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Julien Assange : je me meurs à petit feu

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16 février 2020

Temps de lecture : 5 minutes
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Julien Assange : je me meurs à petit feu

Temps de lecture : 5 minutes

Nous reprenons, avec les mentions d’origine, un article paru sur Les Crises d’Olivier Berruyer le 11 février 2020. Les sous-titres sont de notre rédaction.

Un seul appel à Noël

Julian Assange n’était plus que l’ombre de lui-même lors d’un appel télé­phonique qu’il a pu pass­er à la veille de Noël, a déclaré à RT le jour­nal­iste bri­tan­nique Vaugh­an Smith, des­ti­nataire de l’appel, notant que le fon­da­teur de Wik­iLeaks avait du mal à par­ler et sem­blait être drogué (médi­cale­ment, NDR).

Assange a été autorisé à pass­er un seul appel de la prison de Bel­marsh à sécu­rité max­i­male dans le sud-est de Lon­dres pour les vacances de Noël, espérant un bref con­tact avec le monde au-delà des murs ternes d’acier et de béton aux­quels il est confiné.

« Je pense qu’il voulait sim­ple­ment quelques min­utes d’évasion » et raviv­er « quelques bons sou­venirs », a déclaré Smith à RT, ajoutant qu’Assange avait passé les vacances chez lui en 2010. La brève con­ver­sa­tion était cepen­dant loin d’être gaie, du fait de la détéri­o­ra­tion de l’état de san­té d’Assange qui était de plus en plus appar­ente tout au long de l’appel.

Il m’a dit : « Je meurs lente­ment ici. »

« Ses pro­pos étaient con­fus. Il par­lait lente­ment », a pour­suivi le jour­nal­iste. « Alors que Julian est très intel­li­gent et lucide, et s’exprimait tou­jours de manière claire et artic­ulée quand il par­lait. Et il avait l’air dans un état hor­ri­ble… c’était vrai­ment boulever­sant de l’entendre. »

Assange sous psychotropes ?

Bien qu’Assange ne l’ait pas dit explicite­ment lors de l’appel, Smith a déclaré qu’il pen­sait que le mil­i­tant pour la trans­parence était sous sédat­ifs, notant qu’« il sem­blait assez évi­dent qu’il l’était », et déclarant que d’autres per­son­nes qui ont ren­du vis­ite à Assange étaient du même avis.

Smith n’est pas le pre­mier à soulever cette ques­tion, mais les autorités bri­tan­niques ont jusqu’à présent refusé de divulguer si Assange avait reçu des psy­chotropes en prison, insis­tant seule­ment sur le fait qu’il n’était pas « mal­traité ». Mais étant don­né qu’il est « main­tenu en isole­ment cel­lu­laire pen­dant 23 heures par jour », les deman­des de nom­breux médecins visant à exam­in­er son état physique ayant été rejetées, Smith a dit qu’il avait du mal à croire les respon­s­ables sur parole.

« Julian était de très bonne com­pag­nie à Noël en 2010 », a déclaré le jour­nal­iste, mais l’homme à qui il a par­lé au télé­phone la semaine dernière ressem­blait à une toute autre per­son­ne. « Je ne com­prends tout sim­ple­ment pas… pourquoi il est dans la prison de Bel­marsh en pre­mier lieu. C’est un prévenu. Ce n’est pas un dan­ger pour le public. »

Prison pour condamnés « très dangereux »

Bel­marsh est une prison de caté­gorie A – le niveau le plus élevé du sys­tème pénal bri­tan­nique – des­tinée aux con­damnés « très dan­gereux » et à ceux sus­cep­ti­bles de ten­ter de s’échapper, générale­ment aux meur­tri­ers et aux ter­ror­istes. Alors qu’Assange ne répond à aucun de ces critères et a été ini­tiale­ment enfer­mé pour une infrac­tion mineure de non-remise en lib­erté sous cau­tion, pour laque­lle les autorités sué­dois­es ont arrêté les pour­suites, il a néan­moins été jeté à Bel­marsh et puni comme s’il était un crim­inel vio­lent et endur­ci. Il attend main­tenant une procé­dure d’extradition vers les États-Unis.

Vengeance d’État

Pour Smith, l’explication est sim­ple : il s’agit de se venger de quelqu’un qui a osé dire la vérité face au pou­voir, croit Smith, et de faire un exem­ple à des­ti­na­tion de quiconque pour­rait suiv­re l’exemple d’Assange dans la lutte con­tre le secret d’État et d’entreprise.

« Il est clair que ce qui arrive à Julian est beau­coup plus une ques­tion de vengeance, de faire un exem­ple pour dis­suad­er d’autres per­son­nes de forcer le pou­voir améri­cain à ren­dre des comptes comme il l’a fait », a‑t-il déclaré.

Assange « a livré une vision, un débat sur ce à quoi devrait ressem­bler la trans­parence à l’ère numérique… Le débat a été annulé, il n’a jamais vrai­ment eu lieu, et à la place, il est per­sé­cuté… C’est pourquoi il est à Belmarsh. »

Demande d’un procès équitable

À l’avenir, Smith a déclaré qu’il serait impor­tant de con­tin­uer à faire pres­sion sur le gou­verne­ment bri­tan­nique pour qu’il réponde à une litanie de ques­tions sur Assange, de son traite­ment en prison à sa san­té, et de faire pres­sion pour une « éval­u­a­tion indépen­dante » de la sit­u­a­tion. Con­finé sous une forme ou une autre depuis qu’il s’est réfugié à l’ambassade de l’Équateur en 2012 et main­tenant privé de sa capac­ité à se défendre devant les tri­bunaux, Assange devrait enfin béné­fici­er d’un procès équitable.

« Face à tout cela, nous devons vrai­ment pos­er plus de ques­tions. Cela doit être évo­qué beau­coup plus ouverte­ment … Julian a vu sa lib­erté com­pro­mise depuis près d’une décen­nie main­tenant », a déclaré Smith. « C’est com­plète­ment hon­teux. C’est de la tyran­nie. Il mérite mieux. »

Pho­to : Thier­ry Ehrmann via Flickr (cc)