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Le RothschildGate : des révélations en mode discret dans les médias de grand chemin

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5 avril 2022

Temps de lecture : 6 minutes
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Le RothschildGate : des révélations en mode discret dans les médias de grand chemin

Temps de lecture : 6 minutes

Après avoir évoqué la couverture et le traitement médiatique de « l’affaire McKinsey », nous abordons aujourd’hui « l’affaire Rothschild » vue par les médias de grand chemin. Ce terme est ces jours-ci employé pour désigner le tour de passe-passe qui aurait permis à Emmanuel Macron de soustraire une partie de son patrimoine à l’Impôt sur la Fortune en France. Revue de presse.

De la commission Attali au ministère de l’économie en passant par la banque Rothschild

La car­rière d’Emmanuel Macron ressem­ble à celle d’autres hauts fonc­tion­naires passés du pub­lic au privé et vice ver­sa. Comme le soulig­nait le jour­nal Le Monde en juin 2021, « le fait, pour un haut fonc­tion­naire, de quit­ter le ser­vice de l’Etat et de rejoin­dre une entre­prise privée » est désigné par le terme « pan­tou­flage ». Le quo­ti­di­en du soir ajoute, sans toute­fois désign­er Emmanuel Macron, que « cette notion évoque aujourd’hui, à gauche, une forme de « cor­rup­tion » des élites ». Nous entrons donc dans le cœur du sujet…

« C’est en 2007, à la com­mis­sion Jacques Attali pour la libéra­tion de la crois­sance, que tout com­mence vrai­ment », sous-enten­du pour Emmanuel Macron, nous informe France Info dans un arti­cle d’octobre 2016. « Il en prof­ite pour se con­stituer un solide car­net d’adresses. Par la suite, il utilis­era ce réseau à la banque Roth­schild ».

Le site Off/Investigation men­tionne dans un doc­u­men­taire un de ces liens tis­sés par E. Macron lors de son activ­ité au sein de la com­mis­sion Attali chargée de pro­pos­er des mesures « pour la libéra­tion de la crois­sance » : « il avait sym­pa­thisé avec (le) patron (de la banque Roth­schild NDLR), Peter Brabeck ».

C’est donc en toute flu­id­ité qu’Emmanuel Macron quitte la Fonc­tion publique et se fait recruter par la banque Roth­schild, où il tra­vaille de sep­tem­bre 2008 à mai 2012. Une belle prise.

Le Monde révèle en mai 2017 une con­fes­sion d’un associé-gérant :

« On voulait le garder le plus longtemps pos­si­ble (…). L’établissement a l’habitude d’ouvrir ses portes à des hauts fonc­tion­naires afin de cap­i­talis­er sur leur car­net d’adresses ».

L’ancien min­istre de l’économie, Arnaud Mon­te­bourg, souligne dans le doc­u­men­taire du site Off/Investigation con­sacré au pat­ri­moine « dis­paru » d’Emmanuel Macron la stratégie com­mer­ciale agres­sive des ban­ques d’affaire spé­cial­isées dans la négo­ci­a­tion des opéra­tions de rachats-fusions-acqui­si­tions. Des officines qui ont tout intérêt à ce que ce type d’opérations se multiplie.

Et comme le souligne le député Olivi­er Mar­leix sur Twit­ter, elles n’ont pas été déçues quand Emmanuel Macron est passé de la banque Roth­schild au min­istère de l’économie :

Les gains perçus par Emmanuel Macron lors de ses « années Roth­schild » ont fait l’objet d’une atten­tion par­ti­c­ulière de cer­tains jour­nal­istes d’investigation.

Olivier Berruyer en précurseur

Macron a fort bien gag­né sa vie quand il était à la banque Roth­schild en négo­ciant des opéra­tions de rachats-fusions-acqui­si­tions. Tant mieux pour lui pour­rait-on dire.

Valérie Boy­er résume néan­moins sur Twit­ter une équa­tion dif­fi­cile à résoudre:

Cer­tains arti­cles et doc­u­men­taires nous l’apprennent égale­ment, l’optimisation des gains d’Emmanuel Macron quand il était ban­quier d’affaire « pose ques­tion ». Il y a tout d’abord un redresse­ment fis­cal. Le 1er juin 2016, Le Canard Enchainé révèle qu’Emmanuel Macron a fait l’objet d’un redresse­ment sur trois années suite à une sous-esti­ma­tion de son pat­ri­moine lui per­me­t­tant de ne pas pay­er l’impôt sur la fortune.

Quelques mois plus tard, en févri­er 2017, bien avant que le scan­dale de « l’affaire Roth­schild » n’éclate, Olivi­er Berruy­er s’interroge sur le site d’information Les Crises, sur « com­ment Macron a dépen­sé un SMIC par jour pen­dant 3 ans », ce qui a amené son pat­ri­moine financier à fon­dre comme neige au soleil.

Où sont donc passées les sommes gag­nées par Emmanuel Macron alors qu’il tra­vail­lait à la banque d’affaire Roth­schild, son objec­tif, revendiqué comme tel, étant comme le souligne L’Obs, de « se met­tre à l’abri du besoin » ? Si le doc­u­men­taire du site Off/Investigation n’apporte pas toutes répons­es, son grand intérêt est de présen­ter les faits de manière méthodique et détail­lée, et de pos­er des ques­tions restées à ce jour sans réponse.

Optimisation fiscale

La mino­ra­tion du pat­ri­moine déclaré au fisc n’est pas le seul sujet de ce que l’on peut appel­er le Roth­schildGate. Le doc­u­men­taire de Off Inves­ti­ga­tion évoque égale­ment des sus­pi­cions de trans­fert de fonds vers un par­adis fiscal.

Le jour­nal Mar­i­anne le relate ain­si : selon un proche de la banque Roth­schild cité dans le documentaire,

« dans le sys­tème Roth­schild, les asso­ciés & gérants ont cha­cun une petite société (…) des sortes de trust – une struc­ture à laque­lle le pat­ri­moine d’un indi­vidu est trans­féré N.D.L.R. –, qui sont logées à Jer­sey ou à l’Île-de-Man(…) Selon le doc­u­men­taire, la banque Roth­schild per­me­t­trait à ses asso­ciés gérants de vers­er en moyenne 80 % de leur rémunéra­tion dans ces trusts, les 20 % restant allant sur leur compte français, soit ce qu’ils déclar­ent au fisc. Ensuite, quand le ban­quier veut récupér­er les 80 %, il suf­fi­rait« qu’il claque des doigts ».

À l’instar de La Dépêche, les médias de grand chemin ont été très nom­breux à relay­er le démen­ti cinglant de la banque d’affaires. Plus large­ment, la défense du Prési­dent de la République et can­di­dat à sa réélec­tion ne tarde pas non plus.

Défense et illustration du capitaine Macron

On ne remet pas impuné­ment en cause la pro­bité de l’ancien ban­quier d’affaires. L’émission de la chaîne TV Lib­ertés I>Media du 1er avril souligne les réac­tions de cer­tains médias, en par­ti­c­uli­er du ser­vice pub­lic, à ce doc­u­men­taire. Plutôt que d’approfondir les inves­ti­ga­tions, il s’agit pour nom­bre d’entre eux de décrédi­bilis­er toute ques­tion gênante à ce sujet.

Alba Ven­tu­ra prend sur RTL la défense d’Emmanuel Macron en por­tant sa vin­dicte con­tre Éric Zem­mour : « le can­di­dat d’ex­trême droite (attaque) frontale­ment Emmanuel Macron sur l’af­faire McK­in­sey » pour « dra­guer les électeurs de droite qui pour­raient vot­er pour lui ». Le 3 avril, le JDD donne la parole à un avo­cat qui dénonce « Une cam­pagne men­acée par le total­i­tarisme d’extrême-gauche (…) « les amis de Mélen­chon pré­par­ent l’élection de Marine Le Pen ».

Chal­lenges inter­roge le 1er avril ( !) le vice-prési­dent d’An­ti­cor qui est formel : « Il n’y a pas assez de preuves pour lancer une enquête ». Le jour­nal économique The Finan­cial Times court égale­ment à la défense de son pro­tégé : « Les années Roth­schild de Macron en font une cible facile ».

À voir non seule­ment le peu d’empressement des médias de grand chemin à appro­fondir l’enquête menée par Off Inves­ti­ga­tion, mais égale­ment leurs cri­tiques à l’égard de toute inter­ro­ga­tion sur la dis­pari­tion subite d’une grande par­tie du pat­ri­moine financier déclaré d’Emmanuel Macron, on peut se dire que le sys­tème politi­co-médi­a­tique n’a tou­jours pas lâché son favori. Était-ce pour­tant un « non sujet » ?