Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Accueil | Veille médias | Patrick Eveno, déontologue et nouveau flic des journalistes ?

L’article que vous allez lire est gratuit. Le mois de décembre est le plus important pour nous, celui où nos lecteurs peuvent nous aider par un don avec un reçu fiscal pour 2023 de 66% de leur don. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

13 août 2020

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Patrick Eveno, déontologue et nouveau flic des journalistes ?

Patrick Eveno, déontologue et nouveau flic des journalistes ?

Temps de lecture : 6 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale 2020. Pre­mière dif­fu­sion le 30 mai 2020

Nous vous avons déjà parlé du CDJM, le quasi mort-né Conseil de déontologie journalistique et de médiation. C’est un papier particulièrement alacre que consacre à Patrick Eveno, pape (en retraite) auto-proclamé du CDJM, le journaliste Emmanuel Lemieux dans Marianne (version électronique) du 26 mai 2020. Quelques extraits sur celui qui est parfois surnommé plaisamment le « flic des paillassons ».


Conseil de déontologie

Patrick Eveno, le nouveau “flic” des journalistes ?

Par Emmanuel Lemieux

« Cet his­to­rien de la presse est le prési­dent du Con­seil de déon­tolo­gie jour­nal­is­tique et de médi­a­tion, une nou­velle instance cen­sée éclair­er le pub­lic et les médias sur leurs pra­tiques défail­lantes. Mais quels sont ses objec­tifs et com­ment s’y prend-il ?

Entre dans ce tem­ple, Apolline de Mal­herbe. Dans le grand livre de l’histoire des médias, la jour­nal­iste de BFM aura le droit à une notule. On y lira qu’elle aura été la pre­mière représen­tante de la pro­fes­sion à avoir été épinglée, le 20 mai 2020, par le tout nou­veau Con­seil de déon­tolo­gie jour­nal­is­tique et de médi­a­tion (CDJM). En cause, son inter­view de l’avocat Juan Branco…

Le grand livre de l’histoire des médias aura peut-être une autre entrée à la let­tre « E » cette fois. « E » pour « Eveno, Patrick », his­to­rien de la presse, 73 ans, prési­dent du CDJM. Sur le site même du Con­seil déon­tologique, celui-ci prend la plume pour le défendre (« Le CDJM n’est ni un tri­bunal, ni un con­seil de l’ordre ») et riposter con­tre ce « cher Daniel ». Com­pren­dre : Daniel Schnei­der­mann, le patron d’Arrêt sur images, qui, à peine les pre­miers avis mis en ligne, délivrait, comme Mar­i­anne, son bil­let cri­tique à l’égard de cet instance.

L’intéressé pré­cise sa pen­sée lorsqu’on l’appelle : « Je com­prends que Daniel soit dans la panique, cela fait des années qu’il fait com­merce de ce que nous faisons bénév­ole­ment dans une asso­ci­a­tion loi 1901… Surtout, Daniel n’a pas vrai­ment fait son boulot. Vous, à Mar­i­anne, vous l’avez fait même si vous n’êtes pas d’accord. Au moins, vous avez lu nos noti­fi­ca­tions, pas sur­volé le com­mu­niqué de presse », défouraille Patrick Eveno, qu’on imag­i­nait plus diplomate.

C’est que « Patrick » con­naît très bien « Daniel », mais aus­si « Plenel » qui « s’oppose à nous par cal­cul poli­tique ». Edwy Plenel l’ingrat alors que l’historien avait rédigé en per­son­ne 1 052 mots le con­cer­nant dans L’Encyclopædia Uni­ver­salis. En 1983, Patrick Eveno est entré au Monde, où offi­ci­aient déjà les deux jour­nal­istes. Le pro­fesseur agrégé qui s’ennuyait ferme au lycée de Bondy y a réal­isé sa thèse, « Le Monde vu comme une entre­prise », celle qui par la suite l’a plongé dans le déli­cieux aquar­i­um des médias. « En 1984, j’ai vu une rédac­tion de gens cul­tivés et intel­li­gents se trans­former en une meute stu­pide et féroce et éjecter de son siège le directeur de l’époque, André Lau­rens. Je me suis dit que la presse valait mieux que ça », se sou­vient le thésard.

Prenez un frère aîné, Bernard, qui fut le PDG de l’AFP mais aus­si un grand seigneur de l’édition chez Viven­di, une longue car­rière d’historien d’entreprise, et un por­trait de pois­son pilote de l’influence s’esquisse. « Il fait par­tie, avec d’autres, de ces appa­ratchiks uni­ver­si­taires un peu flous de l’univers médi­a­tique, dégoise cet autre spé­cial­iste des médias (dont nous ne livrerons nulle­ment l’identité par souci de pro­tec­tion des sources, le CDJM ne nous en tien­dra donc pas rigueur…). Du plus loin que je me sou­vi­enne, je l’ai tou­jours vu dans ces milieux, entre col­lo­ques, direc­tions de rédac­tions et instances min­istérielles. Et du plus loin que je me sou­vi­enne, il racon­te tou­jours les mêmes his­toires. » Bref, la prési­dence de la CDJM a été un long chemin.

En novem­bre 2019, des rédac­tions s’affichent vent debout con­tre ce nou­veau gad­get lancé — con­sécra­tion — par Édouard Philippe. Mar­i­anne aus­si voit d’un très mau­vais œil la créa­tion d’une telle instance et le fait savoir. D’autres au con­traire comme Lau­rent Jof­frin pour Libéra­tion, mais égale­ment Ouest-France, les syn­di­cats SNJ et CFDT, des asso­ci­a­tions socio­pro­fes­sion­nelles, veu­lent y voir une réelle avancée…

Mais retour aux travaux du CDJM et à son organ­i­sa­tion. Celui-ci compte trois col­lèges : les jour­nal­istes, les édi­teurs et le sacro-saint pub­lic. Sur ce dernier, c’est plus coton. « Pour l’instant, nous ne sommes pas au com­plet, seule­ment 47 mem­bres sur 60 prévus. » La « société civile » a été coop­tée par les car­nets d’adresses des uns et des autres. Les places à pour­voir se fer­ont sur let­tres de moti­va­tion. Les critères restent flous. Des représen­tants d’associations ont été recalés comme celui du site Boule­vard Voltaire, mais d’autres se sont retirés telles l’Acrimed, « mais eux voulaient faire du CDJM un tri­bunal pop­u­laire des médias », assure Patrick Eveno, tou­jours aus­si peu diplomate.

Dans le flux nia­garesque de l’info, com­ment s’attarder sur tel ou tel sujet ? Le CDJM est donc saisi. « Nous avons reçu 23 saisines sur cette inter­view de BFM. Elles prove­naient essen­tielle­ment de sym­pa­thisants de La France insoumise », nous apprend son prési­dent. Com­ment l’avis « Mal­herbe-Bran­co » a‑t-il été rédigé ? « Nous avons vision­né l’interview, et les réac­tions ont été unanimes. Une triplette com­posée d’un jour­nal­iste, d’un édi­teur et d’un citoyen se sont chargés de l’enquête et de la rédac­tion. » « Enquête » ? « Nous avons cher­ché à con­tac­ter par mail BFM mais ils ne nous ont pas répon­du. » Reste que la rédac­tion des noti­fi­ca­tions relève plus du papi­er d’humeur que d’une analyse sour­cilleuse aux critères clairs et nets. « Nous ne souhaitions aucun for­mal­isme, car on nous l’aurait reproché », explique Eveno qui sem­ble donc admet­tre une cer­taine sub­jec­tiv­ité pour les mem­bres-enquê­teurs du CDJM…

Notre homme se donne un an ou deux avant de détel­er de la prési­dence, et de revenir à ses chères études. « Patience ! D’ici là, nous aurons un retour d’expérience, nous améliorerons nos procé­dures et les médias français s’habitueront à cet exa­m­en qui n’a rien à voir avec la cen­sure. Nous nous situons dans cette zone grise avant le droit, avant que tout ne soit trop tard et que ça finisse au tribunal. »

Il y a les derniers recours. Le CDJM se pose donc, lui, en pre­mier recours. Mais sans moyens et sans aucun pou­voir de sanc­tion, il ne mobilise pas d’autres savoirs qui per­me­t­traient de mieux com­pren­dre la fab­rique de l’info. Il évac­ue le con­texte économique, social, man­agér­i­al des rédac­tions. Il est surtout le révéla­teur de l’époque débor­dée par une pro­fu­sion de médias et l’explosion des réseaux soci­aux : l’information est dev­enue une immense source d’insécurité et de défiance. »

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés