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RSF érige des frontières à la liberté d’expression

10 octobre 2023

Temps de lecture : 3 minutes
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RSF érige des frontières à la liberté d’expression

Temps de lecture : 3 minutes

L’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) a choisi de ne pas signer la pétition de l’association European Digital Rights (EDRi) visant à promouvoir l’interdiction totale des logiciels espions. Confiant, RSF estime, selon La Lettre A, que « la position actuelle des députés européens offre des garanties suffisantes pour protéger les journalistes ».

RSF mise sur les eurodéputés

C’est prob­a­ble­ment l’argument le plus éton­nant avancé par RSF con­tre la péti­tion de l’EDRi. En se fiant à la posi­tion d’élus comme garantie pour pro­téger les jour­nal­istes, RSF et son secré­taire général Christophe Deloire sem­blent pêch­er par naïveté ou sim­ple­ment pren­dre un virage guère con­cil­i­able avec la lib­erté de la presse.

En effet, l’association fondée par Robert Ménard estime  que le Media Free­dom Act, un texte de loi émanant du Con­seil de l’Union Européenne (présen­té en juin 2023) et qui sera l’objet de négo­ci­a­tions avec le Par­lement, garan­tit suff­isam­ment la pro­tec­tion des jour­nal­istes. La com­mis­sion par­lemen­taire des lib­ertés civiles du Par­lement Européen aurait ain­si apporté des gages suff­isants. La com­po­si­tion du par­lement étant par nature volatile, ce que n’ignore pas RSF à huit mois des élec­tions européennes, s’en tenir à la posi­tion des par­lemen­taires peut appa­raître par­ti­c­ulière­ment précaire.

Selon La Let­tre A, RSF s’estime « assez solide pour faire face aux Etats mem­bres » dans les négo­ci­a­tions sur le texte de loi. Une posi­tion qui est défendue par la lob­byste de l’association à Brux­elles, Julie Majer­czak (ex-Libéra­tion et Ter­ra Eco) qui estime qu’il est « inutile de se figer dans une inter­dic­tion absolue des logi­ciels ». Lors de la paru­tion du texte de loi, RSF s’était pour­tant mon­tré cri­tique à l’endroit de celui-ci.

Un logiciel « au cas par cas »

La posi­tion de RSF peut sem­bler ten­able à court terme puisque les lob­bies médi­a­tiques ont déjà rem­porté une vic­toire con­tre les plate­formes auprès du lég­is­la­teur européen. Fin sep­tem­bre, ils avaient obtenu un délai de 24 heures en faveur des médias pour répon­dre aux plate­formes qui voudraient sup­primer un con­tenu litigieux.

Le Media Free­dom Act lim­it­erait, lui, l’utilisation des logi­ciels espi­ons dans le cadre d’enquêtes des « autorités judi­ci­aires indépen­dantes » pour des « crimes sérieux » comme le traf­ic d’être humains et le ter­ror­isme. Le prob­lème d’un tel encadrement est de créer une excep­tion qui, en matière sécu­ri­taire devient sou­vent la règle générale. Quant aux « autorités judi­ci­aires indépen­dantes », il con­vient de savoir ce qu’elles sont dans chaque Etat mem­bre et surtout dans quelle mesure elles sont indépen­dantes. Ain­si les « autorités admin­is­tra­tives indépen­dantes » en France sont générale­ment dirigées par des proches du pou­voir et leur mode de nom­i­na­tion est lié au som­met de l’Etat (prési­dence des Par­lements et hautes juridictions).

RSF, dont les posi­tions en matière de lib­erté d’expression sont à géométrie vari­able, sem­ble jouer la carte de la mod­éra­tion dans ses négo­ci­a­tions avec Brux­elles. Une méth­ode qui peut per­me­t­tre d’obtenir des gages de l’UE mais qui risque égale­ment de dis­créditer encore plus l’association et d’ouvrir la voie à un peu plus de sur­veil­lance des médias par le pou­voir politique.

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