous regardez plus der­rière eux, vous décou­vrirez que ce sont des mar­i­on­nettes manip­ulées par la CIA », ajoute l’an­cien rédac­teur en chef du Frank­furter All­ge­meine Zeitung.

Et celui-ci de citer une anec­dote. Un jour, les ren­seigne­ments alle­mands lui deman­dent d’écrire un arti­cle con­tre le prési­dent libyen Mouam­mar Kad­hafi. « Je n’avais absol­u­ment aucune infor­ma­tion secrète con­cer­nant le colonel Kad­hafi et la Libye. Mais ils m’ont don­né toutes ces infor­ma­tions secrètes, et ils voulaient juste que je signe l’article de mon nom. Je l’ai fait. (…) Donc pensez-vous réelle­ment que ceci est du jour­nal­isme ? Des agences de ren­seigne­ment écrivant des articles ? »

Et mal­heur à qui refuserait les avances des ren­seigne­ments ! Il perdrait tout sim­ple­ment son tra­vail. Ulfkotte con­fie que sa pro­pre mai­son a déjà été perqui­si­tion­née six fois « parce que j’ai été accusé par le pro­cureur général alle­mand de divul­ga­tions de secrets d’État ».

Et le jour­nal­iste de con­clure, avec une déter­mi­na­tion qui fait froid dans le dos : « La vérité sor­ti­ra un jour. La vérité ne mour­ra pas. Et je me fiche de ce qui va arriv­er. J’ai eu trois crises car­diaques, je n’ai pas d’enfants. Donc s’ils veu­lent me pour­suiv­re ou me jeter en prison, la vérité en vaut la peine. »