Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Tribune : Wikipédia vecteur de propagande

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

7 septembre 2023

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Tribune : Wikipédia vecteur de propagande

Tribune : Wikipédia vecteur de propagande

Temps de lecture : 7 minutes

Nous savons que Wikipédia est devenu sous certains aspects (pour les contenus ayant un angle politique) un instrument libéral libertaire contrôlé par des militants venus de l’extrême gauche. Nous reproduisons la tribune de l’essayiste Jean-Paul Gourevitch, récente victime des manipulations de Wikipédia.

Quand la dictature idéologique s’invite sur Wikipédia : la belle histoire de “Chouette bougonne”.

Au bon vieux temps de la liberté de l’information

Il était une fois une ency­clopédie ali­men­tée par des volon­taires, uni­verselle, mul­ti­lingue, qui avait pour objet de fournir un con­tenu libre, objec­tif et véri­fi­able auquel cha­cun pou­vait col­la­bor­er pour amélior­er les con­tenus par un proces­sus de libre discussion.

Ce pro­jet ini­tial­isé par Jim­my Wales en 2001 pos­tu­lait la gra­tu­ité et la neu­tral­ité et était con­trôlé par des admin­is­tra­teurs, choi­sis par con­sen­sus par­mi les con­tribu­teurs ayant beau­coup pro­duit. En cas de désac­cord édi­to­r­i­al, les con­tribu­teurs devaient en dis­cuter et trou­ver un accord avant toute mod­i­fi­ca­tion. Il était égale­ment impos­si­ble de pub­li­er plus de trois con­tri­bu­tions sur la même notice dans les mêmes 24 heures. La con­ser­va­tion de l’historique des con­tri­bu­tions per­me­t­tait de revenir à la ver­sion précédente.
Cette ency­clopédie s’appelait  Wikipé­dia, fonc­tion­nait  à la sat­is­fac­tion générale depuis plus de 20 ans,  com­por­tait des dizaines de mil­liers de con­tribu­teurs  et dans sa ver­sion française atteignait deux mil­lions d’articles.

C’était hier, avant que n’arrive Chou­ette bougonne.

Qui est “Chouette bougonne” ?

Chou­ette bougonne fait par­tie aujourd’hui de l’équipe des patrouilleurs de RC (Recent Changes) des­tinée à lut­ter con­tre le van­dal­isme (com­porte­ment con­traire à l’encyclopédisme du pro­jet) et à aider les débu­tants à amélior­er leurs con­tri­bu­tions. Mais aus­si des révo­ca­teurs de Wikipé­dia, ceux qui per­me­t­tent de sup­primer d’un seul clic les mod­i­fi­ca­tions. Elle affirme « lut­ter con­tre la dés­in­for­ma­tion et s’opposer à la cen­sure sur la toile. » Grâce à ses dizaines de con­tri­bu­tions par jour, elle est dev­enue incontournable.

Selon Wik­i­buster, un blog qui dit « chercher à informer le pub­lic – les enseignants et les jour­nal­istes en par­ti­c­uli­er – sur la véri­ta­ble nature de Wikipé­dia »  elle était antérieure­ment con­nue sous le nom de Malar­ia 28, « s’activant sys­té­ma­tique­ment pour l’extrême gauche, et niant l’évidence, comme les sources sec­ondaires de niveau nation­al », (23/06/2023) et imposant «  sa vision des choses sur le racisme dans la police, au détour d’une annu­la­tion de con­tri­bu­tion précé­dente, et sans annon­cer le con­tenu de « sa » pro­pre contribution…Et bien sûr sans citer de source, et en faisant un TI, formelle­ment pro­scrit par les règles de Wikipé­dia »  (03/07/2023).

La traque

Donc puisque les loups étaient entrés dans Wikipé­dia, Chou­ette bougonne a décidé se faire les crocs. J’ai eu le priv­ilège d’être sa pre­mière vic­time expi­a­toire le 24 août 2023.

Pourquoi moi ? Parce que, ce jour-là, plusieurs jour­naux et médias dont Le Figaro Mag­a­zine ont mis en valeur l’étude sci­en­tifique que je venais de pub­li­er chez Con­tribuables Asso­ciés sur « Le coût de l’immigration en France : recettes, dépens­es, investisse­ments, rentabil­ité » qui con­clu­ait à un déficit de l’immigration de 53,9 mil­liards d’euros. Ce déficit est supérieur aux esti­ma­tions des écon­o­mistes de gauche (CEPII, OCDE) qui le situent entre 4 et 36 mil­liards d’euros et très inférieur à ceux des écon­o­mistes de droite et d’extrême-droite qui le chiffrent entre 70 mil­liards d’euros (Laulan) et 256 à 298 mil­liards d’euros (Posokhow).

C’en était trop pour Chou­ette bougonne. Elle a vu rouge.

Elle a com­mencé par sup­primer ma présen­ta­tion ini­tiale qui fig­u­rait depuis une dizaine d’années sur ma page Wikipédia :

Jean-Paul Gourévitch, né le 7 sep­tem­bre 1941, est un essay­iste français. Il est prin­ci­pale­ment con­nu pour ses travaux sur la lit­téra­ture de jeunesse, l’Afrique, la Méditer­ranée, l’Is­lam et les migrations.

Elle l’a rem­placé par son pro­pre texte :

Jean-Paul Gourévitch, né le 7 sep­tem­bre 1941, est un essay­iste français. Il est prin­ci­pale­ment con­nu pour ses pub­li­ca­tions alarmistes sur le « coût » qu’en­gen­dr­erait l’im­mi­gra­tion au bud­get de la France, qui sont cri­tiquées pour l’ab­sence de rigueur sci­en­tifique et repris­es par les mil­i­tants d’ex­trême droite.

Le grand nettoyage

Cela ne lui suff­i­sait pas. Puisque je suis prin­ci­pale­ment con­nu pour mes pub­li­ca­tions sur le coût de l’immigration, Il fal­lait sup­primer de la notice tout ce qui n’entrait pas dans ce domaine. Elle a opéré 31 con­tri­bu­tions mod­i­fica­tives le 24 août, réécrit ma biogra­phie et sup­primé autori­taire­ment d’un clic toutes les rubriques qui témoignaient de mes autres travaux et qui fig­u­raient jusque-là dans ma notice : la lit­téra­ture de jeunesse, l’Afrique, la Méditer­ranée, l’islam et même les cock­tails. La moitié de ma page. Elle ne s’en est pas cachée devant les administrateurs.

« Bon­soir, pas grand chose à dire. J’ai effec­tué un net­toy­age sur cette page qui en avait bien besoin. Tout l’article était une forme de syn­thèse inédite. Vis­i­ble­ment cette per­son­ne est essen­tielle­ment con­nue pour ses pub­li­ca­tions con­cer­nant le “coût de l’immigration en France”. J’ai com­mencé à net­toy­er la page, et ça n’est d’ailleurs pas fini, car il y a encore du boulot (cf. mon ban­deau de recy­clage sur les sec­tions con­cer­nant l’immigration). J’assume com­plète­ment mes mod­i­fi­ca­tions, et j’affirme n’avoir aucun par­ti pris sur le sujet. »

Le verdict

Donc, sans par­ti pris, elle a refait en total­ité les rubriques immi­gra­tion et posi­tion­nement poli­tique en ne gar­dant que les élé­ments qui m’étaient défa­vor­ables — et que par souci de déon­tolo­gie j’avais con­servés — et en sup­p­ri­mant sys­té­ma­tique­ment tout ce qui m’était favor­able dans les sources nationales. Vous trou­verez sur Wikipé­dia la ver­sion antérieure au 24 août que vous pour­rez com­par­er avec la ver­sion actuelle. C’est suff­isam­ment par­lant pour que je n’entre pas dans les détails. Je suis donc défini­tive­ment le chercheur préféré de l’extrême-droite et l’adepte de la théorie du Grand Rem­place­ment alors même que j’ai pub­lié deux ouvrages de cri­tique sci­en­tifique sur ce sujet.

J’ai essayé de rétablir la ver­sion antérieure le 30/08. Elle l’a immé­di­ate­ment révo­quée le lende­main en alig­nant 29 con­tri­bu­tions et en faisant état d’une « guerre d’édition ». De fait, quand plusieurs con­tribu­teurs intro­duisent des mod­i­fi­ca­tions, ils doivent d’abord s’entendre par la libre dis­cus­sion avant de mod­i­fi­er la ver­sion. J’ai donc répon­du à quelques-unes de ses con­tri­bu­tions, mais elle a sup­primé d’autorité mes réponses.

La mise à mort

Et pour que l’affaire soit défini­tive­ment réglée, elle a demandé l’expulsion pour « van­dal­isme » d’un con­tribu­teur qui m’avait soutenu, men­acé de la même sanc­tion une autre qui s’étonnait de son absence de déon­tolo­gie en lui inti­mant de « ne pas s’occuper de cette affaire », et obtenu que je sois inter­dit de Wikipé­dia jusqu’au 15 sep­tem­bre car je n’intervenais pas « de façon sereine ».

J’ai alors pré­cisé que « Je souhait­erais qu’on en revi­enne à la ver­sion préal­able aux inter­ven­tions de Chou­ette bougonne… Si ce n’é­tait pas pos­si­ble, je n’au­rais comme autre solu­tion que de fer­mer ma page ce qui serait en quelque sorte renier tout mon tra­vail d’in­for­ma­tion que je pour­su­is depuis des dizaines d’an­nées et qui a jusqu’i­ci été glob­ale­ment respec­té par Wikipé­dia. » Sauf que fer­mer une page est impos­si­ble. Ceux qui iront chercher des infor­ma­tions me con­cer­nant sur Wikipé­dia ne pour­ront que décou­vrir un acte d’accusation tron­qué, instru­it par une mil­i­tante qui se cam­ou­fle der­rière des arguties juridiques.

Certes, le principe de Wikipé­dia qui priv­ilégie les sources sec­ondaires (ce qu’on dit sur vous) aux dépens des sources pri­maires (ce que vous écrivez ou que vous répon­dez) est peu adap­té aux notices biographiques. Rai­son de plus pour que les admin­is­tra­teurs soient vig­i­lants sur la loy­auté et la déon­tolo­gie de l’information. Wikipé­dia a été créée pour faire avancer la con­nais­sance, pas la polémique.

Voir aus­si : Wikipé­dia, une ency­clopédie très médi­a­tique avec un par­ti-pris libéral libertaire