Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Accueil | Veille médias | Julien Assange : je me meurs à petit feu

L’article que vous allez lire est gratuit. Le mois de décembre est le plus important pour nous, celui où nos lecteurs peuvent nous aider par un don avec un reçu fiscal pour 2023 de 66% de leur don. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

16 février 2020

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | Julien Assange : je me meurs à petit feu

Julien Assange : je me meurs à petit feu

Temps de lecture : 5 minutes

Nous reprenons, avec les mentions d’origine, un article paru sur Les Crises d’Olivier Berruyer le 11 février 2020. Les sous-titres sont de notre rédaction.

Un seul appel à Noël

Julian Assange n’était plus que l’ombre de lui-même lors d’un appel télé­phonique qu’il a pu pass­er à la veille de Noël, a déclaré à RT le jour­nal­iste bri­tan­nique Vaugh­an Smith, des­ti­nataire de l’appel, notant que le fon­da­teur de Wik­iLeaks avait du mal à par­ler et sem­blait être drogué (médi­cale­ment, NDR).

Assange a été autorisé à pass­er un seul appel de la prison de Bel­marsh à sécu­rité max­i­male dans le sud-est de Lon­dres pour les vacances de Noël, espérant un bref con­tact avec le monde au-delà des murs ternes d’acier et de béton aux­quels il est confiné.

« Je pense qu’il voulait sim­ple­ment quelques min­utes d’évasion » et raviv­er « quelques bons sou­venirs », a déclaré Smith à RT, ajoutant qu’Assange avait passé les vacances chez lui en 2010. La brève con­ver­sa­tion était cepen­dant loin d’être gaie, du fait de la détéri­o­ra­tion de l’état de san­té d’Assange qui était de plus en plus appar­ente tout au long de l’appel.

Il m’a dit : « Je meurs lente­ment ici. »

« Ses pro­pos étaient con­fus. Il par­lait lente­ment », a pour­suivi le jour­nal­iste. « Alors que Julian est très intel­li­gent et lucide, et s’exprimait tou­jours de manière claire et artic­ulée quand il par­lait. Et il avait l’air dans un état hor­ri­ble… c’était vrai­ment boulever­sant de l’entendre. »

Assange sous psychotropes ?

Bien qu’Assange ne l’ait pas dit explicite­ment lors de l’appel, Smith a déclaré qu’il pen­sait que le mil­i­tant pour la trans­parence était sous sédat­ifs, notant qu’« il sem­blait assez évi­dent qu’il l’était », et déclarant que d’autres per­son­nes qui ont ren­du vis­ite à Assange étaient du même avis.

Smith n’est pas le pre­mier à soulever cette ques­tion, mais les autorités bri­tan­niques ont jusqu’à présent refusé de divulguer si Assange avait reçu des psy­chotropes en prison, insis­tant seule­ment sur le fait qu’il n’était pas « mal­traité ». Mais étant don­né qu’il est « main­tenu en isole­ment cel­lu­laire pen­dant 23 heures par jour », les deman­des de nom­breux médecins visant à exam­in­er son état physique ayant été rejetées, Smith a dit qu’il avait du mal à croire les respon­s­ables sur parole.

« Julian était de très bonne com­pag­nie à Noël en 2010 », a déclaré le jour­nal­iste, mais l’homme à qui il a par­lé au télé­phone la semaine dernière ressem­blait à une toute autre per­son­ne. « Je ne com­prends tout sim­ple­ment pas… pourquoi il est dans la prison de Bel­marsh en pre­mier lieu. C’est un prévenu. Ce n’est pas un dan­ger pour le public. »

Prison pour condamnés « très dangereux »

Bel­marsh est une prison de caté­gorie A – le niveau le plus élevé du sys­tème pénal bri­tan­nique – des­tinée aux con­damnés « très dan­gereux » et à ceux sus­cep­ti­bles de ten­ter de s’échapper, générale­ment aux meur­tri­ers et aux ter­ror­istes. Alors qu’Assange ne répond à aucun de ces critères et a été ini­tiale­ment enfer­mé pour une infrac­tion mineure de non-remise en lib­erté sous cau­tion, pour laque­lle les autorités sué­dois­es ont arrêté les pour­suites, il a néan­moins été jeté à Bel­marsh et puni comme s’il était un crim­inel vio­lent et endur­ci. Il attend main­tenant une procé­dure d’extradition vers les États-Unis.

Vengeance d’État

Pour Smith, l’explication est sim­ple : il s’agit de se venger de quelqu’un qui a osé dire la vérité face au pou­voir, croit Smith, et de faire un exem­ple à des­ti­na­tion de quiconque pour­rait suiv­re l’exemple d’Assange dans la lutte con­tre le secret d’État et d’entreprise.

« Il est clair que ce qui arrive à Julian est beau­coup plus une ques­tion de vengeance, de faire un exem­ple pour dis­suad­er d’autres per­son­nes de forcer le pou­voir améri­cain à ren­dre des comptes comme il l’a fait », a‑t-il déclaré.

Assange « a livré une vision, un débat sur ce à quoi devrait ressem­bler la trans­parence à l’ère numérique… Le débat a été annulé, il n’a jamais vrai­ment eu lieu, et à la place, il est per­sé­cuté… C’est pourquoi il est à Belmarsh. »

Demande d’un procès équitable

À l’avenir, Smith a déclaré qu’il serait impor­tant de con­tin­uer à faire pres­sion sur le gou­verne­ment bri­tan­nique pour qu’il réponde à une litanie de ques­tions sur Assange, de son traite­ment en prison à sa san­té, et de faire pres­sion pour une « éval­u­a­tion indépen­dante » de la sit­u­a­tion. Con­finé sous une forme ou une autre depuis qu’il s’est réfugié à l’ambassade de l’Équateur en 2012 et main­tenant privé de sa capac­ité à se défendre devant les tri­bunaux, Assange devrait enfin béné­fici­er d’un procès équitable.

« Face à tout cela, nous devons vrai­ment pos­er plus de ques­tions. Cela doit être évo­qué beau­coup plus ouverte­ment … Julian a vu sa lib­erté com­pro­mise depuis près d’une décen­nie main­tenant », a déclaré Smith. « C’est com­plète­ment hon­teux. C’est de la tyran­nie. Il mérite mieux. »

Pho­to : Thier­ry Ehrmann via Flickr (cc)