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Limite, les écolo-catho raccrochent

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2 novembre 2022

Temps de lecture : 4 minutes
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Limite, les écolo-catho raccrochent

Temps de lecture : 4 minutes

Apparu il y a sept ans comme un extra-terrestre dans le paysage médiatique, la revue de « l’écologisme intégral » disparaît. Une aventure éditoriale originale qui n’a pas tenu la distance mais qui a probablement forgé une génération de journalistes catholiques.

Née en 2015, la revue Lim­ite, a con­sti­tué une excep­tion dans le paysage médi­a­tique français. Le numéro 27 sera donc le dernier de ce trimestriel écologique. Désireux de s’adresser aux croy­ants mais aus­si à un pub­lic chré­tien con­ser­va­teur, le jour­nal se revendi­quait de « l’écologie intégrale ».

À la suite des mou­ve­ments pro-familles qui se sont dressés con­tre le mariage homo­sex­uel, les catholiques ont signé leur grand retour dans la rue. Les courants sont alors épars, par­fois très con­tra­dic­toires tant idéologique­ment que soci­ologique­ment. L’année de créa­tion de la revue cor­re­spond aus­si à celle de la pub­li­ca­tion de l’encyclique « Lauda­to Si » du pape François, qui cri­tique le con­sumérisme et la dégra­da­tion écologique. À la vision « iden­ti­taire » d’une par­tie des catholiques, Lim­ite préfér­era une démarche écologique. Le pos­tu­lat est audi­ble mais prob­a­ble­ment moins « rentable ». Les cofon­da­teurs sont au nom­bre de cinq. Trois femmes : Mar­i­anne Dura­no, Camille Dal­mas et Eugénie Bastié ; deux hommes Paul Pic­car­reta et Gaulti­er Bès.

Tempête dans un bénitier

Des oppo­si­tions ont tra­ver­sé la revue. En 2019, lors des débats autour de la loi bioéthique, par exem­ple. Hos­tile à la Pro­créa­tion Médi­cale­ment Assistée, la revue met­tait alors en garde con­tre le risque de retourn­er le débat en mou­ve­ment d’hostilité vis-à-vis des homosexuels.

L’une des cofon­da­tri­ces, Eugénie Bastié, a alors quit­té le titre, d’autres proches de la revue pren­dront leur dis­tance mar­quant une forme de rup­ture avec la droite catholique. La trans­for­ma­tion poli­tique de La Manif Pour Tous et des man­i­fes­ta­tions d’ampleur face à la loi Taubi­ra aura finale­ment ren­for­cé un camp « libéral-con­ser­va­teur » plus que les marges actives de droite comme de gauche qui ont par­ticipé à ces mobil­i­sa­tions. La can­di­da­ture Zem­mour en 2022 sem­ble d’ailleurs s’inscrire dans la con­ti­nu­ité de ce mou­ve­ment. Le directeur de la revue Paul Pic­car­reta par­le même de « deux généra­tion dos à dos au sein de la jeunesse catholique ».  En refu­sant d’être assim­ilé à un camp con­ser­va­teur ou pro­gres­siste, la revue a adop­té une feuille de route que peu étaient en mesure de com­pren­dre et de suiv­re, et qui l’a plutôt rangée côté gauche.

Lim­ite a aus­si ten­té de faire cohab­iter, ou de con­fron­ter, ce qui existe d’intelligent dans le paysage poli­tique français notam­ment en pro­posant un entre­tien croisé avec l’eurodéputé Les Répub­li­cain François-Xavier Bel­lamy et l’Insoumis François Ruf­fin.

Résurgence du catholicisme de gauche ?

La revue Lim­ite avait pour volon­té de dépass­er le débat progressiste/conservateurs mais a évolué dans un envi­ron­nement com­pliqué. La crise du Covid a fait du mal aux petites pub­li­ca­tions et le posi­tion­nement ant­i­cap­i­tal­iste donne peu de marge de manœu­vre en matière de revenus pub­lic­i­taires. Dans son entre­tien à Libé, Paul Pic­car­reta estime que la revue aurait pu con­tin­uer avec une lev­ée de fonds mais il a sem­blé à ceux qui ont fait Lim­ite qu’il était temps d’en finir avec ce for­mat et de con­tin­uer le com­bat ailleurs, et autrement.

La revue ne con­naî­tra donc pas la lente mort de cer­tains titres papiers, pas d’acharnement thérapeu­tique donc mais un cer­tain courage et l’humilité d’affirmer ne pas pou­voir « don­ner plus ». Selon Le Monde la revue dis­po­sait de 1 200 abon­nés et le point d’équilibre pour une telle paru­tion se trou­ve à 1 500. Des chiffres loin d’être ridicules pour une telle revue mais qui implique de lim­iter dras­tique­ment les dépens­es et rend peu envis­age­able d’avoir des salariés.

Éternelle démocratie chrétienne…

Lim­ite a incar­né, d’une cer­taine manière, le retour d’une famille de pen­sée qu’on pou­vait croire morte, celle de la démoc­ra­tie chré­ti­enne avec laque­lle la fil­i­a­tion sem­ble envis­age­able. Un pen­chant à gauche qui leur a valu un arti­cle et un entre­tien posthume fort aimable de Libéra­tion qui s’était mon­tré bien moins ten­dre sept ans plus tôt, dans un exer­ci­ce éton­nant d’amalgames et de rac­cour­cis. L’aventure Lim­ite fera peut-être des petits, elle aura en tout cas par­ticipé du débat d’idées et pro­posé des pistes de réflex­ion loin des sen­tiers battus.